Par Gabrielle Goyet
Le samedi 15 avril 2023, en pleine période de ramadan, s’est produite une tentative de coup d’État au Soudan. Depuis, des affrontements armés surgissent partout dans le pays, ayant causé à ce jour plus de deux cents morts civiles. Alors que les tensions sont toujours vives, plusieurs acteurs internationaux appellent à un cessez-le-feu.
Des explosions se font entendre partout au pays depuis, alors que les deux groupes impliqués nourrissent les hostilités à même les rues de la capitale. Les explosions sont fréquentes, tandis que la population se cloitre à l’abri. Ce n’est malheureusement pas la première spirale de violence à laquelle est confronté le pays, considérant qu’il s’agit du 3e coup d’État au Soudan depuis 2019.
Le coup du coup (du coup)
En 2021, le Soudan a connu un autre putsch. L’armée soudanaise avait pris possession du pouvoir, alors qu’elle avait mené une opération militaire contre le gouvernement de transition, lui-même instauré après un coup d’État en 2019. Le nouvel affrontement prend en partie source dans ces deux événements précédents, sachant que la transition vers un gouvernement civil ne s’est pas faite aussi rapidement que prévu.
L’actuel conflit oppose deux groupes armés, menés par deux généraux de guerre. D’une part, le chef des forces armées soudanaises (SAF), Abdel Fattah al-Burhan, tente de maintenir sa junte au pouvoir. D’autre part, Mohamed Hamdan Dagalo, aussi connu sous le nom de Hemetti, guide les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) qui tentent de renverser la junte, sous des principes de « liberté, justice et démocratie ».
Pourtant, l’historique entre ces deux hommes ne date pas d’hier : déjà en 2003, ils avaient tous deux joué un rôle important dans la lutte anti-insurrectionnelle contre les rebelles du Darfour, dans le cadre de la guerre civile. Des années plus tard, ayant bâti leur réputation respective dans le monde militaire, les deux généraux ont fait force commune pour renverser le président el-Béchir en 2019. S’ils étaient auparavant frères d’armes, leurs positions semblent désormais irréconciliables.
Tentative de prise du pouvoir
Les affrontements ont éclaté le 15 avril à la suite d’attaques lancées contre certains sites gouvernementaux clés par les FSR. Ce groupe, principalement composé d’ex-miliciens de la guerre du Darfour, tente ainsi de revendiquer des lieux importants afin d’assoir son pouvoir.
Parmi les sites visés, on trouve le palais présidentiel, le siège de la télévision d’État, l’aéroport international de la capitale et la résidence officielle du chef de l’armée. En réquisitionnant ces lieux, les FSR pourraient s’imposer comme nouvelle force dominante. Toutefois, les forces armées soudanaises, menées par al-Burhan, bien qu’initialement surprises par les attaques, y ont rapidement répondu. Les tirs sont échangés entre les deux groupes depuis, sans trace d’éventuelle accalmie.
Les rues sont désertées par les civils et très peu de commerces essentiels sont encore ouverts. On craint que les épiceries écoulent rapidement leurs inventaires si elles ne sont pas ravitaillées dans les prochains jours. Pour rajouter à la situation, les groupes armés empêchent les organisations non gouvernementales d’intervenir et d’aider la population.
Comme rapporté par France 24, Alyona Synenko, porte-parole régionale du Comité international de la Croix-Rouge en Afrique, mentionne l’incapacité à évacuer les blessés et à apporter des premiers soins. Un cessez-le-feu de 24 heures aurait dû prendre place le mardi 18 avril après de nombreuses réclamations d’ONG pour pallier la situation, mais il n’aurait pas été respecté par les deux parties.
La communauté internationale appelle au calme
La journée même où les hostilités ont été lancées, l’Union africaine (UA) a fortement encouragé le Soudan à s’engager dans une trêve le temps d’entreprendre des discussions pour trouver une solution consensuelle. D’autres gros joueurs sur la scène internationale, tels que les États-Unis et le Royaume-Uni, ont également appelé à une « cessation immédiate » des violences.
La Ligue arabe, regroupement dont le Soudan est membre, a tenu une réunion d’urgence au Caire deux jours plus tard pour aborder la situation. Alors que l’organisation milite clairement pour un retour au calme dans le pays, l’ambassadeur soudanais à la Ligue arabe, Alsadik Omar Abdullah, a dit vouloir éviter toute ingérence étrangère.
« Ce qui se passe au Soudan est une question interne, mais tous les efforts sont nécessaires de la part des pays arabes frères afin de calmer la situation dans le pays. Nous demandons aux participants de cette réunion de confirmer ce point et de recommander que le règlement du conflit soit laissé aux Soudanais, loin de toute ingérence internationale », explique-t-il tel que rapporté par AfricaNews.
Un nouveau terrain d’influence par procuration ?
Les FSR et Dagalo sont pointés du doigt par plusieurs en raison des forts liens entretenus avec l’Arabie Saoudite et la Russie. En effet, le groupe de mercenaires russes Wagner est présent au Soudan depuis 2017, où il offre depuis de la formation de haut niveau aux FSR de Dagalo. À cela s’ajoutent des dons en ressources, des campagnes de désinformations en ligne et du renseignement militaire.
En contrepartie, la Russie obtient des retombées considérables : le FSR contrôlant la région du Darfour, le groupe paramilitaire aurait offert plusieurs mines d’or à la Russie. Selon CNN, ces ressources clés auraient servi à financer en partie l’invasion russe en Ukraine, phénomène décrié par les États-Unis. Ce partenariat s’ajoute à une entente signée en 2018 pour la construction d’une raffinerie de pétrole russe en territoire soudanais, qui contribuerait à renforcir son influence dans la région.
En contrepartie, plusieurs médias locaux nient toujours l’implication de Wagner au Soudan. C’est le cas d’ActuCameroun, qui a republié le 18 avril dernier un communiqué de Wagner, réfutant toute implication russe dans la région. La désinformation est également massive ailleurs au Sahel, alors que la junte militaire malienne désavoue toujours l’implication russe sur son territoire.
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