Lun. Juil 22nd, 2024

Par Gabriel Gélinas 

Lorsque lCommission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse présentait son rapport final le 3mai dernier, personne n’avait oublié le décès de cette jeune fille de Granby. Et pour cause, comment se pouvait-il qu’une jeune enfant suivie par plusieurs services gouvernementaux ait ainsi été laissée à elle-même? C’est pour répondre à cette question, qui laissait présager des failles majeures dans les services à l’enfance du Québec, que le gouvernement a mis sur pied la Commission. Voici donc ce qu’il en est. 

C’était le 29avril 2019, vers midi. La police de Granby recevait un appel comme quoi une jeune fille de 7ans était en état critique dans une résidence de la municipalité. Lorsque les premiers intervenants sont arrivés sur les lieux, des restants de ruban adhésif, utilisé, selon toute vraisemblance, pour attacher et bâillonner l’enfant, laissaient présager l’horrible traitement que lui réservaient son père et sa belle-mère. Le lendemain, le décès de l’enfant provoque un grand choc non seulement dans la communauté locale, mais dans l’ensemble de la société québécoise. 

Rapidement, des questions sont posées pour tenter de comprendre comment un tel drame a pu survenir. Plus précisément, comment se pouvait-il que la vie d’une jeune fille, qui était connue et suivie par les services de santé, les services sociaux comme la Direction de la protection de la jeunesse et les tribunaux, ait pu se terminer dans une telle tragédie? Un questionnement d’autant plus préoccupant que la grand-mère paternelle de l’enfant aurait fait plusieurs demandes pour obtenir la garde de l’enfant, sans jamais y parvenir. 

Pour répondre à cette inquiétante question, et en réaction aux drames similaires précédents qui confirmaient qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé et que les failles des services à l’enfance étaient beaucoup plus fondamentales, le gouvernement du Québec annonce qu’il met en place une commission d’enquête spéciale qui tiendra une série de 40forums aux quatre coins du Québec pour identifier les failles du système et formuler des recommandations quant aux améliorations à apporter pour corriger la situation. 

Le dépôt du rapport final 

C’est donc après presque deux ans de travail, malgré les obstacles rencontrés et l’avènement de plusieurs autres drames similaires au récit de la jeune fille de Granby, que la Commission Laurent, du nom de sa présente, a présenté, le 3mai dernier, son rapport final. En effet, dans leur rapport étoffé de 417 pages, les 12commissaires de la commission spéciale présentent une analyse de l’état actuel des services à l’enfance, notamment par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), proposent des réflexions sur les enjeux en question et, surtout, recommandent au gouvernement du Québec des solutions concrètes pour s’attaquer de façon frontale et efficace aux problèmes soulevés. 

Sans passer par quatre chemins, le consensus des commissaires est univoque : l’enfant, ses intérêts et ses besoins doivent revenir au centre des préoccupations. Ce constat, qui peut sembler simpliste ou évident, ne reflète pourtant pas l’état des services à l’enfance tel qu’observé par la Commission. 

Les solutions recommandées par la Commission sont importantes et fondamentales et, pour y parvenir, MmeLaurent suggère d’en faire un véritable projet de société tant pour les enfants que pour les familles concernées. Elle lance ainsi un appel à la bienveillance, à une volonté profonde de s’attaquer de front au problème et à reconnaître le caractère inaliénable des droits des enfants au Québec. En ce sens, les recommandations de la Commission accordent beaucoup d’importance à la prévention. 

Les recommandations de la Commission 

D’abord, la Commission recommande de nommer un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants dans le but de promouvoir et respecter leurs droits. Cette importante figure aurait un vaste mandat, soit s’assurer que les décisions politiques et administratives n’affectent pas négativement le bien-être et les droits des enfants, surveiller la mise en œuvre de programmes et de services dans leurs intérêts et agir activement comme vigile pour leur protection. 

Ensuite, la Commission propose également d’adopter une Charte des droits fondamentaux de l’enfant qui reconnaît notamment que l’enfant est un sujet de droit à part entière, que l’intérêt de l’enfant doit demeurer le critère primaire dans la prise de décision à son égard, que les enfants ont la capacité et le droit de faire valoir leurs droits et que toute punition corporelle d’un enfant est une atteinte à l’intégrité corporelle et psychologique inconciliable aux valeurs d’une société bienveillante. 

Aussi, en ce qui concerne précisément l’administration de la DPJ, la Commission propose plusieurs changements pour faire face aux nombreux signalements. À cet égard, la DPJ a traité 118316signalements entre 2019 et 2020. Donc, pour faciliter la tâche aux personnes intervenantes, la Commission suggère de mieux les former, de mieux les accompagner, de valoriser leur emploi et d’améliorer leurs conditions de travail, de revoir leur charge de travail et de l’ajuster selon la complexité des dossiers. 

Puis, la Commission recommande la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle suggère notamment de clarifier que tous les services doivent être offerts à la famille biologique, mais, qu’en cas d’impasse, il faut rapidement se présenter devant les tribunaux pour trancher du sort de l’enfant et ainsi éviter l’incertitude et les essais et erreurs. Il pourrait même être possible pour l’enfant d’être adopté sans avoir à couper complètement le lien avec ses parents biologiques. 

Une grande réforme à l’horizon? 

Les réactions au rapport de la Commission ont été presque unanimes. Les organismes sociaux impliqués applaudissent le courage de la Commission de donner un tel coup de barre et d’ouvrir la voie au gouvernement à une importante réforme du droit. La classe politique du Québec reconnaît les principes fondateurs de ses conclusions et admet également la nécessité et l’urgence d’agir en faveur de tous les enfants du Québec. Si les plus sceptiques disent que les commissions du genre sont rapidement tablettées et ne font que repousser le passage à l’action, les plus optimistes, eux, donnent la chance au coureur. 

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