La France peut encore nous surprendre 

Par Gabrielle Goyet 

Le 7 juillet dernier, les législatives françaises se sont conclues sur un coup de théâtre non anticipé par le pays.

C’est le dimanche 7 juillet dernier que l’anticipation s’est finalement soldée : les législatives Françaises se sont conclues sur un résultat inattendu, déstabilisant une fois de plus le pays. Au bout du compte, c’est le Nouveau Front populaire (NFP) qui a obtenu le plus de sièges, au nombre de 182, un coup de théâtre que peu avaient anticipé. Au second rang, le parti Ensemble d’Emmanuel Macron a obtenu 168 députés, tandis que le Rassemblement national (RN) a terminé troisième, ayant conquis 143 circonscriptions. 

Cet aboutissant n’est pas exactement ce qu’avaient prévu les maisons de sondage, à quelques heures du vote ultime. Une enquête menée par Ipsos-Talan auprès de plus de 10 000 personnes votantes avait prédit, 48 heures avant le deuxième scrutin, un tableau mettant le RN en tête avec 170 à 205 sièges, suivis du NFP avec 145 à 175 circonscriptions, et finalement d’Ensemble avec 118 à 148 élus.  

Une déception relative des uns 

Les résultats réels ont eu l’effet d’une douche froide pour certains partisans du RN, qui rêvaient d’obtenir une majorité au lendemain du premier tour. Ce n’est toutefois pas infondé : dans une réalité alternative, la plupart des autres modes de scrutins européens auraient donné la victoire au Rassemblement national et à son candidat au poste de Premier ministre, Jordan Bardella.  

Avec 8.7 millions de voix, le parti d’extrême droite a recueilli davantage de votes que ses compétiteurs, mais est pourtant arrivé au troisième rang en termes de nombre de sièges remportés. Cela s’explique par le fait que les votes attribués au RN étaient répartis de façon plus disparate au travers des 577 circonscriptions françaises, ne parvenant pas forcément à franchir le seuil de la majorité et ainsi remporter les sièges, faute de concentration des votes.  

Il s’agit malgré tout d’une augmentation importante pour le parti, qui voit son nombre de sièges bondir significativement. Le gain de 54 circonscriptions additionnelles offrira un poids supplémentaire au parti à l’Assemblée nationale pour défendre ses idéaux. Cet accroissement reflète, au niveau national, ce que les élections européennes avaient laissé présager, quelques semaines auparavant et qui avait poussé Emmanuel Macron à déclencher des élections législatives. 

Le bonheur des autres 

En contrepartie, les personnes militantes du NFP étaient pantoises devant l’annonce préliminaire des résultats le 7 juillet dernier, vers 20 h heure locale. Plusieurs d’entre elles ont pris part à un rassemblement à la place de la République à Paris, et ont obtenu les premières estimations alors qu’ils s’étaient regroupés pour l’occasion. Certaines personnes étaient exaltées, tandis que d’autres pleuraient de joie ou de soulagement. 

« C’était très festif. Les gens, surtout les jeunes — mais pas que — étaient euphoriques », raconte Veronika Frydrych, une Québécoise habitant à Paris. « Plusieurs médias étaient présents pour annoncer la nouvelle et recueillir les impressions du public », relate celle qui était sur place. « Je me suis sentie en sécurité, alors que de l’extérieur certains pourraient croire le contraire », témoigne-t-elle. 

Lorsque questionnée sur ses motivations à prendre part à la mobilisation en tant qu’étrangère n’ayant pas le droit de vote en France, Veronika admet qu’elle était présente parce qu’elle avait la perception qu’il s’agissait d’un « événement historique ». « Je ne connaissais pas encore les résultats du vote quand je suis arrivée, c’était spécial d’en prendre connaissance entourée de ces partisans du NFP », soulève-t-elle. 

Et entre les deux 

Emmanuel Macron a-t-il gagné son pari ? C’est la question que tout le monde se pose, au lendemain des élections. Le bilan s’avère plutôt nuancé : Ensemble pour la République n’a pas performé ni particulièrement bien ni particulièrement mal. L’objectif premier du Président, derrière le déclenchement de ces élections, était d’obtenir une « clarification » au lendemain des élections européennes, à savoir si la population française souhaiterait porter le RN au pouvoir au niveau national. En ce sens, certains disent que Macron aurait remporté son pari. À l’inverse, le parti Ensemble a tout de même perdu 77 sièges comparativement à la législation précédente.   

Géographiquement, la France semble divisée. Le nord-est du pays arbore principalement les couleurs du parti de Macron, tandis que la Côte d’Azur s’est laissée séduire par le Rassemblement national. Pour sa part, le NFP a remporté de nombreux sièges dans la région parisienne et dans les territoires d’outre-mer. Avec cet échiquier politique bien diversifié, une question demeure donc : qui viendra à bout de former le prochain gouvernement ? 

Les spéculations se multiplient relativement aux coalitions potentielles qui pourraient tenter de former le prochain gouvernement. Selon les partis formant cette alliance, l’identité du Premier ministre serait bien différente. 

Du côté du NFP, il n’y a toujours pas de consensus pour appuyer une candidature unique. Les rumeurs qui circulent suggèrent que Clémence Guetté, Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon de France Insoumise pourraient aspirer au poste de Premier ministre. Chez les socialistes, ce sont plutôt les noms d’Olivier Faure, de Raphaël Glucksmann et de Boris Vallaud qui font parler. L’écologiste Marine Tondelier pourrait également être intéressée à porter ce titre. L’absence de consensus s’explique par la multitude de partis présents au sein même du Nouveau Front populaire.  

Pour ce qui est du RN, Jordan Bardella a dit vouloir s’en tenir à ce qu’il avait promis : puisque son parti n’a pas obtenu de majorité absolue, il ne posera pas sa candidature au poste de Premier ministre.  

Mais pour l’instant, c’est Gabriel Attal qui continuera d’assumer le rôle de Premier ministre pour le clan présidentiel, au moins jusqu’à la formation officielle du prochain gouvernement. Si la situation s’y prêtait, ce dernier pourrait même reprendre le poste de façon durable s’il y avait consensus au sein du parti Ensemble. Gérald Darmanin et François Bayrou n’auraient cependant pas totalement exclu l’idée de prendre part à la course. 


Source: Veronika Frydrych

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