Crédit: Associated Press
Qu’il s’agisse d’encourager la population à respecter les règles sanitaires liées à la COVID-19 ou de se prononcer sur Black Lives Matter (BLM), plusieurs athlètes ont pris position sur divers enjeux dans les derniers mois. Si certains estiment que l’arène sportive devrait demeurer neutre, l’activisme dans le sport s’impose à travers l’histoire.
Par Josiane Demers
« Shut up and dribble », s’est exclamée Laura Ingraham sur les ondes de Fox News en 2018. L’animatrice de chaîne conservatrice s’adressait alors à Lebron James, joueur vedette dans la NBA, après une entrevue qu’il avait accordée au réseau ESPN où il critiquait le président américain Donald Trump. Il soutenait que ce dernier et son gouvernement ne se préoccupaient pas des enjeux liés aux Afro-Américains. Cela rappelle que le militantisme dans le sport reste une question controversée qui divise. Une chose est sure, qu’ils s’engagent seuls ou en équipe, les athlètes activistes font face à de multiples critiques et parfois même, à de dures conséquences. Pourtant, ce phénomène n’a rien de nouveau.
Depuis toujours
Il serait illusoire de penser que l’activisme chez les athlètes est un phénomène récent. En 1883, Moses Walker fut le premier receveur afro-américain à évoluer dans la ligue majeure de baseball (MLB) au sein de l’équipe de Toledo en Ohio. Les White Socks de Chicago avaient alors demandé à l’entraineur de l’équipe adverse de ne pas faire jouer Walker, ce qu’il a refusé avec le soutien de l’équipe. Malheureusement, trois ans plus tard, la MLB a banni les joueurs noirs de la ligue jusqu’en 1946.
En août 1926, la nageuse professionnelle américaine Gertrude Ederle fut la première femme à participer à la traversée du English Channel. Malgré une tentative de sabotage de son propre entraineur et de multiples oppositions, l’athlète était déterminée à ouvrir le chemin pour les générations de femmes à venir.
Battle of the sexes
Plusieurs sportives ont dû prendre position pour faire avancer la cause des femmes dans le sport. On se souvient de Katherine Switzen qui fut la première femme à compléter le marathon de Boston en 1967 malgré l’agression physique d’un journaliste en pleine course.
En 1973, Billie Jean King, championne de tennis, a affronté et remporté un match contre Bobby Riggs, un joueur professionnel de 55 ans, dans un match très médiatisé. Ce dernier se plaisait à dénigrer les performances féminines dans le sport sur toutes les plateformes médiatiques. Même si la jeune femme était au sommet de sa forme et lui moins, l’apport à la cause féministe dans les années 1970 fut notoire. Hollywood en a même fait un film en 2017. L’athlète a milité pour l’égalité des sexes tout au long de sa carrière et s’implique encore aujourd’hui, surtout au niveau de l’équité salariale.
Des droits civiques à BLM
La remise des médailles du 200 m le 16 octobre 1968 aux Olympiques de Mexico marque encore l’imaginaire collectif. Deux athlètes afro-américains ont levé le poing pendant leur hymne national. Tommie Smith et John Carlos, ayant respectivement remporté l’or et le bronze, ont fait ce geste en guise de protestation contre le traitement des Noirs aux États-Unis.
Plus récemment, le cas de Colin Kaepernick, ce joueur de football américain évoluant au sein des 49ers de San Francisco à l’époque, a fait les manchettes. En 2016, le quart–arrière a refusé de se lever lors de l’hymne national en guise de protestation contre les inégalités raciales et la brutalité policière envers les Afro-Américains. Aux matchs suivants, il s’est agenouillé. Ce geste a créé une polémique au pays alors que certains, dont le président Donald Trump, le qualifiaient d’antipatriotique et le considéraient comme un manque de respect des troupes militaires. Les conséquences ont été considérables du côté de celui qui se définit désormais comme un activiste. Il devenait joueur autonome l’année suivante. Aucune équipe ne lui a offert de contrat. Même si le genou par terre est maintenant devenu un symbole de manifestation pacifique répandu dans les équipes sportives, il est important de souligner le geste courageux de Kaepernick alors qu’il en a été l’instigateur et était seul au départ.
Chez nous
L’activisme est également bien présent chez les athlètes canadiens, particulièrement du côté du hockey. Jonathan Diaby, ce joueur de la ligue nord-américaine de hockey (LNAH), a témoigné plusieurs fois de la problématique du racisme dans ce sport. On a pu le voir à plusieurs tribunes dont celle de Tout le monde en parle. Le 2 juin dernier, l’athlète a tristement déclaré en entrevue à balle courbe que « rien n’a changé ». Néanmoins, le 8 juin 2020, des joueurs noirs de la Ligue nationale de hockey (LNH) ont créé l’Alliance pour la diversité au hockey (HDA). Cet organisme a pour mission « d’éradiquer le racisme et l’intolérance dans le sport ». Comme expliqué en conférence de presse diffusée sur les réseaux sportifs, l’organisation souhaite également s’impliquer auprès des jeunes et rendre le hockey accessible à tous, peu importe son statut social, sa nationalité ou son orientation sexuelle.
Du côté du tennis, le jeune joueur étoile Félix Auger-Aliassime a verbalisé son support à BLM en dénonçant le racisme toujours présent dans le monde sportif chez nous.
Des citoyens avant tout
Le débat sur la place de l’activisme dans le sport perdurera certainement. Il existe des arguments valables pour chaque position. Les défenseurs de la neutralité dans le sport soutiennent que les équipes sportives et les athlètes représentent une ville ou un pays et non un parti politique ou une cause. Il est évident que l’aspect monétaire est intrinsèquement lié à cet argument. Les organisations sportives ne souhaitent certainement pas miner leur revenu en ostracisant un segment de population basé sur leurs positions politiques et sociales. De plus, plusieurs insistent sur le fait que le sport se veut inclusif et que le militantisme nuit à cela.
Il y a lieu de se demander à quel point une ou un athlète doit censurer sa réelle « identité » pour représenter sa région ou son équipe. Elles et ils sont d’abord et avant tout des citoyens et des êtres aux multiples facettes dotés d’intelligence et de connaissances. Les mentalités tendent à changer à cet égard alors que le comité olympique international (CIO) revoit actuellement l’article 50 de sa charte qui stipule « qu’aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. » Un sondage mondial sera distribué aux athlètes de haut niveau incessamment. La contribution des sportifs et sportives à certains avancements sociaux à travers les années est indéniable et en prouve l’utilité. Le militantisme dans le sport est bien présent et est vraisemblablement bien ancré.
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