Mer. Avr 24th, 2024

Par Aurélie Mont-Reynaud

Gianluca Campofredano, diplômé en droit de l’Université de Sherbrooke, nous parle de sa recherche de stage pour le Barreau, de la profession d’avocat et de la différence entre la profession d’avocat telle qu’elle est souvent présentée aux étudiants (profession prestigieuse, lucrative) et la réalité du marché de l’emploi.

Q : Pourquoi as-tu choisi d’étudier en droit? 

R : « J’ai choisi le droit, car j’aimais argumenter, j’aimais surtout parler et communiquer. Quand j’ai commencé, j’avais dans l’esprit d’aller en cours, d’étudier, de réussir, puis de travailler dans des grands cabinets, de gagner beaucoup de sous… »

Q : Qu’est-ce qui a le plus évolué dans ta vision du droit depuis le début de tes études?

R : « C’est une profession de privilégiés. Par exemple, la recherche de stage pour le Barreau se passe beaucoup grâce au réseau. Personnellement, je trouve que je n’ai pas assez bâti mon réseau durant mon bac. De manière générale, le réseautage, ce n’est pas une étape qui est entamée par la totalité des gens au bac. Il y a seulement une minorité de personnes qui vont aux cocktails, aux visites de cabinets, qui tentent la course au stage. Ces activités devraient servir à l’intégration progressive des étudiants. En réalité, c’est une minorité d’individus qui en profitent, car ce n’est qu’au moment d’entrer sur le marché du travail qu’on réalise que c’est une question de réseau. Quand on commence un bac à 19 ans, le marché du travail, c’est un concept très lointain… »

Q : Comment se passe ta recherche de stage? Qu’est-ce qui te surprend le plus?

R : « Selon moi, il y a quatre façons de trouver un stage pour le Barreau : un dossier académique exemplaire, le réseau, la chance ou encore la patience. Ceci dit, le marché est de plus en plus saturé. Par exemple, on est passés de 745 finissants de l’école du Barreau en 2006 à 1092 en 2015! D’ailleurs, selon un article dans le Journal du Barreau de mai 2016, 80 % des étudiants commenceraient leur stage dans les 6 mois suivant leur examen… ça veut dire qu’il reste quand même 20 % des étudiants qui n’ont pas trouvé de stage au bout de six mois…Est-ce qu’ils le trouvent après? On sait pas…. Le marché est tellement saturé qu’au moment de trouver un stage, on se retrouve face à une énorme compétition. Parfois, c’est une question de chance. Parfois, on fait une entrevue, et là on s’aperçoit qu’une avocate postule pour le même stage! Dans mon cas, s’il y a des dizaines de candidats pour un stage, vu que mon profil est en droit international, je peux vite perdre ma chance par rapport à des candidats plus axés en droit civil. Il faut aussi préciser aussi que la maîtrise de la langue anglaise pour trouver un stage sur l’île de Montréal, c’est un prérequis, comme avoir réussi l’examen du Barreau. Souvent, les cabinets nous demandent aussi si on a de l’expérience dans tel domaine du droit. Mais il faut savoir que les emplois d’été pour les étudiants en droit, à moins d’être en coop, c’est quasiment impossible. Il y a déjà pas assez de stages pour les finissants du Barreau, alors les cabinets emploient rarement des étudiants au bac. Les stages pour le barreau sont aussi souvent très mal rémunérés. C’est quasiment de l’exploitation… Un avocat m’a proposé 600 $ par mois pour faire un stage. C’est tellement dur de trouver un stage que les étudiants sont prêts à accepter des conditions proches de l’exploitation. Mais en acceptant ce genre de stages, les étudiants perpétuent cette possibilité, cette culture de l’exploitation. »

Q : Est-ce que tu as des regrets? Aurais-tu des conseils à donner à des étudiants en droit?

R : « Avec du recul, j’ai l’impression que le sujet de l’accès au marché de l’emploi est quasiment inexistant lors des portes ouvertes, ou même durant l’activité Réussir en droit. Je ne regrette pas d’être allé en droit. Par contre, si je pouvais retourner en arrière, je m’informerais vraiment sur le taux de placement. Je pense aussi que pour commencer des études de cette envergure, il faut un niveau de maturité qu’un finissant du cégep n’a pas forcément. Quand on entre à l’université, le marché de l’emploi, c’est rarement une priorité. Le problème, c’est qu’en droit, la réalité ne coïncide pas avec le mythe, avec l’image du métier d’avocat. Évidemment je suis en recherche d’emploi, mais est-ce que j’abandonnerais mon discours demain? Je ne pense pas. Il faut que les étudiants en droit soient conscients de la réalité et fassent leur choix en conséquence. »


Crédit photo © Avocat Lille

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