La Russie encore dans l’embarras

Par Charles Ferron

Les Jeux olympiques de Tokyo débuteront dans quelques mois à peine et déjà les scandales de dopage reviennent hanter l’événement. À la suite de nouvelles informations reportées en septembre, la Russie pourrait être à nouveau suspendue pour quatre autres années dans les prochains jours pour avoir falsifié des données remises à l’Agence mondiale antidopage (AMA).

La réunion de la Commission exécutive du CIO a eu lieu du 3 au 5 décembre et, encore une fois, le sujet du dopage était sur toutes les lèvres. En fin novembre, juste avant ce sommet important, l’AMA a confirmé ce qui avait été reporté il y a quelques semaines par plusieurs journalistes. La Russie aurait fait disparaître des centaines de résultats de contrôles antidopage avant de transmettre le reste des échantillons à l’agence internationale en début d’année. À noter que la Russie était forcée de donner accès à ces informations si elle voulait réintégrer le programme olympique à la suite de son scandale à Sotchi en 2014.

Connaissant le passé douteux de la Russie, et si on se fie à l’historique de l’AMA dans ce genre de cas, l’organisme devrait au minimum demander un bannissement pour les jeux de 2020. Plusieurs croient même que la suspension pourrait durer plus longtemps que les deux années de la peine initiale. Les premières informations seraient que l’AMA désirerait empêcher la Russie de participer à toutes les compétitions internationales qui se dérouleraient dans les quatre prochaines années incluant les jeux d’hiver de 2022. Cette situation est encore plus délicate puisque la Russie devait déjà organiser les mondiaux juniors de 2020 et les seniors en 2021 et une suspension les contraindrait à abandonner leur rôle de pays hôte. Les mesures à suivre plus détaillées de l’AMA seront présentées au CIO le 9 décembre à Paris lors du comité de révision de la conformité.

Un problème systémique

La Russie a toujours été reconnue historiquement comme un pays à surveiller au niveau du dopage. Déjà, en 1984, avant que l’Union soviétique décide de finalement boycotter les jeux de Los Angeles, la culture du dopage était répandue et même encouragée par le programme olympique, notamment en athlétisme. Malheureusement, il a fallu 30 ans pour réussir à prouver qu’il se passait quelque chose d’anormal. De 2001 à 2009, on avait remarqué qu’il y avait un nombre plus important d’échantillons suspects chez les Russes comparés au reste du monde, mais rien ne pouvait les incriminer à l’époque. Il y a eu quelques suspensions majeures ici et là, mais ce n’était que la pointe de l’iceberg.

En décembre 2014, plusieurs mois après les jeux de Sotchi, un documentaire allemand a dénoncé les pratiques russes en démontrant que le pays couvrait les tests positifs de leurs athlètes en échange d’un montant d’argent. Par exemple, la marathonienne Liliya Shobukhova aurait payé jusqu’à 450 000 euros pour masquer ses traces de dopage. Le docteur Sergei Portugalov, qui a été banni à vie en 2017 par le Tribunal arbitral du sport, se chargeait de camoufler les échantillons des Russes depuis les années 80. À la suite de ses révélations, l’AMA a effectué sa propre enquête qui en est venue à la même conclusion : la Russie avait triché. Après avoir découvert 643 tests positifs d’athlètes dans plus d’une trentaine de disciplines de 2011 à 2015, l’AMA a recommandé au CIO de suspendre la Russie indéfiniment.

La Russie pénalisée

En plein cœur du scandale et de la recommandation de l’AMA, la Russie avait tout de même soumis comme à l’habitude sa liste de sportifs sélectionnés pour les jeux de Rio de 2016. Des 389 personnes choisies, 111 ont été empêchées par le CIO de participer à leur compétition en raison de cette controverse. Malgré tout, la Russie a pris part à Rio et a même récolté la quatrième position au classement avec un total de 56 médailles. La bataille légale était toutefois loin d’être terminée. Suspendre des athlètes individuellement n’était pas trop difficile, mais un pays au complet, c’est une autre chose.

Après plusieurs appels en Cour, le CIO a finalement banni la Russie en décembre 2017 pour les Jeux olympiques d’hiver à Pyeongchang. Cependant, comme à Rio, les Russes qui n’avaient pas été reconnus coupables de dopage ont quand même pu participer, mais ils devaient le faire sous une différente bannière que le drapeau russe. 17 médaillés ont donc remporté leur victoire en tant que « Athlètes olympiques de Russie », un peu comme si la délégation russe était considérée comme neutre et indépendante de son propre pays par les organisateurs. Vladimir Putin et plusieurs politiciens russes ont par la suite déclaré que ce scandale avait été inventé de toute pièce par les Américains et devait être considéré comme une insulte envers sa population.

La fin de la conséquence

En novembre 2018, l’AMA a exigé l’accès aux données du laboratoire d’antidopage de Moscou, qui était le principal endroit où les échantillons étaient falsifiés. Ils ont imposé à la Russie comme date limite le 31 décembre pour remettre ces informations. Le 10 janvier 2019, quelques jours en retard, la Russie a permis à l’AMA de consulter ce qu’ils désiraient. Voyant sa bonne volonté, le CIO a accepté que la Russie réintègre officiellement le programme sportif mondial. Cet événement mettait fin à ce scandale qui avait duré 5 ans. C’est du moins ce qu’on pensait à l’époque.

Les informations sur la situation sont encore vagues pour l’instant, mais on peut supposer que les dix jours supplémentaires après la date limite de l’AMA ont été utilisés pour camoufler le plus possible les données manquantes et que la Russie n’avait jamais l’intention de changer ses méthodes. Avant même de connaître le rapport de l’agence en détail, le CIO a déjà condamné ces actes en qualifiant ces manipulations comme étant « inacceptables » et « extrêmement graves ». Ce genre de déclaration hâtive du CIO porte à croire que la conséquence devrait être sévère et que la Russie serait vue comme un pays récidiviste. Les recommandations officielles de l’AMA devraient être rendues publiques le 9 décembre et la décision du CIO ne devrait pas tarder par la suite.


Crédit Photo @ Sky News

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