Par Sabrina Asselin
CRITIQUE/Le spectacle Asteria, né de la collaboration entre Noisy Head Studio, le Studio La Fougue et La maison fauve, nous promettait un « voyage musical en mode réalité virtuelle ». Dans cet aller-retour de 45 minutes, le dépaysement était au rendez-vous. Au programme de ce sprint musical, cinq artistes complètement différents : Vincent Vallières, Dominique Fils-Aimé, Daniel Bélanger, Alexandra Stréliski et Fouki. Malgré ce programme quelque peu hétéroclite, ce voyage est le plus beau que j’ai fait depuis le début de la pandémie!
La description de l’événement était délibérément vague, mentionnant entre autres que chaque individu naviguerait « dans un univers imaginaire tout en étant transporté par une composition musicale ». On nous informait aussi que le visuel du spectacle était le résultat de la combinaison d’images réelles et de contenu réalisé par des spécialistes de motion design et d’animation 3D.
À l’heure convenue — plusieurs plages horaires étaient disponibles — j’étais assise, accompagnée d’une dizaine de personnes, prête pour cette étrange expérience. L’événement a débuté par une vidéo présentant le processus créatif et offrant quelques extraits du spectacle à venir.
Pour ma part, je craignais ces divulgâcheurs et aurais préféré entrer dans ce monde virtuel sans préparation. Ces images qui ne faisaient qu’augmenter nos attentes étaient suivies d’une courte — très très courte — explication du fonctionnement du casque de réalité virtuelle. Nous étions donc tous et toutes dans un état de confusion, avec des millions de questions quant à son utilisation.
Après plusieurs tentatives ratées, nous avons finalement tous réussi à entamer ce voyage, munis d’une paire d’écouteurs et d’un casque comme seuls moyens de transport. Préalablement inquiète d’être dérangée par les spectateurs et les spectatrices qui m’entouraient, j’ai été impressionnée par l’étanchéité de l’équipement : la privation sensorielle — sonore et visuelle — nous permettait de mieux nous plonger dans ces univers fictifs.
Étant donné que nous avions le contrôle sur l’ordre des performances, j’ai commencé par celle de Dominique Fils-Aimé, l’une des artistes que je connaissais le plus de cette sélection. Chacune des deux chansons était accompagnée d’un décor 360 degrés dans lequel figurait la chanteuse et deux choristes.
Grâce aux animations simples, qui consistaient principalement en des jeux de lumière, notre attention était toute dirigée sur la chanteuse (ou plutôt les chanteuses puisque Dominique Fils-Aimé apparaissait à plusieurs endroits simultanément). Même si sa voix était enveloppante, l’environnement autour, trop statique, me laissait plutôt indifférente.
Mon deuxième arrêt a été dans l’univers de Fouki, à des milliers de kilomètres de distance de la première performance. Il nous accueillait dans un décor haut en couleur sur la chanson Ananas Mango. Nous avons ainsi survolé à dos de flamant rose un paysage à l’allure cartoonesque, rempli d’animaux et de plantes en tous genres.
Cette expérience était décidément la plus immersive de toutes et correspondait bien à un « voyage musical », puisque, en constant mouvement, nous traversions le ciel et la mer. L’effet était tel que plusieurs d’entre nous avons ressenti un certain vertige au départ, dû à notre haute altitude et au parcours tumultueux de notre monture inusitée. Heureusement, mon corps s’y est habitué et le vertige a laissé la place à une impression de faire partie de cet autre monde tout droit tiré d’un dessin animé. Il était impossible pour tous de ne pas sourire, emportés par cette chanson candide et ce paysage joyeux.
Vincent Vallières était le troisième artiste de mon périple. Nous entrions dans une version immersive du vidéoclip de la chanson Entre les étoiles et toi, sorti à l’automne 2020. Au volant d’une décapotable rouge, nous nous déplacions dans le ciel animé de couleurs, de formes et de dessins divers.
En plongeant dans cette réalité psychédélique, nous avions une fois de plus l’impression de l’intégrer complètement. La seconde chanson était beaucoup plus douce et l’ambiance plus intime. Assis à l’avant d’une salle de spectacle vide, le chanteur discutait avec nous et nous présentait sa nouvelle mélodie. Cet espace privilégié créait une proximité avec l’artiste qui n’aurait pas été possible autrement.
J’ai ensuite eu la chance de découvrir Alexandra Stréliski. De nouveau, la mise en scène était assez simple, puisque l’on assistait à une performance de la pianiste dans un paysage vaporeux et coloré qui se métamorphosait au rythme des notes. Ce fut tout de même un beau moment.
Finalement, j’ai terminé mon aventure avec la chanson Le triomphe d’une perruche, tirée du dernier album de Daniel Bélanger, qui se prête parfaitement à cette hybridation artistique grâce à ses airs qui semblent, à eux seuls, raconter une histoire.
Cette scène présentait un oiseau blessé enfermé dans une boite et qui rêvait de pouvoir voler lui aussi. L’esthétique, loin d’être réaliste — l’oiseau était une marionnette composée de formes géométriques en carton —, ne diminuait pas moins l’empathie que nous pouvions ressentir pour ce petit être confiné, lequel m’a grandement ému.
Au final, cette première expérience de spectacle en réalité virtuelle a été fort intéressante. Bien sûr, le produit n’est pas encore parfait : il était souvent difficile d’obtenir une image nette de certains détails comme les visages des artistes. Certains membres du public rapportent aussi la nuisance que représentait le port du masque qui occasionnait parfois de la condensation dans les lentilles.
Le principal défaut de ce spectacle est, à mon avis, sa diversité. Il est fort probable qu’en raison de la récence de ce type de contenu, les créateurs et les créatrices aient tenté d’approcher un large public en multipliant les artistes à l’honneur. J’aurais pourtant préféré entrer entièrement dans l’univers d’une seule personne pour bien m’en imprégner. En n’ayant accès qu’à une ou deux chansons, nous avions envie d’en voir plus sans le pouvoir malheureusement.
Cette interdisciplinarité est très prometteuse et permet d’exploiter tout le potentiel de la musique. Dans les prochaines années, j’espère sincèrement que ce genre de contenu continuera à évoluer. En plus d’être adapté à des réalités comme celles que nous connaissons actuellement, ce genre d’événement peut s’adresser à un large public.
Crédit photo @ Asteria
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