Par Samuel Bédard
Au dernier jour du mois de la fierté LGBTQ+, Brenda Biya, la fille du président camerounais Paul Biya, a publié sur Instagram une photo d’elle qui embrasse la mannequin brésilienne Layyons Valença. Sous la publication, on peut y lire : « Je suis folle de toi & je veux que tout le monde le sache ». Cette publication a créé une véritable onde de choc dans ce pays où l’homosexualité est un crime encore sévèrement puni.
L’article 347-1 du Code pénal camerounais prévoit jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 200 000 francs CFA pour les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Depuis les années 2000, la stigmatisation et la violence envers les personnes homosexuelles ont augmenté au Cameroun, notamment en raison des mouvements LGBTQ+ internationaux et des initiatives mondiales contre le VIH.
Un geste applaudi dans les cellules militantes
L’anthropologue Patrick Awondo, directeur du Centre de recherches sur le genre et les discriminations à l’université de Yaoundé-I, souligne cette réalité : « Le développement des mouvements LGBTQ+ à l’international et la riposte mondiale contre le VIH ont renforcé la stigmatisation et la violence à l’égard des personnes homosexuelles au Cameroun ». Consciente de la sensibilité du sujet, Brenda Biya a préféré désactiver les commentaires sous sa photo.
Cette révélation a été saluée comme un signe d’espoir par les organisations de défense des droits LGBTQ+ au Cameroun. Alice Nkom, avocate et militante pour les droits LGBTQ+, a réagi : « Je salue le courage de Brenda Biya, qui assume son droit fondamental d’aimer et d’être aimée ». L’avocate est connue pour avoir notamment défendu Shakiro, une femme transgenre persécutée au Cameroun, contrainte à l’exil en Belgique.
Nkwain Hamlet, directeur de Working for our Wellbeing, voit en ce coming out une opportunité de faire avancer le débat public. « Avant, cela venait uniquement du milieu militant, mais maintenant que le sujet concerne la famille présidentielle, les choses pourraient changer. » Hamlet a également appelé le président Paul Biya à ouvrir le débat sur la décriminalisation de l’homosexualité. « Le fait de pouvoir jouir d’une liberté sexuelle ne devrait jamais être un privilège. »
Des réactions mitigées dans un pays polarisé
Pour le moment, Brenda Biya échappe à la répression directe de la loi camerounaise, elle qui vit en Suisse depuis maintenant quelques années. Son coming out suscite des réactions mitigées au Cameroun. Plusieurs politiciens de l’opposition et certaines figures religieuses voient en cette révélation une menace aux valeurs traditionnelles. Le pasteur François Tong a déclaré : « Brenda Biya veut encourager cela, profiter de sa position pour mettre la pression à son père. Cela va à l’encontre des mœurs que nous nous sommes habitués à préserver ».
Dans le pays que dirige son père depuis maintenant 39 ans, les personnes LGBTQ+ font régulièrement face à des arrestations et des poursuites. En mai 2022, l’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) avait dénoncé les violences dont sont régulièrement victimes les personnes issues de la communauté LGBTQ+. La même année, la Fondation camerounaise pour la lutte contre le sida (CAMFAIDS) affirmait avoir enregistré une hausse de 88 % des cas de violence et d’abus commis contre des ressortissants de la communauté LGBTQ+ par rapport à l’année précédente.
Source: Facebook Brenda Biya