Le tennis, un sport canadien?

Par Alexandre Leclerc

Milos Raonic. Vasek Pospisil. Eugénie Bouchard. Denis Shapovalov. Félix Auger-Aliassime. Bianca Andreescu. Leylah Fernandez. Tant d’athlètes qui, au cours des dix dernières années, ont su faire rayonner le Canada sur la scène mondiale du tennis. Qu’est-ce qui explique le succès de nos Canadiens dans les tournois majeurs de l’Association de tennis professionnel (ATP) et de l’Association des joueuses de tennis (WTA)? Fruit du hasard, ou développement planifié? Pour trouver réponse à cette éclosion soudaine des athlètes nationaux et expliquer la popularité croissante du tennis au pays, Le Collectif a rencontré Valérie Tétreault, directrice aux communications chez Tennis Canada et ex-joueuse professionnelle.

Tennis Canada, c’est quoi?

Comme plusieurs pays, le Canada possède son propre programme de développement de tennis. « C’est un programme qui a plus de cent ans d’existence, et dont la mission première est de faire croître le tennis à travers le pays », informe Mme Tétreault. « Notre grande source de financement est le profit engendré par l’Omnium Banque Nationale disputé chaque année à Montréal et Toronto. »

Il faut rappeler que ce tournoi de catégorie Masters 1000 est l’un des principaux tournois au monde, et qu’il constitue une préparation essentielle au point culminant de la saison sur surface dure : le US Open.

Mais comment donc s’effectue le recrutement de jeunes talents dans un pays aussi grand que le Canada? « Le Centre National est situé à Montréal. On a des centres régionaux à travers le Canada, notamment à Toronto, Vancouver et Calgary. C’est un défi d’être un aussi gros pays. C’est pourquoi le centre national a été essentiel dans le développement de Tennis Canada. Tout part du parent. Pour faire ses débuts, il faut aller dans un club près de chez soi pour suivre des cours, et dès 6 ans, il y a des programmes nationaux de détection de talents, comme les Petits As. »

« La compétition commence dès l’âge de 8-9 ans sur la scène provinciale, et sur la scène nationale dès 11-12 ans. Lorsqu’on fait partie des meilleurs au Canada dès cet âge, ça peut amener à voyager à l’international et à disputer quelques tournois internationaux dans des tournées organisées par Tennis Canada. Puis, à 14 ans, on a le circuit junior de la Fédération internationale de tennis (ITF), un mini-circuit qui ressemble à ce qu’on retrouve du côté professionnel. Il y a les Grands Chelems Junior qui sont l’apothéose de ce circuit. Lorsqu’on a un classement suffisamment haut, on peut espérer y participer. Peu de gens le savent, mais ils se déroulent exactement en même temps et sur les mêmes installations que les Grands Chelem professionnels. Ça donne une opportunité unique aux jeunes d’avoir un avant-goût de ce qui les attend, ça les fait rêver », explique Valérie Tétreault.

C’est vers l’âge de 17-18 ans que s’effectue ensuite la transition chez les professionnels qui n’est pas toujours évidente. « Chacun a sa courbe de développement. On a plusieurs anciens membres qui, plutôt que d’aller chez les professionnels, vont vers les circuits universitaires américains dans la National Collegiate Athletic Association (NCAA). » Tous, cependant, caressent le rêve d’un jour pouvoir s’imposer sur le circuit mondial.

Le secret derrière les succès des Canadiens dans les tournois majeurs

Si certains peuvent croire à un alignement des astres pour nos athlètes, force est d’admettre que c’est le résultat d’un plan longuement mûri. « Depuis une quinzaine d’années, on a choisi d’investir beaucoup dans la haute performance en créant des programmes comme le Centre national ici, au stade IGA à Montréal. On a créé un lieu pour réunir tous les meilleurs athlètes d’entre 14 à 18 ans et leur donner le meilleur encadrement possible pour qu’ils puissent faire le saut chez les professionnels. »

L’optique est de s’assurer d’implanter une culture de tennis au pays. « On se disait que si on était capable de créer des champions de tennis, des athlètes qui jouent sur les plus importants terrains au monde, ça risque d’influencer les plus jeunes à vouloir jouer au tennis. Ils ont besoin de modèles, et c’est une stratégie qui, je crois, a fait ses preuves dans les dernières années. »

Pour ce qui est du type d’encadrement offert, « tout est pris en charge, signale Mme Tétreault. Dans un même lieu, [les athlètes] ont accès à un tuteur, du temps en classe, un gymnase avec des installations de niveau mondial, aux meilleurs entraîneurs au pays, à des physiothérapeutes, à toutes sortes de ressources pour la nutrition et la santé mentale, bref, tout est pensé pour eux, et ils n’ont qu’à se présenter au Centre et à tout donner sur le terrain. »

Des investissements ont de plus été effectués en 2011 pour construire quatre terrains de terre battue. « On trouvait ça très important pour le développement de nos athlètes, car il y a beaucoup de tournois sur cette surface. Les joueurs canadiens ont longtemps eu la réputation de n’être bons que sur surface dure, et les terrains de terre battue ont été importants pour le développement des athlètes ces dix dernières années. »

Un travail loin d’être terminé

Avec les succès des étoiles montantes, il serait tentant pour Tennis Canada de s’asseoir sur ses lauriers et constater le succès de sa formule. Pourtant, l’organisme n’entend pas rester les bras croisés. « Dans une deuxième phase, c’est de s’assurer de, maintenant que plus de gens sont intéressés à prendre une raquette de tennis, faire en sorte de rendre le sport plus accessible. Ça passe tout d’abord par plus d’installations. Pour certains, c’est un sport d’été, il y a donc beaucoup plus de terrains extérieurs. C’est plus difficile pour l’instant de pratiquer l’hiver. »

Le but de Tennis Canada, c’est de travailler avec les municipalités du Canada pour avoir plus d’installations publiques quatre saisons, en mettant par exemple des bulles sur les terrains de tennis. « On aimerait également essayer de créer un programme similaire à celui du soccer pour les moins de 12 ans pour créer davantage d’uniformité et que ce soit plus simple pour les parents qui veulent inscrire leurs enfants au tennis. Si on recule avant la pandémie, le tennis était, depuis une dizaine d’années, l’un des sports à la plus forte croissance de nouvelles adhésions au Canada. »

Après une baisse d’adhésion ces deux dernières années — baisse constatée dans tous les sports au pays — il est à parier que l’engouement reprendra de plus belle et que le Canada saura faire sa place sur la scène internationale des prochaines années.


Crédit photo @ Getty Images

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