Dim. Mar 24th, 2024

Par Josiane Demers

En mai dernier, Mélanie Bédard, ancienne sergente-détective au Service de police de Sherbrooke (SPS), autopublie son bouquin Kanak, l’ange au front. C’est à travers une littérature accessible lançant un message d’espoir que l’autrice nous transporte dans l’histoire de Kanak, premier chien de soutien émotionnel au Québec, et « de sa Mélanie ».

À l’image de ses publications Facebook sur la feue page officielle de Kanak, l’écrivaine présente un livre écrit du point de vue du chien. Elle avoue qu’au départ, elle rédigeait de cette façon pour, en quelque sorte, se cacher derrière son fidèle compagnon. Celle qui manquait un peu de confiance en elle à l’époque a finalement choisi d’adopter cette forme pour honorer les admirateurs du canin de soutien émotionnel qui le suivaient fidèlement sur les réseaux sociaux, lorsqu’il était en service.

Joindre l’utile à l’agréable

Il faut quand même avoir de la détermination pour vouloir changer ou améliorer une façon de fonctionner dans un service de police, là où les changements se font souvent à pas de tortue, comme dans toutes les grandes organisations d’ailleurs.

Plusieurs facteurs ont amené Mélanie Bédard à instiguer ce projet d’envergure qui allait créer une petite révolution concernant l’accompagnement des victimes d’actes criminels dans le processus judiciaire. « Travailler avec un chien et amener de la nouveauté dans ma carrière m’intéressait. J’y voyais une opportunité d’amener ça au SPS, mais je trouvais ça aussi important d’instaurer ça au Québec pour mieux aider et accompagner les victimes », explique Mélanie Bédard, qui a toujours été passionnée par les chiens.

Un atout pour la justice

Dans l’imaginaire collectif, un chien policier, c’est un berger allemand K9 qui peut flairer l’odeur d’une personne pour la retrouver ou qui arrive à détecter de la drogue. Toutefois, la tâche est bien différente pour un chien de soutien émotionnel.

En effet, Kanak jouait plutôt un rôle d’accompagnateur réconfortant, apaisant, sécurisant et rassurant au sein du SPS, surtout auprès des enfants victimes de violence physique et/ou sexuelle, mais aussi auprès des victimes d’un crime contre la personne. Madame Bédard explique que : « Quand notre cerveau ne baigne pas dans le cortisol, c’est plus facile de se souvenir de certains détails et de raconter son histoire aux enquêteurs pour faire la preuve. Ça rend service à la justice. »

Il y a beaucoup d’adultes qui disent qu’ils sont allés témoigner grâce à Kanak parce que ça les a rassurés et réconfortés. Ils ont senti la force et le courage d’aller à la cour. La présence de Kanak servait les victimes, les intervenants et finalement la justice. — Mélanie Bédard

Une retraite anticipée, mais bien méritée

Plusieurs chiens de soutien émotionnels ont une carrière beaucoup plus longue que Kanak. Ce chien réconfortant a vécu plusieurs bouleversements pendant sa courte carrière, dont le changement de maître. Il a perdu sa Mélanie qui était alors en arrêt de travail. Plusieurs, dont la fondation Mira qui s’occupe du dressage des chiens, avaient sous-estimé le lien établi entre madame Bédard et le beau labrador noir.

Le canin, à la suite de cette transition, a commencé à montrer des signes de démotivation. Il n’allait plus vers les enfants et ne démontrait plus d’entrain au travail. Ce gourmand levait même parfois le nez sur des croquettes.

Toutefois, le projet a eu un impact majeur à travers la province. « La plupart des gens aiment les chiens, c’était quelque chose de nouveau et les médias en ont beaucoup parlé. Ça a attiré l’attention d’autres services de police, au département de la protection de la jeunesse (DPJ) et de certains organismes avec des personnes souffrant de problème de santé mentale », soutient l’autrice.

Démystifier la santé mentale chez les policiers

Tout au long du livre, l’ancienne enquêtrice du SPS use de transparence lorsqu’il est question de santé mentale. Elle évoque ses propres dépressions et un choc post-traumatique. Elle croit qu’il est primordial d’aborder ce sujet parce que le silence coûte des vies. Certains policiers ou policières qui n’osent pas avouer qu’ils ou elles ont été affectés par un évènement peuvent tristement se tourner vers le suicide au lieu de demander de l’aide.

Selon un article paru dans Le Droit en juin dernier, « dans le livre vert sur la réalité policière au Québec rendu public en 2021, il est indiqué que le pourcentage de policiers dans la province affectés par un évènement potentiellement traumatisant dans le cadre de leurs fonctions varierait entre 32 % et 50 %. » Il est donc primordial d’enlever les tabous qui persistent au sein des forces de l’ordre.

« Il faut être fait fort dans la police », cette phrase commune dans le milieu policier que Mélanie Bédard n’est plus capable d’entendre a fait énormément de tort selon elle. « Ça a tellement culpabilisé des policiers et des policières qui ont été affectés par des évènements. Ils se sentent honteux de vivre une dépression ou un choc post-traumatique et n’en parlent pas », souligne l’autrice.

Cependant, il est tout à fait normal d’être touché par un évènement, par exemple, la mort d’un enfant. Il faut humaniser le travail policier, ce qui pourrait certainement favoriser le rapprochement avec les populations qui ne les percevraient plus comme des robots. « On a le droit de sentir les émotions et de mettre un genou par terre parfois », exprime madame Bédard.

Au diable la perfection !

À travers Kanak, l’ange au front, Mélanie Bédard réussit à aborder des sujets délicats, mais d’une importance capitale. Elle souhaite que les gens découvrent, en premier lieu, l’histoire du premier chien de soutien émotionnel québécois, mais aussi, qu’ils constatent, à travers son parcours personnel, qu’il est possible de tomber, de demander de l’aide et de se relever encore plus fort.

« Je veux que les gens croient en eux et en leurs rêves. Je veux qu’ils passent à l’action. Je veux enlever la pression de la perfection. L’important, c’est l’authenticité et non la perfection », conclut-elle.

Le livre est disponible ici.


Crédit image @Jacques L. Frenette

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