Par Mathieu Fontaine
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le 29 juin 2016 restera dans les annales : une transaction venue du champ gauche envoyant Taylor Hall au New Jersey en retour d’un défenseur que plusieurs qualifient d’« ordinaire », le renouvellement de Steven Stamkos avec le Lightning de Tampa Bay et finalement, la plus grosse transaction du Canadien de Montréal depuis celle qui avait envoyé notre « casseau » national du côté de Denver. Alors que certains sont déjà prêts à crucifier Marc Bergevin, je vois d’un bon œil cette transaction que personne n’attendait.
Échanger PK, ça se fait?
Si les rumeurs allaient bon train depuis jeudi dernier, alors que plusieurs insiders avaient révélé que PK Subban pourrait être échangé lors du repêchage (Jim Benning aussi y avait fait allusion pour la modique somme de 50 000 $), peu d’entre nous auraient pu prédire ce type d’échange. Par contre, il faut avouer que nous en avons eu pour notre argent. C’est exactement le style d’échange que l’on peut qualifier de win-win.
De la jeunesse et du spectacle
Tout d’abord, les Predators de Nashville ne cherchaient pas à tout prix, un peu à l’image des Canadiens, à se départir de leur défenseur vedette Shea Weber : les deux équipes ont vu une opportunité de s’améliorer en sacrifiant une pièce maîtresse de leur alignement. Du côté de l’équipe du Tennessee, on obtient un jeune défenseur flamboyant, très productif en attaque, mais qui a toujours été reconnu pour ses lacunes en défensive. Avec l’émergence de Roman Josi et de Matthias Ekholm, David Poile y a vu l’occasion d’améliorer son offensive à partir de sa défensive. Subban sera une véritable superstar du côté de Nashville et il connaîtra une brillante carrière, il n’y a aucun doute. Certains avancent même que Poile a assuré les dix prochaines années de cette concession en procédant à cette transaction.
De l’expérience, du leadership et de la stabilité
Je dois tout d’abord l’avouer, je suis un grand fan de Shea Weber et avec raison. Ce défenseur est reconnu comme étant l’un des trois meilleurs à sa position dans toute la ligue nationale (et du même coup dans tout le monde). Pour ceux qui ne le connaissent pas, Weber est toute une pièce d’homme : 6’4’’ et 235 lb d’athlète. En plus de bien se déplacer et d’affectionner le jeu physique, il est l’un des meilleurs buteurs chez les défenseurs de la ligue depuis déjà cinq ans. En plus d’être capitaine, il était le visage de l’organisation des Predators depuis ses débuts en 2005. Ce que certains semblent aussi oublier, c’est que Weber, contrairement à Subban, a été sélectionné sur l’équipe canadienne en vue des championnats du monde disputés en septembre prochain. Ce dernier compte déjà deux médailles d’or olympiques et il risque fort bien d’ajouter celle de ce championnat. Il est un pilier de cette équipe et sa sélection ne faisait aucun doute. Imaginez ce qu’il pourra apporter aux Canadiens de Montréal… Pour moi, ce n’est pas juste une question de talent : en ayant Shea Weber dans son alignement, on impose le respect et on rend nos propres joueurs meilleurs. Je suis convaincu que Weber aura un effet immédiat sur des gars comme Jeff Petry, Nathan Beaulieu et Greg Pateryn (un peu à l’image des Seth Jones, Roman Josi, Matthias Ekholm et Ryan Ellis qui ont pu bénéficier des conseils du géant canadien).
Mais pourquoi donc échanger notre quart-arrière?
Vous savez, dans le monde du hockey, il y a plusieurs facteurs à considérer lorsque l’on procède à une transaction : le salaire, les différentes clauses contractuelles, l’appréciation du joueur par ses coéquipiers, l’appréciation du joueur par les partisans, etc. Dans le cas présent, en plus de la clause de non-échange qui aurait pris effet dans 48 heures et de son salaire astronomique de neuf millions de dollars par an (oui, je sais que Weber empochera tout près de huit millions par an sur dix ans), il est clair que PK Subban ne faisait pas l’unanimité dans le vestiaire. D’ailleurs, Daniel Brière ne s’est pas caché pour le mentionner sur les ondes du 107,7 FM suite à l’échange. Qu’on le veuille ou non, il peut s’avérer difficile pour des individus de performer dans de telles circonstances : imaginez-vous passer 80 pour cent de votre temps en compagnie de quelqu’un que vous n’appréciez pas et avec qui en plus vous devez travailler. « Oui mais ils sont payés pour ça! » Je sais, et Marc Bergevin aussi est payé pour régler ces situations et il a agi. Qu’on le veuille ou non, Subban jouera sous d’autres cieux la saison prochaine, mais je peux vous garantir que le retour en vaut la peine.
Et Sergachev dans tout ça?
Suite à la transaction, un peu à l’image de tous les amateurs de la Sainte-Flanelle, je me suis questionné à savoir pourquoi on avait effectué cette transaction aussi rapidement. Un nom à tout de suite faite surface dans mon esprit : Mikhail Sergachev. Je ne crois pas qu’on croyait qu’il serait toujours disponible au neuvième échelon vendredi dernier. C’est un jeune homme au potentiel offensif hors pair, probablement le meilleur de ce repêchage chez les défenseurs. Et si on croyait, dans la haute direction du club montréalais, que Sergachev n’était pas si loin des ligues majeures et qu’en plus on pouvait lui fournir Shea Weber comme mentor? Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle vaut la peine d’être considérée.
Bref, encore une fois, cette journée nous a permis de constater que le sport est l’opium du peuple. Je me suis d’ailleurs promené dans les rues de Sherby shore afin d’écouter le « talk of the town » et croyez-moi, on en entend de toutes les couleurs : du bon et du mauvais sur cet échange, des opinions complètement folles, des gérants d’estrade à cinq cennes et même, à mon grand désarroi, quelques insultes racistes sur Pernell Karl Subban. Voyez-vous, c’est exactement pour ces raisons que je souhaite pratiquer le métier de journaliste sportif. Ça anime les passions, ça fait rêver les gens et par-dessus tout, c’est le plus beau métier du monde. En attendant, j’attends avec impatience l’ouverture des joueurs autonomes qui s’amorcera vendredi en cette journée nationale du Canada et du déménagement!