Par Samuel Bédard
Le 18 juillet prochain, Jennie Carignan deviendra la première femme à occuper le rôle de cheffe d’état-major de la Défense nationale des Forces armées canadiennes (FAC). Originaire de Val-des-Sources, en Estrie, la future cheffe des Forces armées succèdera au général Wayne Eyre, qui prend sa retraite après quatre décennies de service. Depuis la création du poste en 1964, 21 hommes se sont consécutivement partagé ce grade, le plus important au pays.
La lieutenante-générale Carignan, ingénieure de formation, sert le Canada depuis plus de 35 ans. Au cours de sa carrière, elle a commandé deux régiments du génie de combat, notamment au Collège militaire royal de Saint-Jean. Elle a été déployée en Bosnie-Herzégovine, sur le plateau du Golan, et en Afghanistan. De 2019 à 2020, elle a dirigé la mission de l’OTAN en Irak avant de prendre les commandes de l’unité responsable du changement de culture des forces armées canadiennes.
Une nomination acclamée par plusieurs
Charlotte Duval-Lantoine, directrice des opérations et fellow de l’Institut canadien des affaires mondiales, souligne l’importance de cet évènement. « C’est une nomination historique ; je pense que juste prendre ça en compte et célébrer ce moment est une bonne chose. » Toutefois, elle anticipe des résistances, en partie dues au genre de Carignan dans une organisation traditionnellement peu ouverte à la diversité.
Christine Normandin, députée bloquiste de Saint-Jean, et Lindsay Mathyssen, députée néo-démocrate, s’accordent pour dire que la nomination de Carignan est un pas en avant pour les femmes et un message positif pour la représentativité féminine dans les FAC. De son côté, le Parti conservateur du Canada a préféré ne pas commenter la nouvelle. La nomination a été éventée vendredi dernier par plusieurs médias, entraînant des commentaires parfois peu élogieux sur les réseaux sociaux, certaines critiques allant jusqu’à l’injure.
Une première historique sur fond d’enjeux transnationaux
Philippe Lagassé, professeur agrégé à la Norman Paterson School of International Affairs, met en garde contre les attentes démesurées envers Carignan. « Les attentes du public et des politiciens envers elle, par rapport aux résultats qu’elle pourra amener sur le plan de la culture, c’est un peu injuste — que soudainement, avec une femme, ça amène un changement majeur. » La nouvelle cheffe de l’état-major devra par ailleurs faire face à de nombreux défis, et ce, dès son entrée en poste. Le recrutement et la rétention des membres des Forces armées canadiennes sont en tête de liste. En mai dernier, seulement 4000 des 70 000 candidats ont été retenus, ce qui, selon le ministre de la Défense, Bill Blair, est loin d’être suffisant.
À l’international, l’incapacité du Canada à atteindre le seuil de 2 % du PIB en dépenses militaires exigé par l’OTAN fragilise ses relations avec l’organisation transnationale. Bien que cette décision revienne au premier ministre, la pression des États-Unis et des alliés de l’OTAN pour atteindre cet objectif reste forte. Jennie Carignan devra aussi naviguer dans un milieu encore très dominé par ses homologues masculins. Des 32 pays membres de l’alliance politico-militaire, tous ont un homme comme chefs de la défense.
Source: Facebook Forces Armées Canadiennes