Par Émilie Oliver
Le 17 mai dernier marquait la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Bien que les dernières décennies aient été remplies de victoires et d’avancement pour la communauté LGBTQ+, certaines organisations sportives demeurent dans l’incapacité de gérer l’inclusion des athlètes non binaires et transgenres au sein du sport.
La décision laissée aux organisations
Le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES), dans son guide Créer des environnements inclusifs pour les participants transgenres dans le sport canadien, soutient que, selon des rapports récents, jusqu’à 1 adulte sur 200 pourrait être transgenre. Cette proportion représente environ 175 000 Canadiens. Le CCES, dans le même document, met également de l’avant la nuance entre le sexe et le genre, qui ont longtemps été confondus. Tout en soulignant les progrès effectués lors des dernières années, le CCES mentionne toujours l’importance d’un tel guide, pour outiller les organisations sportives dans l’inclusion des personnes transgenres.
Actuellement, au Québec, lorsqu’une personne transgenre ou non binaire souhaite rejoindre une ligue sportive, les organisations sont laissées à elles-mêmes.
Le Réseau du sport étudiant du Québec demande des directives claires
Au début du mois de mai dernier, le Réseau du Sport étudiant du Québec (RSEQ) demandait au gouvernement Legault une politique claire, qui pourrait prêter main-forte aux instances régionales dans l’inclusion des personnes trans au sein du sport étudiant au Québec.
Les lignes directrices réclamées par le RSEQ auraient pu apporter une uniformité dans les interventions faites auprès des personnes transgenres et non binaires dans le sport. Toutefois, Québec n’est « pas prêt à émettre une directive précise pour les athlètes transgenres qui évoluent dans le RSEQ ». Selon la ministre Isabelle Charest « il faudra encore gérer au cas par cas. » Mme Charest mentionne également que les règles qui découleront éventuellement des études menées dans le milieu diffèrent d’une discipline à une autre, en raison des particularités de chacune.
Actuellement, les personnes trans voient leur parcours sportif teinté par le degré d’ouverture d’esprit de leur milieu. C’est notamment le cas de Lé Bernier, élève transgenre non binaire de 5e secondaire à l’école secondaire du Salésien, à Sherbrooke. Il explique la chance qu’il a eu d’être dans un milieu ouvert d’esprit. Étant à la tête du comité LGBTQ+ du Salésien, Lé s’implique depuis le début de sa transition dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie au sein de sa communauté. Son allure, qu’il décrit comme très « neutre » lui permet « de ne pas détonner d’un groupe, peu importe s’il s’agit de garçons ou de filles ». Ainsi, Lé participe depuis le début de son secondaire aux activités sportives au sein des ligues féminines, sans avoir le souvenir d’un événement transphobe dans ses disciplines sportives. « Malheureusement, raconte Lé, plusieurs athlètes trans n’ont pas la chance que j’ai. »
Au cégep, Lé souhaite continuer de pratiquer sa passion, le hockey, au sein d’une ligue mixte.
L’enjeu des filles dans le sport
Alors que les initiatives pour inciter les filles à rester actives et à pratiquer le sport sont plus nombreuses que jamais, l’inclusion des filles transgenres aux ligues scolaires soulève chez certains l’inquiétude. En effet, l’inclusion d’athlètes transgenres et non binaires ne fait toujours pas l’unanimité au sein des organisations sportives, mais également auprès des parents qui craignent pour la sécurité de leurs enfants.
Les différences physiologiques portent plusieurs à croire que les femmes transgenres auraient un avantage sur les femmes cisgenres, bien que les études les plus récentes du CCES démontrent que « les femmes trans n’auraient pas d’avantage dans les compétitions de haut niveau si les règles établies sont respectées. » En effet, les données de toute la littérature scientifique publiée entre 2011 et 2021 ne seraient pas suffisantes pour prouver que les facteurs liés à la puberté masculine (notamment la taille des poumons et la densité osseuse) produisent un avantage pour les athlètes trans. Le CCES met plutôt de l’avant l’impact significatif des facteurs sociaux, tels que la nutrition, le statut sociodémographique ainsi que la qualité de l’entraînement sur les performances des athlètes. Il est cependant mentionné que « les différences de genre assigné à la naissance ont un impact qui varie selon les sports pratiqués. » À cet enjeu, certains répondent que des directives adaptées à la réalité de chacune des disciplines sportives fédérées pourraient être un début de solution.
Les décisions des fédérations
Bien que les discussions et débats soient toujours en cours dans une grande majorité d’organisations sportives, les fédérations de quelques disciplines sportives ont statué sur leur politique d’inclusion (ou d’exclusion) des personnes trans dans leur sport. Il est à noter que, dans la majorité des cas, les politiques s’appliquent surtout aux femmes trans, puisqu’il s’agit du groupe d’athlètes qui soulève davantage de controverse.
La ligue internationale de Rugby à 7, en plus de l’organisme World Rugby, interdit aux femmes trans de jouer dans la catégorie féminine sous prétexte d’un « avantage physique significatif ».
La Fédération internationale de triathlon autorise, pour sa part, les femmes trans à participer aux événements dans la catégorie féminine, à deux conditions. La première étant une concentration de testostérone dans le sang inférieure à 2,5 nmol/L depuis au moins 2 ans, en plus d’un délai d’au moins 48 mois depuis la dernière participation en tant qu’homme dans toute compétition sportive.
La Fédération internationale de natation (FINA), quant à elle, a adopté en 2022, par un vote de plus de 71 %, la création d’une catégorie spécifique de compétition pour les sportifs transgenres.
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