Dim. Juil 21st, 2024

Par Sophie Mottet 

OPINION/En ce novembre où la neige se tarde de venir, où les jours lumineux se font rares et où la dépression saisonnière nous enlace doucement, un essai de la collection «Documents», provenant de la maison Atelier 10, fait son entrée dans le monde, avec un sujet bien connu de ce mois gris. 

Véronique Grenier nous a servi Hiroshimoi (2016), Chenous (2017), Carnet de parc (2019) et Colle-moi (2020). Le 10 novembre dernier, elle publiait son premier essai sur un thème bien familier : la fatigue. Pas n’importe quelle fatigue, pas celle ressentie après un accident, ni celle provenant d’une maladie chronique. Non. Celle qui est ordinaire, qui réside de façon permanente dans un petit coin de notre tête. Le genre de fatigue qui ne s’en va pas après 10 h de yoga chaud ou un voyage tout inclus proche d’une plage. 

Je me rappelle d’être tombée sur Hiroshimoi dans l’appartement d’une amie et de l’avoir lu d’une traite en ayant l’impression de retenir mon souffle, puis de pouvoir reprendre mon souffle une fois arrivée à la dernière phrase. Le même sentiment m’a habité lors de ma lecture de l’essai. Les mots coulent à flots, le sujet est profond, mais les mots restent en surface, ils viennent à toi. 

Alors qu’Hiroshimoi m’avait amenée dans des fragments d’ordinaire amoureux, À boutte m’a ramenée dans ma fatigue ordinaire, celle de tous les jours, celle que je vois affichée chaque matin sur le visage de mes collègues du transport en commun, celle où on court après notre temps la langue à terre. 

Véronique traite de différentes fatigues ; elles ont toutes des couleurs particulières. Celle du quotidien, de l’information, de la parentalité, de la lutte ou celle d’être soi. Certaines nous concernent, d’autres non. Il reste qu’être sensibilisé aux fatigues des autres est un excellent exercice pour développer son empathie. Elle traite de la fatigue due à nos habitudes bien du XXIe siècle de « scrollage » où on se fatigue en essayant de se distraire de notre propre fatigue via une fenêtre sur l’existence des autres. Comment, bien que le numérique nous outille, parfois il nous épuise, mais on reste quand même accrochés à ces écrans lumineux. 

Du haut de ses 82 pages, l’essai rit bien fort des phrases typiques qu’on peut répondre à la fatigue : 

« Pas besoin, ici, de me rappeler “ que ma grand-mère se levait à 4 h du matin pour faire le pain et qu’elle lavait le linge des 12 enfants à la main pendant que mon grand-père allait bûcher le bois pour garder le feu ardent dans le poêle ”. Les comparaisons historiques sont souvent hasardeuses […]. Chaque époque rencontre ses difficultés et ses défis. Et la nôtre est bel et bien fatiguée. » 

Malheureusement, cette exploration de la fatigue n’a pas guéri ma propre fatigue. Elle m’a fait comprendre d’où elle vient, pourquoi elle existe et m’a permis de remettre en question la totalité de son existence. En gros, de pouvoir la nommer. 


Crédit image @Facebook

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