Par Jacob Desrosiers
Dans la semaine du 28 janvier au 4 février dernier, nous avons assisté à un incident diplomatique impliquant le Canada, les États-Unis et la Chine. Un engin volant à haute altitude dans l’espace aérien nord-américain a été repéré par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (ou NORAD).
L’engin en question a par la suite été identifié comme étant une montgolfière d’origine chinoise apte à réaliser des opérations de collecte de données d’intelligence, selon le témoignage d’un officiel du Département d’État des É-U sous la protection de l’anonymat.
En fait, comme l’explique le correspondant en sécurité internationale pour la BBC Gordon Corera, les États-Unis semblaient persuadés que l’engin aurait pu servir à observer des bases militaires au Montana. Néanmoins, selon la version du gouvernement chinois, la montgolfière servait à surveiller la météo. Elle s’était retrouvée dans l’espace aérien nord-américain par accident et a été abattue au-dessus de la Caroline du Sud.
Ce dossier est toujours en développement, alors que trois autres aéronefs toujours non identifiés ont été abattus par le NORAD pendant le weekend du 10 au 12 février. De nouvelles informations sont continuellement dévoilées. Cela dit, qu’est-ce que tout cela implique au niveau des relations sino-américaines et canadiennes ?
Une première ?
Il faut se poser la question : s’agit-il de la première fois qu’on fait face à une telle situation ? Cela n’est pas le cas puisque l’espionnage est une pratique commune à l’international et prend toutes sortes de formes ; avions-espions, agents sur le terrain, satellites et, forcément, même des ballons. Ensuite, comme expliqué par le Pr Serge Granger de l’UdeS lors d’une entrevue sur le sujet à Radio-Canada, il faut se rappeler que Beijing et Washington s’interespionnent par voie aérienne depuis plus d’une vingtaine d’années.
Conséquemment, selon M. Granger, il ne serait pas surprenant d’apprendre que la fameuse montgolfière servait effectivement à intercepter des données d’intelligence américaine. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un aéronef utilisé à ces fins est repéré. Un incident similaire impliquant les mêmes partis s’est produit deux décennies plus tôt, mais avec les rôles inversés.
Futur des relations sino-américaines/sino-canadiennes
D’après M. Granger, la raison pour laquelle le présent épisode est aussi médiatisé est liée intrinsèquement au contexte géopolitique actuel. Comme on sait, on assiste actuellement à une Chine plus expansionniste, plus agressive et même plus assertive que jamais. Aussi, on remarque une vague interétatique de contestation (menée par les É-U) à l’échelle du comportement exhibé par Beijing. À cela s’ajoute le fait que les relations sino-canadiennes et sino-américaines sont toutes deux déjà à un creux historique, du moins au niveau politique.
D’ailleurs, en vertu des circonstances, quels pourraient être les impacts potentiels de cet épisode dans les relations sino-américaines et sino-canadiennes ? Considérant l’état piteux de ces dernières, il va sans dire que cela ne risque pas du tout d’améliorer les choses. Beijing a réagi en accusant à son tour Washington d’envoyer eux aussi de tels ballons dans l’espace aérien chinois. Cela dit, selon M. Granger, on peut a priori s’attendre à des relations plus tendues à court et moyen terme.
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