Par Estelle Lamotte
Il était attendu. Révélé au cours de ses longs métrages, L’Humanité et Ma Loute, Bruno Dumont signe cette fois dans un tout nouveau registre avec France. Un tel film ne se titre pas innocemment. Oui, il s’agit du prénom de l’héroïne, mais c’est plutôt notre société s’y annonce d’emblée comme thème principal.
Adulée par certains, détestée par d’autres : l’œuvre ne fait pas l’unanimité. Le critique et journaliste français Nicolas Schaller déplore « un film embarrassant et d’une laideur absolue ». Pourtant, rien n’est aisé avec ce réalisateur qui joue constamment avec diverses strates.
La réalisation d’un portrait sociologique, une mise en abyme, un regard sur le monde ?
L’héroïne France de Meurs, interprétée par Léa Seydoux, est journaliste vedette d’une chaine toute info et présentatrice de l’émission Un regard sur le monde. Oui, la star, c’est elle. Qu’elle assiste à une conférence de presse d’Emmanuel Macron ou qu’elle se rende dans un pays en guerre. Sous les feux des projecteurs, les participants, qu’ils soient chefs de l’État, migrants, ou soldats, paraissent comme les figurants, des « idiots utiles » à côté d’elle. S’il convient de lire les diverses critiques présentes sur le web, la dénonciation s’attarde sur une pourriture généralisée du système.
Dans la forme, il s’agit, là encore, d’une création made in Dumont. Les couleurs saturées, les tenues de France jugées de mauvais goût, la mise en scène d’un appartement qui semble au diapason d’un décor de théâtre, où la réalité est une forme de trompe-l’œil. Une détestation viscérale de la société, un spectacle dont la mise en scène révèle un portrait révélateur de l’acidité de notre société moderne, une hypertrophie médiatique ?
On y voit Dumont qui arpente un territoire cinématographique qu’il connait bien, qui lui appartient, qui n’existe que dans son regard. Le but est de créer un dialogue avec la société de l’information, celle de « l’événementialisation », du bad buzz. Le personnage, incarné par Blanche Gardin, donne à voir cette vulgarité, cette obsession cynique envers les réseaux sociaux.
Léa Seydoux, révélée ?
« Ce film est vraiment embarrassant et très problématique », titrait Ava Cahen, critique de cinéma. Il suffit d’écrire France sur un quelconque moteur de recherche pour finalement trouver : vulgarité, condescendance, malaise. Dans ce prolongement continu envers le grotesque et le ridicule, Dumont n’orchestre-t-il pas la subtilité d’une anti-héroïne, tiraillée entre ses émotions, malmenée par sa beauté, froidement calculatrice, ambivalente, tragique ?
Un titre trompe l’œil, qui semble présenter la France et les médias au premier plan, en témoignent les critiques à son égard, mais qui établit la magnificence d’une ascension, d’une chute, d’une perdition. Puis, Dumont souhaite expressément rendre compte d’une vérité intérieure. « J’ai construit le personnage à partir d’elle et ça se voit un peu dans le film, car Léa est souvent en roue libre, c’est-à-dire qu’elle n’est pas loin de se jouer elle-même » explique le cinéaste. Oui, France est d’abord l’histoire d’une rencontre, entre Bruno Dumont et son actrice.
Crédit image @ IMDB
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