La chronique neurodivergente 

Par Véronik Lamoureux 

Voici quatre erreurs communes qui empêchent la bonne gestion des émotions. 

Quand ça fait 34 ans que t’es hypersensible, tu commences à en connaître un bout sur la gestion (ou la non-gestion) des émotions. 

Oui, c’est vrai que tu ne les gères pas toujours extrêmement bien, mais tu commences à cerner le manège et ça te donne de moins en moins mal au cœur quand tu as la tête en bas dans ton grand huit. 

En fait, avec toute l’expérience accumulée, tu es même capable de pointer les erreurs à éviter pour ne pas avoir l’impression d’être assise sur une mine antipersonnel en permanence et en prime, éviter de faire une folle ou un fou de toi (autant que possible). Et quelques fois, ça finit même que tu écris une chronique pour en parler.  

Erreur #1: ne pas respirer correctement 

Oui, la respiration ça a l’air assez de base. En fait, on tient souvent ça pour acquis, la respiration. On n’y porte plus vraiment attention, on se dit « je suis vivant(e) parce que ça se fait tout seul, cette affaire -là ». Le premier truc au théâtre pour jouer le stress ou la tristesse, c’est de respirer comme un chihuahua parce que les émotions peuvent être exacerbées par une respiration inadéquate. C’est connu. Il y a même des cours du soir qui sont strictement dédiés à l’apprentissage de la respiration adéquate, qu’on maîtrisait pourtant quand on avait deux minutes de vie.  

Donc si tu te couches le soir et que tu as l’impression d’avoir une grosse roche sur la cage thoracique, il est peut-être temps que tu t’interroges sur l’accueil que tu réserves à tes émotions dans le silence de ta chambre, seul(e) le soir. Si tu respires profondément, 70 % de ta bullshit s’envole instantanément : le yoga et la méditation m’ont appris ça. 

Erreur #2: voir tout en noir ou en blanc ou vivre dans les extrêmes 

Des émotions, c’est par définition complexe. En fait, c’est assez rare que ce soit parfaitement défini ou clair. Une émotion, c’est comme un ragoût dans une mijoteuse : on ne sait pas trop ce qu’il y a dedans, parfois c’est bon, puis quelquefois ce n’est pas bon. Ce qui arrive, c’est que collectivement, on a pris l’habitude de se raconter des histoires à nous-mêmes pour rationaliser nos émotions afin d’éviter à tout prix l’inconfort que ça implique, de faire face à la complexité du ressenti. L’humain moyen a tendance à trouver ça plus simple de voir tout en noir, de verbaliser toutes les raisons rationnelles qu’il a de haïr (insérer un nom) et de lui souhaiter le genre de choses qui implique une poupée Voodoo, des aiguilles et une atmosphère bizarre. Il existe beaucoup de thérapies de l’acceptation et je pense que la base se tient. Quand on accepte tout ce qui se passe en nous et qu’on en prend conscience, les émotions sont déjà moins menaçantes. 

Erreur #3: penser que la colère est une cavalière solitaire 

La colère est une émotion, personne ne peut le nier. Cependant, il s’agit d’une émotion codépendante, ce qui veut dire qu’elle est rarement à la source de quoi que ce soit. En fait, la colère devrait selon moi être considérée davantage comme une réaction que comme une émotion. La colère, c’est comme la patate déjeuner chez McDo, ça vient avec un trio.  

Je suis en colère parce que je me sens déçu(e), trahi(e), rejeté(e), abandonné(e), inconsidéré(e), abusé(e), honteux(se), etc. En fait, l’émotion initiale fait ressortir la colère, qui est une réaction de défense contre l’atteinte à une valeur importante. L’erreur à éviter est donc de ne pas gratter plus loin lorsque l’on ressent la colère afin de trouver la « vraie » émotion qui se cache derrière le bouclier. Pas le bouclier de l’inflation de Legault, mais bien le bouclier de la colère (toujours bien de le préciser en 2023). La réalité, c’est que la vulnérabilité requiert beaucoup plus de force de caractère et suscite beaucoup plus de respect que la colère hystérique. C’est un conseil gratuit, moi ça m’a pris 30 ans à le comprendre. Prends-le, ami lecteur ou amie lectrice.  

Erreur#4: ne pas parler de son vécu intérieur 

Mettre des mots sur des émotions, c’est un premier pas vers la guérison. Que ce soit dans un journal, au psy ou à un(e) ami(e), parler de ce qu’on vit est important, sans quoi ça tourbillonne dans notre tête sans fin. 

Malheureusement, on a la mauvaise perception d’être « lourds » ou de « déranger » quand on partage nos craintes ou nos préoccupations. Collectivement, on a décidé que c’était malaisant, des émotions. Alors, les gens ont malheureusement tendance à conseiller de « faire » quelque chose. S’abonner au gym, faire du yoga, partir à la mer, travailler plus… toutefois, la vérité, c’est que la meilleure façon d’aider quelqu’un qui partage un ressenti, c’est de simplement écouter et de lui offrir sa présence bienveillante.  

En somme, les quatre erreurs prennent toutes racine dans le fait que même en 2023, les émotions demeurent souvent taboues et sont mal perçues. La hausse importante des arrêts de travail et des cas de dépression au Québec prouve que les émotions négatives, beaucoup moins « glamour » que de flatter un éléphant en Thaïlande, sont souvent mal gérées. Si en plus, comme moi, vous êtes hypersensibles et neurodivergents ou neurodivergentes, le défi est encore plus grand : vous devez vivre avec une extraémotion dans un monde où 80 % des personnes qui vous entourent ne perçoivent pas la vie avec autant d’intensité. J’aimerais vous dire que j’ai une solution pour ça, mais pour le moment, la meilleure demeure des bouchons d’oreille sur mesure et du ressourcement fréquent dans la solitude la plus complète.  

Toutefois, je poursuis mon enquête et vous reviendrai dans une prochaine chronique neurodivergente.  


Crédit image @Béatrice Palin

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