La Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP28) de 2023 s’est tenue du 30 novembre au 12 décembre derniers à Dubaï. Cette conférence internationale, organisée par les Nations unies, avait pour objectif de discuter de six grandes thématiques liées aux changements climatiques, soit l’adaptation, le financement, les énergies renouvelables, la carboneutralité, la biodiversité, ainsi que les pertes et dommages. Laura Fequino, étudiante à la maitrise en études politiques appliquées à l’Université de Sherbrooke, était présente lors de ce sommet mondial.
Laura a pris part à la délégation jeunesse de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI), complétée par quatre autres membres. Les cinq jeunes femmes sont arrivées motivées à Dubaï afin de faire rayonner leurs idées et d’exiger davantage pour l’environnement. Armées de cartes de visite, elles ont pu faire pression sur des personnes influentes grâce aux dix revendications clés incluses dans leur plaidoyer.
L’AQOCI étant membre du Réseau action climat du Canada (CAN-Rac), Laura et ses collègues ont été intégrées à un cercle plus vaste, regroupant des groupes de pression de partout au Canada. Chaque matin, elles ont participé à des mises au point avec le Réseau, axées notamment sur les avancements de la veille, sur ce qui était attendu pour la journée à venir, ainsi que sur la coordination de leur action collective. En effet, le réseau a permis d’aiguiller les efforts afin de maximiser les effets.
Des rencontres ministérielles stimulantes
Entre la fatigue et l’adrénaline, Laura ressort grandie par cette expérience. Outre les rencontres qu’elle a faites au sein de sa délégation et du CAN-Rac, elle a également eu l’opportunité d’effectuer des entrevues avec les ministres provincial et fédéral de l’environnement, Benoît Charette et Steven Guilbault. Laura a profité de l’occasion pour questionner le ministre Charette sur les gouvernements infranationaux desquels le Québec pourrait s’inspirer sur le plan environnemental. Celui-ci en a profité pour faire l’éloge des efforts conjoints entre la province et le gouvernement de la Californie, qui possèdent notamment un marché du carbone commun.
Plus tard dans la semaine, le ministre Guilbault a quant à lui dévoilé son « cadre pour plafonner la pollution par les gaz à effet de serre provenant du secteur pétrolier et gazier ». Après son échange avec lui, Laura a avoué être réconfortée : « je n’avais pas uniquement l’impression de parler avec le ministre de l’Environnement, j’avais également l’impression de discuter avec un militant ». De façon très rationnelle, l’étudiante de l’UdeS a souligné son passé chez Greenpeace. « Parfois, on essaie de changer les choses en faisant des pressions externes, et il faut le faire même si ce n’est pas toujours instantanément efficace », souligne Laura. « J’ai l’impression que le ministre Guilbault a été confronté à des difficultés comme militant, et que c’est probablement la raison pour laquelle il a choisi de changer les choses de l’interne en devenant ministre », conclut-elle.
De carrosse à citrouille
D’autres événements durant le périple de Laura aux Émirats arabes unis l’ont cependant rapidement ramenée sur terre. Parmi ceux-ci, une rencontre avec le ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, l’a fait rencontrer des points de vue divergents aux siens. Lorsque questionné sur la conciliation entre le développement de projets comme Northvolt et la protection de la biodiversité, le ministre a défendu la décision de l’emplacement de l’usine de Northvolt, très controversé pour la protection de la biodiversité en milieu humide, comme n’étant pas un milieu protégé.
Lorsque quelques-uns de ses collègues lui ont rapporté l’information de cette rencontre, Laura a réagi : « Ce n’est pas parce qu’un terrain n’est pas reconnu comme parc national que cela justifie de ne pas y protéger sa biodiversité », prône-t-elle. « Il ne faut pas faire un pas en avant sur le plan énergétique pour faire trois pas en arrière en biodiversité, car la crise climatique et le déclin de la biodiversité sont intimement interreliés », affirme la jeune militante.
Une façade vertueuse
Lorsque questionnée sur l’ambiance globale de la COP, Laura a dit avoir été confrontée à beaucoup de greenwashing. L’utilisation à outrance de visuels verts, de statistiques incomplètes ou de détournement de narratifs pour avantager certaines parties était omniprésente. En revanche, certains pavillons qui auraient dû être clés, comme celui sur les peuples autochtones, étaient relayés aux racoins et étaient très difficiles à trouver. « Les personnes autochtones étaient réellement sous-représentées lors de la COP, alors qu’elles sont un vecteur de solution », soulève l’étudiante.
Heureusement, certaines organisations faisaient de réels efforts pour donner la parole aux communautés marginalisées, comme les populations du sud global et les communautés autochtones. L’AQOCI a d’ailleurs tenu un panel où ces communautés étaient au centre de la discussion dans le pavillon du Canada.
Parallèlement, Laura déplore que les lobbys pétroliers ne fussent pas obligés de s’identifier comme tels sur leurs cocardes. D’autant plus, plusieurs d’entre eux ont bénéficié de cartes d’accès élargi en tant que « parties prenantes », tandis que la majorité des ONG civiles ont dû se contenter de badges d’observateurs, les excluant des huis clos. En réponse, les groupes de pression environnementaux ont décidé de créer eux-mêmes et d’arborer des macarons stipulant « not a fossil fuel lobbyist ».
En contrepartie, il faut souligner que certaines mesures ont été mises en place pour dénoncer la place occupée par les énergies fossiles et l’inaction relative à celle-ci. À titre d’exemple, le gouvernement de l’Alberta a été nominé comme « fossile du jour ». Cette nomination quotidienne vise à mettre de l’avant les gouvernements « qui font le plus d’efforts pour empêcher la sortie des énergies fossiles ».
De l’espoir à l’horizon
Malgré plusieurs déceptions, du positif ressort de cette participation à la COP. Laura Fequino souligne la décision phare du Québec de s’impliquer dans la coalition Beyond Oil and Gas Alliance (BOGA) à titre de coprésidence. Le ministre Benoit Charette a martelé l’importance de sortir complètement des énergies fossiles, et a fait tout en son pouvoir pour asseoir la crédibilité du Québec dans le domaine. Quoique cela demeure un défi dans la mise en œuvre, Laura reste optimiste. Reste à voir si les retombées positives de la COP seront tangibles, ou si elles resteront du domaine de l’abstrait.
Crédits: Laura Fequino