Entomophagie ou des insectes dans nos assiettes

Par Jasmine Godbout

Entrevue avec Karianne Pépin, étudiante en biotechnologie à l’UdeS

Avaler par accident un moustique en faisant du vélo ou goûter aux insectes de l’Insectarium de Montréal après hésitation ne sont pas nécessairement des expériences agréables pour tous. Mais pourtant, plusieurs s’en délectent. C’est le cas de Karianne Pépin, étudiante en biotechnologie à l’UdeS et passionnée par le sujet. Qui aurait cru que ces bestioles nutritives seraient un jour dans nos assiettes au quotidien?

Entomo… quoi?

« Entomo » signifie insectes, donc l’« entomologie » en est l’étude, et l’« entomophage », le consommateur. Saviez-vous qu’il y avait, en 2004, plus de 2,5 milliards de personnes se nourrissant d’insectes et que le nombre a probablement augmenté dans les dernières années? Selon les données de l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), une bonne partie des populations d’Afrique, d’Asie et même d’Australie en mangent.

En fait, « l’Occident en général est la partie du monde la moins ouverte à la consommation d’insectes, explique Karianne Pépin. Les autochtones présents sur le territoire canadien en mangeaient, mais ça s’est perdu à cause du climat, de la faible disponibilité des ressources et de quelques autres raisons. »

Pulpe de ténébrion meunier avec un adulte qui a fini sa transformation au centre, il va passer du blanc au rouge et puis au noir, une fois que son squelette externe aura durci.
Pulpe de ténébrion meunier avec un adulte qui a fini sa transformation au centre, il va passer du blanc au rouge et puis au noir, une fois que son squelette externe aura durci.

La demande et les enjeux

La demande pour les insectes au pays et dans la province augmente toutefois et les entreprises doivent s’ajuster; c’est le principal enjeu actuel. Il y a d’ailleurs une centaine d’entreprises émergentes au Québec, mais 30 producteurs sont plus connus comme l’Entomofarm, la plus grosse au Canada située en Ontario, et Entosystème, la plus connue du Québec.

Que ce soit pour produire ou transformer les insectes, les entreprises offrent toutes une variété de produits allant de la poudre d’insectes (ou farine d’insectes), aux sauces et jusqu’aux barres nutritives. Karianne nomme aussi La Mexicoise, qui offre en grande partie des produits plus exotiques, Tottem Nutrition, qui se spécialise dans la production depuis février 2017 et Tarzan nutrition, qui a passé de la transformation à la production d’insectes.

L’optimisation de la production d’insectes selon des principes sanitaires et écologiques se trouve à être l’objet de recherche de l’étudiante en biotechnologie : « À présent, la production des ressources engendre des coûts trop élevés pour les rendre accessibles partout selon la demande. Le goût, qui dépend du climat et des conditions, est aussi encore instable, » soulève-t-elle.

Karianne souhaite d’ailleurs joindre une entreprise de production une fois ses études terminées. Toute jeune, sa passion pour les insectes s’est développée. Depuis sa rencontre avec l’entomologiste et fondateur de l’Insectarium, Georges Brossard, dans le cadre d’un projet au Cégep, Karianne saisit qu’il y a beaucoup de potentiel dans le domaine de la production industrielle d’insectes.

 

Ténébrion adulte
Ténébrion adulte

Pourquoi des insectes?

La passionnée d’insectes énumère trois de ses raisons pour conseiller aux gens d’adhérer à la consommation des bestioles :  

D’abord, le plaisir. C’est possible de jouer avec les saveurs selon le repas. Certains insectes ont des textures ou des goûts plus adaptés aux plats principaux et d’autres, aux desserts. Il existe une grande diversité de produits qui peuvent être transformés, si voulu. Ensuite, la santé. Les insectes ont une intéressante composition nutritive, car ils répondent à nos besoins en aliments nutritifs comme en protéines et en lipides. Enfin, l’environnement. La production ne nuit pas au cycle écologique, c’est même un must.

En ce qui concerne le plan environnemental, elle souligne que c’est cohérent selon la situation planétaire. Moins de ressources naturelles sont nécessaires à la production d’insectes qu’à la production animale ou qu’à la pisciculture. Les insectes peuvent même être nourris de déchets et leurs carcasses peuvent être réutilisées pour les plantes. Des associations entre les fermes d’animaux et entomophages ainsi que les pépinières permettent à la production d’être plus durable et au cycle, plus efficace.

Larve de ténébrion
Larve de ténébrion

S’en procurer, c’est possible!

Selon l’étudiante, les meilleures façons de se procurer des produits à base d’insectes sont d’en commander par Internet, de se rendre dans des commerces spécialisés et quelques rares épiceries (grillons de la marque Choix du président), ou même d’en élever soi-même. Il existe divers types de production selon la sorte convoitée : grillon domestique (acheta domesticus) ou ver de farine (ténébrion meunier).

Pour la production de grillons, il faut les séparer en grandeur, car ce sont les adultes qui pondent des œufs dans la terre. Ensuite, la terre doit être séparée des œufs et enfin, il suffit de les laisser éclore. Éviter d’en mettre trop ensemble est nécessaire au bon fonctionnement du cycle « puisque c’est une espèce territoriale »; il faut répartir la densité d’insectes dans les pots de terre.

Par ailleurs, Karianne, qui a elle-même une petite production de vers de farine à la maison (voir les photos), explique la reproduction : « On place les vers et des coléoptères ensemble dans un tiroir. Ils pondent des œufs qui se transforment en larves puis en scarabés; le ver se métamorphose un peu comme la chenille en papillon. » À votre tour d’essayer, et de goûter!


Crédit Photo @ Michel Caron (photo principale), Karianne Pépin

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