La vérité sur les profits épicés des épiceries 

Par Tristan Isabel 

Dans le contexte actuel de l’inflation alimentaire, des géants de la distribution comme Loblaws et Métro annoncent des profits records, suscitant des interrogations quant à leur impact sur la flambée des prix. Les enseignes d’épicerie affirment que leurs tarifs reflètent les coûts croissants des matières premières, rejetant toute accusation d’augmentation artificielle. Mais qu’en est-il vraiment? 

Les grands détaillants soulignent des marges bénéficiaires faibles, mais stables, qui sont historiquement situées entre 2 et 4 %. En pratique, une marge de 4 % représente environ 1 $ de profit sur un panier de 25 $. Selon une étude de marché sur l’épicerie de détail du Bureau de la concurrence de juin 2023, cette marge aurait augmenté de façon « modeste, mais significative » au cours des cinq dernières années. L’augmentation serait de l’ordre de 1 à 2 %, ou 1 à 2 $ par tranche de 100 $ d’épicerie. 

L’étude du Bureau de la concurrence souligne que la hausse de la marge bénéficiaire des épiceries est engendrée par un manque de concurrence dans ce secteur. Dans une industrie très compétitive, les entreprises ne peuvent généralement pas augmenter leurs marges. La concurrence entre les détaillants les pousse à réduire leurs prix, ce qui est avantageux pour le portefeuille des consommateurs. 

Un combat similaire pour les fournisseurs 

Un second rapport de la Chambre des communes du Canada sur l’abordabilité de l’épicerie, publié en juin 2023, met en lumière d’autres problématiques importantes le long de la chaîne alimentaire. Il existe un déséquilibre de pouvoir entre les petits fournisseurs et les grandes chaînes d’épiceries, avec des milliers de petits fournisseurs confrontés à des difficultés pour négocier avec les grands détaillants. 

Les entreprises qui fournissent les denrées aux épiceries, principalement des petites et moyennes entreprises, font face à des dépenses opérationnelles en hausse sans pouvoir les transposer sur les clients, surtout les grandes chaînes de distribution. Ces dernières années, l’énergie — notamment le pétrole et le gaz — est identifiée comme une composante majeure de l’augmentation des coûts le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les négociations préétablies entre fournisseurs et détaillants compliquent l’ajustement aux changements soudains, à la suite de perturbations dans la chaîne ou à de mauvaises récoltes par exemple. 

De plus, il y a un manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement en ce qui concerne la détermination des prix des produits alimentaires, avec peu de données publiques pour aider les producteurs à comprendre comment les prix sont fixés par les détaillants. 

Toutefois, l’élaboration d’un code de conduite pour les épiceries canadiennes est en cours. Mis sur pied par le ministère d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, ce code souhaite équilibrer la chaîne d’approvisionnement, réguler les frais, ainsi que les négociations et les hausses de prix. En discussion depuis 2021, le code peine à se concrétiser malgré des progrès. Son implémentation, encore en débat, pourrait être volontaire ou obligatoire, influençant ainsi son efficacité potentielle. 


Source: Flickr

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