Par Véronik Lamoureux
Si le verglas annoncé par Météomédia suffit à paralyser certains d’entre nous, les aventuriers Nicolas Roux et Guillaume Moreau reviennent quant à eux d’un périple qui surpasse de loin les « conditions extrêmes » vécues dans les contrées de Sherby Love. Le 8 novembre dernier, les deux jeunes hommes de 28 et 30 ans ont achevé la plus longue traversée nord-sud du Canada à force humaine : en 234 jours, l’équipe de l’expédition Akor a franchi les 7600 km séparant le nord du sud canadien en ski de fond, en canot et à vélo.
L’équipe d’Akor peut désormais s’enorgueillir d’avoir réussi ce que personne avant elle n’avait osé envisager sérieusement : traverser le Canada du nord vers le sud à force humaine, en couvrant un total de trente-neuf parallèles, dont trente-deux parcourus de manière continue, sans aucune interruption motorisée. Il s’agit de l’un des plus longs périples en milieu sauvage de l’histoire du pays, toutes disciplines et toutes catégories confondues. L’histoire débute il y a plus de trois ans par une conversation entre Guillaume, Nicolas et leur bon ami Noah Noggasak. Ce dernier plante la graine de ce projet de traversée inédite dans la tête des deux hommes, qui deviendra Expédition Akor.
Skier avec les ours polaires
Le 20 mars 2021, l’expédition de Guillaume et Nicolas a débuté au nord à Eureka, un endroit si isolé qu’il se calcule en coordonnées. Très près du pôle Nord, les conditions météorologiques printanières étaient bien loin de celles que l’on connait dans le sud. L’équipe se devait d’être convenablement équipée pour une randonnée de ski de fond de 1450 kilomètres qui allait durer pas moins de 64 jours.
« Notre point de départ au Nord était sur l’île d’Ellesmere au Nunavut, l’île la plus au nord de l’Archipel arctique canadien. On était à ce moment-là à environ mille kilomètres du pôle Nord », indique Guillaume Moreau.
Lorsqu’interrogé sur la raison pour laquelle leur expédition n’avait pas débuté directement au pôle Nord, Guillaume a été amusé, à la fois parce que ce n’était pas le but précis de leur expédition et parce que se rendre au pôle Nord est de plus en plus complexe.
« Les expéditions au pôle Nord sont de plus en plus difficiles à faire, à cause des changements climatiques et de la fonte des glaces. Le pôle Nord, c’est 100 % de l’océan, pas de continent. De nos jours, il faut faire les expéditions de nuit en janvier ou en février, pour des conditions de glace optimales », explique le randonneur.
Guillaume a tout de même tenu à avertir les lecteurs qui pourraient être un peu trop inspirés par cet article. « On n’improvise pas une expédition dans l’Arctique, ça demande beaucoup de préparation. Le projet Akor a été bâti sur trois ans. On doit prévoir tout, on s’en va dans des régions extrêmement isolées, avec une météo rigoureuse et une nature imprévisible. Ça demande un entraînement physique rigoureux », précise l’homme.
En effet, le récit de Guillaume dépeignait un désert polaire immense, avec de la glace à perte de vue et une nature imprévisible. « On a évolué pendant 64 jours à des températures de -35 degrés avec 80 % d’humidité et complètement isolés dans un désert polaire, un endroit où il y a la plus forte population d’ours polaires et des blizzards compromettant la visibilité. C’est vraiment unique de se dire qu’on est dans des conditions aussi extrêmes », décrit Guillaume.
Petit canot va loin
La première étape de l’épopée s’est terminée à Gjoa Haven, un hameau du Nunavut situé au-dessus du cercle arctique, à 1056 km au nord-est de Yellowknife. De là, l’équipe se préparait à la traversée du passage du nord-ouest, l’équivalent de près de 2000 kilomètres de canot.
« La deuxième partie, celle en canot, a été surprenante. On s’attendait à ce que la partie de ski dans le désert polaire soit plus dure, mais finalement la traversée du passage du nord-ouest en canot a été plus longue que prévu. On a eu beaucoup de bris de matériel, de problèmes avec nos canots, puis la glace n’était pas aussi dégelée que prévu, alors on a dû traîner nos canots sur la glace pendant à peu près un mois », raconte l’homme.
Selon Guillaume, les conditions météorologiques n’étaient pas aussi optimales qu’ils le souhaitaient, ce qui explique les problèmes rencontrés par l’équipe.
« On a fait face à des tempêtes de vent, puis on a pagayé à contre-courant pendant 2000 kilomètres. On a même dû s’ajouter un point de ravitaillement et modifier notre route. La traversée en canot, c’était un peu comme être sur l’équivalent du Lac-Saint-Jean, mais dans la toundra et seuls au monde », se remémore-t-il.
Terres en vue!
Les derniers coups de pagaie ont permis à l’équipe d’accoster à Wollanston Lake en Saskatchewan, où les membres de l’expédition allaient rencontrer leurs premières routes depuis des mois.
« C’était le début du dernier droit. On a quand même dû pédaler pendant une semaine sur des routes de gravier pour finalement atteindre les premières routes pavées », souligne Guillaume.
La dernière étape était tout aussi substantielle. En tout, l’équipe devait parcourir quatre mille cent cinquante kilomètres de vélo pour atteindre son point final, soit la pointe la plus au sud du Canada, située dans le Parc national du Canada de la Point-Pelée au sud-ouest de l’Ontario.
L’accomplissement d’une vie?
Le 8 novembre dernier, l’équipe, qui avait fait un départ dans la ville d’Eureka, a enfin pu crier « Euréka »! Les pieds nus, sur la plage du Lac Érié, ils ont pu célébrer ce que Guillaume qualifie de dépassement unique.
« C’est sûr qu’on est encore très jeunes, alors je ne qualifierais pas cette expédition comme étant l’accomplissement de notre vie. Par contre, c’est certain que la fierté d’avoir réussi à traverser le Canada de nord en sud, alors que personne ne l’avait fait auparavant, c’est vraiment extraordinaire », exprime Guillaume.
« Certes, les efforts que nous avons dû déployer pour terminer cette expédition et en revenir indemne furent sans relâche. C’est un périple à échelle humaine que nous venons d’accomplir. Un voyage transformateur, au cœur de régions parmi les plus reculées sur Terre. Grâce à la créativité, la patience, l’opportunisme, l’esprit d’équipe et — soyons honnêtes — un peu de chance, nous avons pu résoudre tous les problèmes, surmonter tous les imprévus et affronter toutes les tempêtes. »
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Crédit photo @ Expédition Akor