Papas secas: Sécher pour conserver

Par Judith Doré Morin

« Je descends rapidement les escaliers, suivie de près par mon chien. À l’exception des poules, il n’y a personne dans la cour intérieure. Tout m’apparaît normal jusqu’à ce que mes sens perçoivent un effluve particulier, une odeur de chair. Ce matin-là, j’ai conclu qu’il existe deux types de personnes: ceux qui utilisent leur corde à linge pour sécher leurs vêtements, et ceux, comme Mamacha, qui l’emploient pour sécher leur viande. »

Au Pérou comme au Québec, il m’est souvent demandé si j’ai profité de mon séjour de deux mois et demi au pays des Incas pour visiter le célèbre Machu Picchu. La réponse s’avère choquante: non et je ne le regrette pas. Nous n’avons pas pris part à cette vague de touristes qui déferle chaque jour sur ce site historique. D’ailleurs, avant qu’il me le soit demandé, j’insiste également sur le fait que nous n’avons vu ni lama, ni alpagua, ni même une vigogne. Et c’est à ce moment que je décide d’introduire les séchoirs solaires, notre projet principal, dans la conversation. C’est un regard incrédule qui m’est alors offert à chaque fois.

Climat d’insécurité alimentaire

Selon l’ONU, en Amérique latine et dans les Caraïbes, près du tiers des aliments destinés à la consommation humaine sont gaspillés. Pourtant, force est de constater que la quantité produite diminue constamment en raison d’événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

Le gel, les sécheresses ainsi que les pluies plus intenses figurent parmi les manifestations du changement climatique qui menacent les activités agricoles au Pérou. Dans une étude publiée en 2017, l’ONU estime que les principales cultures andines, telles que les patates, les haricots et le blé, diminueront de façon radicale au cours des prochaines décennies. La même étude conclut que le département d’Ayacucho, l’une des 24 régions péruviennes dont la ville d’Ayacucho est la capitale, sera le plus affecté du pays.

Sécher pour conserver

Dans la communauté de San Melchor, certaines familles utilisent leur toit pour y sécher des aliments, principalement des patates et du maïs, pour leur consommation et parfois pour la vente. Toutefois, avec cette technique, les facteurs de pertes et de contamination des aliments se multiplient: vent, insectes, pluie, oiseaux, etc.

Pour d’autres familles, qui ne disposent pas d’un réfrigérateur, le séchage des aliments permet de conserver ceux-ci plus longtemps. En effet, ce processus permet de réduire l’activité bactérienne responsable de la dégradation des produits, et donc d’assurer leur conservation. Il s’agit donc d’un moyen d’éviter de gaspiller nourriture et argent.

Le modèle de séchoir solaire hybride développé par mes collègues, en collaboration avec le groupe de recherche en énergies renouvelables de la Universidad San Cristóbal de Huamanga, propose un séchage rapide, en contact direct ou indirect avec la radiation solaire, à l’abri des menaces extérieures. L’air ambiant circule de bas en haut du prototype, grâce à l’effet cheminée, et transporte l’humidité extraite des aliments par la chaleur jusqu’à l’extérieur du séchoir.

Dans un contexte où les conditions climatiques nuisent directement ou indirectement à la productivité agricole, il apparaît pertinent de développer des projets tels que la conception de séchoirs solaires afin de réduire, voire éliminer, les pertes et le gaspillage de ressources pourtant essentielles à la vie.


Crédit Photo @ FAO

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