Par Emmy Lachance
Deux ans et demi après s’être allié aux Libéraux de Justin Trudeau, le chef du Nouveau Parti Démocratique Jagmeet Singh a annoncé, mercredi dernier, qu’il se retirait de l’entente liant les deux partis. Cette décision survient alors que le Parti Libéral se trouve en eaux troubles, lui qui ne jouit que d’une minorité parlementaire, et dont les appuis se font de plus en plus minces.
Dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux mercredi dernier, le chef du NPD a fait savoir aux Canadiens qu’il rompait l’entente liant son organisation politique aux Libéraux. C’est dans un discours aux allures électorales qu’il a élaboré les raisons qui l’ont poussé à cette décision.
Singh a expliqué qu’il devait se distancer de Justin Trudeau, qui, selon lui, laisse tomber la population canadienne pour les grandes entreprises. Il a mentionné que les Canadiens souffrent actuellement de la montée des prix de l’épicerie et des loyers en raison de l’inaction du premier ministre.
Il s’est ainsi positionné en rempart contre l’austérité des Conservateurs et contre les promesses brisées des Libéraux en déclarant être le seul chef de parti qui pourrait tenir tête aux Conservateurs.
L’entente de soutien et de confiance entre le NPD et les Libéraux devait être en place jusqu’en juin 2025. Elle visait à accorder à Justin Trudeau un soutien permettant aux Libéraux, minoritaires, de rester en bonne position et d’éviter de perdre un vote de confiance.
En échange, les Libéraux devaient respecter un nombre d’engagements sur lesquels ils s’étaient entendus avec le NPD. Les deux formations politiques ont gagné leur pari en mettant en place plusieurs mesures, dont la loi anti-briseurs de grève, l’assurance dentaire et l’assurance médicament, qui en est à l’étape de l’étude au Sénat.
Sans mentionner d’exemples concrets, M. Singh a félicité les avancées réalisées grâce à l’entente. Il a également précisé que ce sont les engagements non tenus qui l’ont mené à la décision de prendre ses distances.
En route vers une campagne électorale ?
Dans les jours qui ont suivi cette annonce, les attaques ont fusé de toutes parts, laissant dans l’air une ambiance partisane rappelant celle des périodes électorales.
Le chef du Parti Conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a d’ailleurs annoncé, trois heures après la fin de l’entente NPD-Libéraux, qu’il allait déposer une motion de censure envers le gouvernement dès qu’il en aurait l’occasion.
Une motion de censure est une proposition qui peut être déposée par un parti d’opposition pour sonder le parlement sur la confiance envers le parti au pouvoir. Si la motion l’emporte par une majorité du vote, on considère que le gouvernement n’a plus la confiance de la chambre, ce qui doit déclencher une élection.
Le parti de Justin Trudeau, présentement au pouvoir, est en position minoritaire. Les partis d’opposition pourraient donc décider de s’unir et de voter pour la motion de censure, qui entrainerait la dissolution de la chambre et déclencherait une élection.
Dans le contexte actuel, il faudrait que le Bloc Québécois et le NPD emboitent le pas aux Conservateurs pour que la motion de censure obtienne la majorité des votes et qu’une élection soit déclenchée.
Interrogé à cet effet, le leader parlementaire du Bloc Québécois Alain Therrien a affirmé que la décision de voter pour ou contre la motion de censure dépendrait du contexte politique. Il a réaffirmé la volonté du Bloc Québécois de toujours voter en fonction des intérêts des Québécois et confirmé que la décision serait prise en ce sens.
Du côté du NPD, une source anonyme au sein du parti a confié à La Presse que les décisions seraient prises au cas par cas. Le parti devrait attendre de connaitre les priorités du gouvernement avant de prendre sa décision à propos de la motion de censure. Notons également que deux élections partielles auront lieu le 16 septembre, journée de reprise des travaux parlementaires à Ottawa.
Le NPD a des chances de gagner les deux circonscriptions en jeu, alors qu’une d’entre elles est un bastion néo-démocrate. Une victoire du parti dans les deux circonscriptions pourrait avoir un impact sur la décision des néo-démocrates quant à l’opportunité de déclencher des élections générales.
Les Libéraux perdent leur directeur de campagne nationale
Alors que l’heure est aux questionnements quant à la tenue de possibles élections générales fédérales cet automne, le directeur de la campagne nationale du Parti Libéral du Canada Jeremy Broadhurst a annoncé démissionner de son poste. Sa démission s’est faite au lendemain de la fin de l’entente avec le NPD.
Celui qui avait contribué à faire élire les Libéraux lors des trois dernières élections générales travaillait avec l’organisation depuis 20 ans. Il a justifié sa décision par les impacts qu’a eu son emploi sur sa vie familiale.
Dans sa déclaration, il mentionne également que les prochaines élections générales risquent d’être très complexes, et qu’il ne possède plus l’énergie pour mener cette campagne comme il l’a déjà fait par le passé.
Il estime que le parti mérite que la personne à son poste ait de l’énergie et du dévouement, ce qu’il n’est plus en mesure de fournir. Notons toutefois que celui-ci se dit encore autant attaché au Parti Libéral et au premier ministre, mais qu’il ne se considère plus comme la personne idéale pour occuper le rôle.
Cette décision survient alors que les Conservateurs mènent par plusieurs points les intentions de vote, et que les risques qu’une élection anticipée soit déclenchée dans les prochains mois sont bien réels.
Selon les informations en date du 1er septembre du projet 338Canada, modèle statistique qui retrace les tendances électorales, les Conservateurs remporteraient 210 sièges sur 338 si une élection avait lieu aujourd’hui. Loin derrière, les Libéraux n’arracheraient que 81 sièges, alors que le Bloc Québécois en remporterait 34, le NPD 16, et les Verts 2.
Crédits: Beauty False Flickr