Par Jean-Philippe Ouellette
Les lucratifs contrats octroyés à P. K. Subban, Patrick Kane et Jonathan Toews ont sans contredit retenu l’attention lors de la saison morte de la Ligue nationale de hockey (LNH). Toutefois, ce n’est pas seulement l’aspect du hockey qui fut l’objet de vives discussions, mais aussi l’indécence des salaires accordés à ces athlètes de haut niveau.
Ainsi, dans les médias québécois, nombreux sont ceux qui ont dénoncé la gourmandise de Subban lors de ses négociations avec les Canadiens. Subban juge qu’il devrait être satisfaisant de gagner sa vie en jouant au hockey. Il faut considérer que les médecins, beaucoup plus utiles pour la société, reçoivent un salaire bien moindre. Si cet argument apporte un questionnement pertinent sur la valeur que notre société donne à certains corps de métier, il reste toutefois assez simpliste. En effet, pour comprendre les demandes salariales des joueurs de la LNH, il faut se pencher sur la situation financière de la ligue et de l’industrie sportive en général.
Les athlètes, acteurs sportifs
Ironiquement, peu de gens ont tendance à se plaindre lorsqu’un acteur reconnu se fait offrir plusieurs dizaines de millions de dollars pour jouer dans un film. Le contexte est pourtant similaire à celui du monde du sport : le salaire des vedettes de cinéma est directement relié aux revenus qu’engendre l’industrie du cinéma. Leur salaire provient donc du portefeuille des consommateurs, qui sont prêts à débourser le montant exigé pour assister au spectacle qui leur est proposé.
Responsables du spectacle, les athlètes sont en quelque sorte les « acteurs » des ligues sportives et, par conséquent, ils reçoivent en général une partie importante des revenus. Dans la LNH, la convention collective signée le 9 janvier 2013 alloue aux joueurs 50 % des revenus générés par les activités de la ligue. Le salaire minimum, le plancher salarial ainsi que le plafond salarial sont donc déterminés en fonction des revenus et influencent directement les sommes d’argent consenties par les directeurs généraux aux joueurs lors des renouvellements de contrat.
Des revenus en hausse
Lors de la saison 2012-2013, la LNH a récolté 3,7 milliards de dollars américains en revenu, ce qui la classe au cinquième rang des ligues professionnelles ayant le plus haut revenu, derrière la Ligue nationale de football (9 milliards de dollars américains en 2012), la Ligue majeure de baseball (8 milliards de dollars américains en 2013), l’Association nationale de basketball (5 milliards de dollars américains en 2011-2012) et le Championnat d’Angleterre de football (3,7 milliards de dollars américains en 2012-2013). Pour comparer avec les deux plus grandes entreprises de cinéma hollywoodien, Warner Brothers et 20th Century Fox ont déclaré des revenus respectifs de 12 et de 7,3 milliards de dollars américains respectivement en 2012.
Les revenus de la LNH sont actuellement en pleine croissance. Une part importante de ceux-ci provient de l’assistance aux matchs, des ventes de produits dérivés ainsi que des contrats de diffusion que la LNH a récemment conclus. En 2011, le groupe médiatique américain NBC a signé un contrat d’une dizaine d’années pour un total de 2 milliards de dollars américains, ce qui a permis à la ligue d’augmenter de façon substantielle ses revenus.
Plus près de nous, Rogers et TVA Sports ont, de leur côté, obtenu les droits de télévision nationaux de la LNH pour les 12 prochaines saisons au prix de 5,2 milliards de dollars canadiens. En plus des contrats nationaux, plusieurs contrats locaux sont signés par des diffuseurs régionaux. C’est ainsi que TSN et RDS ont obtenu les droits de diffusion d’une soixantaine de matchs des Canadiens et des Sénateurs pour les 12 prochaines saisons, pour un montant qui n’a pas encore été divulgué.
Un salaire payant pour les équipes
Pour une équipe aussi riche que lesCanadiens de Montréal, dont les revenus annuels dépassent la centaine de millions de dollars américains, s’assurer de la présence à long terme d’un joueur de la trempe de Subban est un excellent investissement. Sa popularité et son charisme favorisent la vente de billets et de produits dérivés, tout en augmentant la visibilité de l’équipe à travers la ligue.
Le plafond salarial de la LNH devrait s’accroître substantiellement au cours des années à venir, ce qui signifie que Subban deviendra forcément une aubaine pour l’équipe. S’il est justifié de se demander à quel point il est acceptable qu’un hockeyeur fasse autant d’argent, force est d’admettre que la Sainte-Flanelle rentabilisera sans difficulté les 72 millions de dollars qu’elle donnera à Subban lors des 8 prochaines saisons.