Par Meg-Anne Lachance
La France fait actuellement face à l’une de ses pires affaires de crimes sexuels. Qualifié de « procès de l’horreur », le procès des viols de Mazan, débuté le 2 septembre dernier, apporte en justice 51 hommes pour « viols aggravés ». Attention, l’article contient des témoignages de viols qui pourraient être bouleversants pour certaines personnes.
Le procès hautement médiatisé des viols de Mazan ébranle la France depuis déjà trois semaines. Débuté le 2 septembre, les audiences se sont terminées le 20 septembre dernier. En tout, 51 hommes, incluant le mari de Gisèle Pélicot, survivante des agressions, ont dû faire face à la justice française.
Tout a débuté en automne 2020, alors que les policiers de Carpentras dans le Vaucluse ont convoqué Mme Pélicot au commissariat. Une fois arrivée, son « monde s’écroule ». Les policiers lui montrent des images d’elle, inerte et nue, en plein rapport sexuel avec des inconnus. Derrière ses agressions, il y a son mari Dominique Pélicot.
« Je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. C’est des scènes de barbarie. Mon monde s’écroule, tout s’effondre, tout ce que j’ai construit en 50 ans. Franchement, c’est des scènes d’horreur pour moi », a témoigné Gisèle Pélicot devant la cour.
Pendant près de dix ans, M. Pélicot sédate son épouse à son insu pour ensuite la soumettre à des agressions sexuelles d’hommes recrutés en ligne. C’est par le site Coco.fr, sous la rubrique « À son insu », que ce dernier trouve les agresseurs. Une cinquantaine de « monsieur tout le monde », âgés de 24 à 74 ans ont profité de Mme Pélicot, de juillet 2011 à octobre 2020.
Pendant ce temps, Gisèle Pélicot continue ses différentes consultations médicales. Pertes de mémoires, migraines et problèmes gynécologiques, aucun médecin n’est capable de mettre le doigt sur ses symptômes.
Jamais les médecins n’auraient pu imaginer que dix ans d’agressions se cachaient derrières ses problèmes. Jamais Gisèle Pélicot n’aurait pu se douter de quelque chose.
Initialement présenté sous un nom anonyme, la famille Pélicot a décidé de retirer cet anonymat pour que son nom soit connu comme « celui du courage incarné » par leur mère et grand-mère.
À visage découvert
Bien qu’elle aurait pu témoigner à huit clos, Gisèle Pélicot a décidé de le faire à visage découvert. C’est donc « pour que la honte change de camp » qu’elle a raconté son récit face à ses agresseurs.
« Ils me considèrent comme une poupée de chiffon », explique-t-elle. « Je n’ai jamais été complice » ni « fait semblant de dormir », répond la survivante, lorsque questionnée sur le scénario d’un possible couple libertin.
« Des scènes de barbarie, des viols, je me demande comment j’ai pu tenir. Et qu’on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n’ai jamais pratiqué le triolisme ni l’échangisme, je tiens à le dire », continue cette dernière.
Au total, près de 4000 photos et vidéos ont été retrouvées sur les appareils électroniques de son mari. Sur les images, près de 200 viols, toutes des scènes les « plus atroces les unes que les autres ».
Des cinquante hommes devant elle, elle n’en reconnaît qu’un seul. Il était venu discuter de vélo avec son mari. « Je le rencontrais de temps en temps à la boulangerie, je disais bonjour, je n’imaginais pas qu’il était venu me violer. »
« Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits », lance-t-elle aux accusés. « Je parle pour toutes ces femmes qui sont droguées et qui ne le savent pas, je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne le sauront peut-être jamais, […] pour que plus aucune femme n’ait à subir la soumission chimique. »
Pendant son témoignage, Dominique Pélicot, assis au box des détenus, reste la tête baissée.
Analysé par deux experts, ce dernier a été qualifié comme « le chef d’orchestre » de l’affaire. « C’est une personnalité à double facette : un rang de patriarche, sur lequel ses proches peuvent se reposer […], mais de l’autre assez irresponsable sur sa gestion matérielle, utilisant le mensonge et le secret », explique la psychologue Marianne Douteau.
Absent de la cour pendant quelques jours, M. Pélicot a finalement témoigné le 17 septembre.
« Je suis un violeur, comme ceux qui sont dans cette salle », a-t-il affirmé. « Elle ne méritait pas ça, je le reconnais. »
Espoir de répercussions
Cette affaire plonge plusieurs notions en plein débat, notamment celle du consentement. L’absence de mention du consentement dans le Code pénal français est déjà source de débat depuis quelques années.
Plusieurs espèrent que cette affaire mettra en lumière la nécessité d’y ajouter la notion.
Nombreux accusés ont apporté l’argument que Gisèle Pélicot était consentante. Bien qu’inconsciente, il est possible de l’entendre parfois ronflée et gémir de douleur dans les vidéos. Dominique Pélicot aurait même demandé à certains accusés de chuchoter pour ne pas réveiller sa femme.
Malgré cela, plusieurs disent avoir vu ce comportement comme étant un jeu de la part de Gisèle Pélicot.
Pour d’autres, le consentement était présent par la simple présence de M. Pélicot. Redouan E., accusé de 55 ans, explique que le mari était « détenteur du consentement de sa femme ». Selon un autre accusé « à partir du moment où le mari était présent, il n’y avait pas de viol ».
Impressionnées par le courage de Gisèle Pélicot, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de la France, pour démontrer leur soutien aux victimes d’agressions sexuelles.
« On est toutes Gisèle », « violeur, on te voit ; victime, on te croit », « tu n’es plus seule », voilà ce qu’il était possible de lire lors des manifestations.
Bien que choquante, l’affaire des viols de Mazan est loin d’être une situation unique. La femme de l’un des accusés a également été victime de ce genre de faits. Le verdict devrait être annoncé le 13 décembre prochain.
Source: Raw Pixel
Meg-Anne Lachance
Étudiante en politique, Meg-Anne a toujours été intéressée par les enjeux internationaux, sociaux et environnementaux. Après avoir occupé le rôle de journaliste aux Jeux de la science politique, elle a eu la piqûre des communications. Guidées par un sentiment d’équité, elle s’efforce de donner une visibilité aux actualités oubliées. Féministe dans l’âme, vous pourrez certainement retrouver cette valeur dans certains de ses textes!