Par Carl Perron
Après plusieurs années de tergiversations, le premier site d’injection supervisé a ouvert ses portes à la fin mars à Québec. L’Interzone s’est finalement établie au 60 de la rue Saint-Vallier Est dans les locaux auparavant occupés par la clinique communautaire SABSA. D’autres emplacements avaient aussi été examinés dans le passé, entre autres dans le quartier Saint-Roch.
On se rappellera que le projet avait fait l’objet d’une vive contestation lorsqu’il avait été présenté lors des séances d’information. Des dizaines de citoyens avaient manifesté leurs inquiétudes et leur colère au sujet de ce site d’injection supervisé. On ne voulait pas, à l’époque, que le quarter devienne un pôle pour la vente de drogues à Québec.
Le propriétaire du Réacteur, un regroupement d’ateliers offerts aux artistes professionnels, s’était dit profondément insulté de savoir que la décision était prise. Il désirait savoir ce qu’on allait faire pour que son stationnement ne devienne pas un lieu de trafic de drogues. On ne voulait pas que le site apporte de risque pour les gens des alentours.
Plusieurs citoyens s’étaient également questionnés sur le choix du site. L’emplacement qui avait été retenu, soit près des bretelles de l’autoroute Dufferin-Montmorency, posait problème selon certaines personnes. Toutefois, Marc De Koninck, qui était l’organisateur communautaire au Centre universitaire intégré de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, avait expliqué que « si l’on [s’éloignait], on [allait] se retrouver dans un lieu désincarné et l’on [n’atteindrait] pas nos objectifs ».
Les résultats sont au rendez-vous quand on est à proximité des utilisateurs, avait-il ajouté pour démontrer l’importance de ce centre pour la ville. En effet, le taux de surdose dans la Vieille Capitale est assez élevé et les autorités avaient identifié que le quartier Saint-Roch était problématique. L’installation du site d’injection supervisé (SIS) dans ce secteur semblait donc aller de soi.
L’objectif du centre
L’un des principaux objectifs de l’Interzone, un centre qui permettra aux utilisateurs de drogues par injection ou par inhalation de consommer en toute sécurité et sous la supervision de professionnels de la santé, est d’éviter les surdoses mortelles. En effet, des infirmières, des intervenants et des pairs aidants sont présents sur les lieux pour veiller au bon fonctionnement du SIS.
Le service vise aussi à diminuer les risques de santé liés à l’injection comme ceux reliés au partage de matériel et faire en sorte qu’il y ait moins de seringues laissées à la traîne dans les endroits publics. De plus, les intervenants du centre veulent aussi faciliter l’accès à des services de traitement des dépendances.
L’Interzone deviendra donc un maillon important du filet social de la ville de Québec pour assurer la sécurité des gens les plus vulnérables de la région et également des citoyens de la ville. L’approche humaine des opérateurs du site d’injection a toujours été celle de préconiser la sensibilisation et l’accompagnement pour réduire le risque qu’une personne se porte préjudice ou que quelqu’un blesse une autre personne.
Les statistiques
Entre 2008 et 2019, en moyenne 23 personnes ont perdu la vie chaque année par intoxication aux drogues dans la région de la Capitale-Nationale. En 2020, il y a eu 55 signalements de décès potentiellement par intoxication aux drogues. Bien que 41 cas soient en attente de rapport du coroner, sept d’entre eux ont été confirmés et autant ont été infirmés.
Mais on observe une augmentation progressive et marquée du nombre de surdoses non mortelles depuis avril dernier. Cette augmentation correspond au début de la pandémie. Pour tous ces cas, la moitié de ces signalements pour surdoses, qu’elles soient mortelles ou non, provenaient de la Basse-Ville, de Saint-Sauveur, de Vanier et de Limoilou.
Des échos en Estrie
Les consommateurs de drogues auront bientôt accès à un lieu sécuritaire pour consommer des stupéfiants au centre-ville de Sherbrooke. L’IRIS Estrie aménagera une pièce afin que les utilisateurs puissent s’injecter, ingérer ou inhaler leurs propres substances, et ce sous la supervision permanente d’intervenants.
Ceux-ci leur fourniront aussi du matériel comme des seringues. Les intervenants seront tous très bien formés. En effet, ils auront tous leur formation en réanimation cardiorespiratoire et, advenant un cas de surdosage, ils seront en mesure d’administrer la naloxone, un médicament qui permet de traiter un surdosage d’opioïdes.
Les gens du centre ont aussi pensé à un autre outil pour prévenir les drames : des bandelettes tests réactives au fentanyl, un opioïde 100 fois plus puissant que la morphine, seront aussi disponibles pour les usagers. « On peut les aider à faire le test sur leur propre drogue. On a des protocoles d’urgence. On veut faire ça dans le respect et sans jugement », racontait l’intervenante Amélie Lechasseur en entrevue avec Radio-Canada.
Claudia Pâquet, la directrice générale d’IRIS Estrie, explique que le centre en est un pour sauver des vies. En plus de prévenir le surdosage, on prévient la transmission du VIH et des ITSS. Les intervenants peuvent aussi faire de l’accompagnement auprès des itinérants ou des gens plus marginalisés. De plus, ils peuvent les rediriger vers les centres de santé et de services sociaux adéquats.
La pandémie : l’accélérateur du projet
C’est aberrant, mais la pandémie de COVID-19 aura eu ça de bon. Le projet d’un centre de prévention des surdoses est dans l’air depuis plus d’une décennie à Sherbrooke, mais il n’a jamais pris son envol. Grâce à la pandémie, on a vu l’urgence d’en avoir un pour répondre au besoin et cela a permis à IRIS de mettre le projet sur pied.
« Ça fait dix ans que les gens nous disent qu’ils sont à la recherche d’un lieu pour s’injecter de manière sécuritaire, pour se protéger et un endroit où ils ne se feront pas achaler par la police », explique Claudia Pâquet dans ce même article de Radio-Canada.
Depuis le début de la crise sanitaire, il y a une augmentation importante des problèmes de consommation de drogue au centre-ville de Sherbrooke qui a été remarquée par les intervenants. Comme on le voit souvent, le financement du centre est un problème. Ce dernier ouvrira ses portes le 1er septembre, mais les portes de celui-ci demeureront ouvertes jusqu’au 31 décembre.