La haine du simulacre, un travail de l’esprit

Par Catherine Villeneuve-Lavoie

En fait, le but n’est pas de blâmer en soi les pages de divertissement, ou les unes des médias, mais de mieux pratiquer ce travail de l’esprit, qui est en réalité le produit qui a été obtenu par cet effort de réflexion, même sans lien avec un besoin précis.

« Dieu est mort et les êtres humains en sont les seuls et uniques créateurs », annonça Nietzche au milieu du 19e siècle. La mort des Dieux, suscitée par ce philosophe, entraîne une disparition des idéaux suprasensibles; ce que nous avons cru autrefois logique et normalement acquis apporte désormais de nouvelles pistes de réflexion à la portée des individus. Et puisque tous ces fondements ont disparu, une seule question s’impose aux sociétés : comment juger les choses?

Le nihilisme s’inscrit au travers des siècles, comme étant cette proposition de comment juger et penser les choses qui nous sont présentées, ou de ce que nous ne voyons pas à travers ce que l’on nous montre. L’individu doit dorénavant s’approprier et s’entourer d’assez de ressources pour lui permettre de mieux pratiquer ce travail de l’esprit au sein d’une population, qui se voit tranquillement envahie par cette société de consommation.

C’est dans cette même perspective que ce travail de réflexion se voit de plus en plus menacé par les médias grandissants, qui se transforment plus que jamais en un produit de pur divertissement tout en exerçant cette fonction de quatrième pouvoir. C’est à penser que cette fonction de pouvoir prône désormais la paresse intellectuelle. On condamne sévèrement l’actualité, pendant que les pages de loisirs sont à leur apogée et sont les plus consommées, tandis que le travail de l’esprit, lui, demeure inactif. Car le divertissement n’exige aucune obligation stricte du terme, et l’absence de réflexion.

Et pourquoi alors, avons-nous besoin d’une image pour éveiller notre conscience? Car souvent, ce processus de réflexion commence lorsqu’une photo vient nous sensibiliser sur les unes de ces grands médias. Pourtant, cette conscientisation planétaire demeure désespérément faible et fragile. En effet, il apparait évident que l’implication et la participation sociales ne surgissent pas spontanément de nos médias, car ce processus de réflexion s’arrête à mi-chemin du travail de l’esprit et de la fatigue des masses silencieuses.

Par exemple, quand vient le temps de demander aux analystes de donner leur avis sur un sujet X, on finit par les critiquer incessamment. Finalement, ils devraient tout simplement en rester à de la « simple information ». Car devant certaines images et réalités en provenance du tiers-monde, bien des téléspectateurs occidentaux préféreront regarder ailleurs ou changer de chaîne. Et drôle de hasard, pendant que les analystes perdent de leur légitimité, ce qui porte atteinte à la sécurité et à la dignité des personnes révulse nos consciences; le public aime consommer la violence dans les médias, mais la condamne avec une extrême sévérité dans le réel.

Désormais, on ne songe plus à dépasser ce qui nous est présenté, mais simplement à l’accepter comme première fonction, celle de nous divertir. Et pendant que les exigences morales minimales indispensables à la vie sociale et démocratique perdent de leurs crédits, les idéologies globalisantes ne cessent de prendre le dessus. Peut-être faut-il que les balles transpercent nos écrans, que les drapeaux soient brûlés pour que le public se sente interpellé? Pour enfin que le travail de réflexion devienne l’huile qui permette d’éteindre le feu d’un simulacre de divertissement. Faudrait-il d’abord condamner le faux pour pouvoir ainsi mieux comprendre le réel?


Crédit photo © Agoravox

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