Crédit photo © Cathie Lacasse Pelletier
Par Mélissa Toutant
Avec la saison estivale qui arrive à grand coup de soleil et de beau temps, les Québécois sortent de leur hibernation pour profiter des joies de l’été. Pour ce faire, quoi de mieux que de sortir sur les terrasses! Pour les fumeurs, prendre un bon verre ou un repas en grillant une cigarette sur les terrasses de restaurants et de bars sera maintenant chose du passé. La modification à la Loi contre le tabagisme, le 26 mai dernier, arrive à point pour certains et pour d’autres, un peu moins…
J’ai donc questionné plusieurs fumeurs, non-fumeurs et restaurateurs afin de connaitre leur point de vue sur la tenue de cette loi.
Ce qu’en pensent les non-fumeurs
En règle générale, les non-fumeurs sont pour cette modification à la loi. Il est bien évident que, pour les non-fumeurs, l’odeur et la fumée sont assez désagréables. Les effets de la fumée secondaire font également partie de leurs préoccupations. Si les gens ont fait le choix de ne pas fumer, est-ce que les fumeurs leur imposent le contraire?
La majorité des personnes sondées pensent que c’est un manque de respect. Beaucoup ont eu des expériences négatives en présence de fumeurs : ces derniers ne se gênaient pas pour envoyer leur fumée dans le visage des autres. Par contre, ce n’est pas tous les fumeurs qui sont irrespectueux envers les non-fumeurs. Certaines personnes croient que fumer à l’extérieur est déjà beaucoup mieux que le faire dans un lieu fermé. Il est toujours plus difficile de réglementer les endroits publics extérieurs puisque, comme l’endroit est aéré, on peut penser que c’est correct de fumer. Dans ces cas-ci, un certain civisme ou savoir-vivre est alors important.
Certains non-fumeurs ne sont pas nécessairement totalement en accord avec cet ajout de réglementation. Avec cette loi, il devient de plus en plus difficile pour les fumeurs d’avoir un endroit pour fumer tranquillement, même à l’extérieur. Certains non-fumeurs en sont conscients et compatissent avec eux.
On ne peut évidemment pas émettre de lois individuelles, mais il est clair que certains font attention aux gens qui les entourent. La loi risque alors de leur déplaire davantage. Une solution envisageable selon les répondants est de créer des endroits réservés aux fumeurs, comme des fumoirs.
D’ailleurs, certains ont soulevé le fait que la plupart des terrasses sont situées près des trottoirs. Les gens n’auront qu’à se lever et à y aller pour fumer. L’odeur et la fumée pourront tout de même se faufiler jusqu’aux gens installés à la terrasse. Dans ce sens, le problème de la fumée secondaire est-il vraiment réglé?
Ce qu’en pensent les fumeurs
Les fumeurs sont, sans grande surprise, majoritairement en désaccord avec cette modification de loi. Il devient de plus en plus difficile pour eux de trouver un endroit pour fumer. Selon un fumeur interrogé, il y a aussi une question de savoir vivre : « Il est tout à fait possible de manger sur une terrasse et d’attendre que les gens autour de soi aient terminé pour ne pas les déranger avec la fumée. » La plupart des répondants trouvent que, comme ils sont à l’extérieur, c’est une mesure exagérée. Le fait que les gens soient dehors permet alors d’aérer.
Certains fumeurs comprennent la décision de ne pas fumer sur les terrasses de restaurants, mais, sur celles des bars et des boites de nuit, ils pensent avoir plus de difficulté à s’adapter. Prendre un verre sur une terrasse tout en fumant est souvent un petit plaisir bien apprécié lors de leur sortie.
Il existe d’ailleurs plusieurs autres produits nocifs pour la santé qui ne sont pas surtaxés, comme les paquets de cigarettes le sont. Les fumeurs apparaissent souvent comme un sous-groupe de la tendance dominante concernant la santé et le bien-être. Il est rare que quelqu’un soit contre le fait d’avoir une bonne santé. Sauf que même avec toute la meilleure volonté du monde, arrêter de fumer est pour plusieurs un enjeu difficile. Le gouvernement leur impose alors la façon dont ils doivent se comporter pour être « comme les autres », c’est-à-dire ceux qui sont non-fumeurs.
Bref, on restreint toujours de plus en plus les endroits avec le droit de fumer. Bien que ce soit pour le bien d’une majorité d’individus, il ne faut pas oublier que les fumeurs ont fait le choix de fumer et qu’ils le font en toute légalité et liberté. Leur donner des endroits bien aérés et ventilés, conçus spécialement pour eux semble être une solution.
Et les restaurateurs?
Les restaurateurs et les tenants de bar pensent devoir faire de la surveillance continuelle. Ce sont principalement eux qui devront veiller au bon respect de la loi sur leur terrasse puisque le gouvernement n’a pas tenu de grande campagne pour préparer la population à ces changements.
Certains ajoutent qu’ils pourraient connaitre une légère baisse des revenus, mais rien de radical.
Mais encore, les trottoirs sont devenus des cendriers publics. La tenue de la nouvelle loi force les fumeurs à s’installer sur les trottoirs. Ces derniers sont donc plus sales : une multitude de mégots les jonchent. Émettre une loi est une chose, mais l’appliquer est davantage complexe. Des cendriers n’ont pas été ajoutés aux abords des restaurants et des bars. De plus, les passants sur le trottoir se retrouvent bien souvent à devoir passer sous un nuage de fumée. Encore là, le problème de la fumée secondaire n’est-il juste pas déplacé quelques mètres plus loin?
Avant d’adopter une loi, il faudrait d’abord penser à des stratégies et des mesures qui pourront, d’un, la faire appliquer plus facilement et, de deux, permettre au public de mieux la recevoir.
Encore des changements à venir
Les fumeurs ne seront pas au bout de leur peine. D’autres modifications à la Loi contre le tabagisme feront leur arrivée le 26 novembre prochain :
- Les adultes ne pourront plus acheter de tabac pour un mineur;
- Les fumeurs ne pourront plus fumer dans un rayon de neuf mètres de toute porte et fenêtre qui s’ouvre et des prises d’air qui communiquent avec un lieu fermé où c’est interdit de fumer.
Le montant des amendes augmentera également de plusieurs centaines de dollars pour tous les types d’infraction.
Les fumeurs devront bientôt réfléchir aux endroits, qui seront de plus en plus contraints, avant de s’allumer une cigarette. On assujettit de plus en plus les fumeurs, mais on ne leur donne aucune autre possibilité. L’ajout de nouvelles mesures sera-t-il une façon de diminuer la quantité de fumeurs ou poussera-t-il plutôt les gens à fumer dans l’illégalité?