L’UdeS en retard sur les droits des personnes trans

Par Séré Beauchesne Lévesque

Le passage du Cégep de Sherbrooke à l’Université de Sherbrooke est synonyme d’un déclassement pour les personnes transgenres (trans), qui se retrouvent à se battre pour des droits qui leur étaient acquis. En effet, contrairement à ce qui prévaut au Cégep de Sherbrooke et dans plusieurs universités au Québec, aucune mesure d’égalité n’est en place à l’Université de Sherbrooke pour faciliter le parcours des personnes dont le genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance.

Pour se faire désigner par son prénom usuel, c’est-à-dire celui auquel elle s’identifie et qu’elle a choisi, une personne trans qui n’a pas encore obtenu de changement de nom légal doit faire de nombreux coming out auprès de ses collègues et du personnel enseignant. Son ancien nom lui collera à la peau tant et aussi longtemps que les démarches légales, qui engendrent des délais minimums de cinq mois et des frais entre 170 $ et 600 $, n’auront pas abouti.

Grâce aux revendications des activistes trans de l’Association étudiante du Cégep de Sherbrooke, la direction de l’établissement a compris que l’utilisation forcée d’un prénom qui ne correspond pas à son identité de genre cause des souffrances psychologiques évitables. C’est pourquoi elle s’est jointe aux directions d’autres cégeps pour demander à Skytech, le fournisseur du logiciel Omnivox, de permettre l’ajout d’un prénom usuel distinct du prénom légal. Cela permet de traiter le prénom légal comme une information confidentielle qui n’apparaît que sur les documents officiels : relevés de note, diplômes et relevés d’impôt. Autrement, par exemple sur la carte étudiante et les listes de classe, c’est le prénom usuel qui est utilisé. Ce changement est en vigueur depuis la rentrée et permet à des centaines de personnes trans au Québec d’entrer au cégep avec un poids de moins sur les épaules. Des dispositions semblables sont aussi prévues dans les systèmes informatiques des universités McGill et Concordia. À l’UdeS, impossible pour une personne trans d’obtenir ne serait-ce qu’une adresse courriel contenant son prénom usuel : tout changement doit être motivé par un certificat de changement de nom officiel délivré par le directeur de l’État civil.

Au-delà de la bureaucratie, plusieurs parcelles de la vie quotidienne que les personnes non trans tiennent pour acquises, par exemple accéder à une toilette publique sans craindre violence et harcèlement, demeurent inquiétantes pour plusieurs personnes trans. Alors qu’une quarantaine de toilettes individuelles non genrées existent sur le campus du Cégep de Sherbrooke et qu’elles sont répertoriées dans l’agenda étudiant ainsi que sur le web, les personnes trans qui espèrent trouver la même chose à l’UdeS en sont réduites à déambuler au hasard en espérant trouver un cabinet non genré à temps.

Tous ces obstacles institutionnels viennent s’ajouter à la transphobie latente d’une population universitaire très peu éduquée sur les enjeux trans, qui se manifeste par exemple lors des initiations, lorsque l’on invite encore des jeunes hommes à porter des robes en guise d’accoutrement ridicule, comme si l’expression féminine par des personnes présumées masculines était intrinsèquement grotesque.

 


Crédit photo © Séré Beauchesne Lévesque

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