Par William Thériault
Au cours des derniers mois, l’Alberta et la Saskatchewan ont tour à tour effectué des démarches visant à obtenir davantage d’autonomie vis-à-vis le gouvernement fédéral, ce qui entraîne des doutes et des inquiétudes à Ottawa.
Au mois de janvier, le quotidien La Presse apprenait que le Bureau du conseil privé – soit le ministère directement rattaché au premier ministre – avait monté une note de mise en garde contre les actions des deux provinces de l’Ouest ainsi que celles du Québec, qui sont jugées comme des mesures pouvant affaiblir le fédéral avec leur éventuelle application.
La note, qui date du 31 octobre, a été obtenue via la Loi sur l’accès à l’information.
« Ces diverses approches visant à influencer la division constitutionnelle des pouvoirs ainsi que les discours entourant le fédéralisme canadien exigent un examen attentif, car ils peuvent affecter la capacité du gouvernement du Canada à faire avancer ses objectifs et à maintenir un sentiment collectif d’appartenance au Canada », peut-on y lire. Dans cette note, le bureau de Justin Trudeau reconnaît également « la créativité » dont font preuve ces provinces pour obtenir l’autonomie désirée,
Sur différents fronts
En Alberta, le Parti conservateur uni de la controversée première ministre Danielle Smith a adopté la Loi sur la souveraineté de l’Alberta dans un Canada uni en décembre, à peine deux mois après son entrée au gouvernement. Cela lui permet notamment de « réviser et réécrire des lois fédérales jugées nuisibles », rapporte le journal albertain Le Franco.
« On n’est pas dans une logique de séparation ou de nationalisme à proprement parler, mais plutôt dans une logique autonomiste », a tenu à préciser le professeur en science politique Frédéric Boily, qui ajoute qu’un projet de souveraineté n’est pas une idée particulièrement populaire dans cette province actuellement.
En Saskatchewan, le plan de transition énergétique présenté par le Parti libéral pour lutter contre les changements climatiques dérange. On a atteint un niveau de tension « jamais vu dans l’histoire », selon le professeur Boily.
C’est pourquoi le premier ministre Scott Moe, du Parti saskatchewanais, a fait déposer un projet de loi ayant pour objectif de modifier unilatéralement la Constitution canadienne en réaffirmant « la compétence de la Saskatchewan en matière de ressources naturelles ».
Le fédéral reproche également au Québec d’avoir invoqué la clause dérogatoire afin d’assurer la mise en vigueur des lois 21 et 96 – portant respectivement sur la laïcité et la protection de la langue française, puisqu’elles peuvent être appliquées en faisant fi de la Charte canadienne des droits et libertés.
Il est normal pour le fédéral de surveiller les démarches des trois provinces a reconnu Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval, à La Presse.
« Mais Ottawa est quand même dans une drôle de posture, car ce qu’il reproche aux trois provinces, c’est de jouer à la limite des règles, de violer l’esprit sinon la lettre du partage des compétences. Mais s’il y a un domaine dans lequel les gouvernements fédéraux se sont démarqués depuis plusieurs décennies, c’est bien cela, et particulièrement celui qui est au pouvoir en ce moment. »
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