Émeutes au Royaume-Uni : de la désinformation à la violence 

Par Charles Amyot 

Des manifestations anti-immigration lancées par l’extrême droite ont éclaté et dégénérées rapidement dans le dernier mois au Royaume-Uni. 

De violentes émeutes ont secoué le Royaume-Uni ces deux dernières semaines. Malgré l’appel au calme du premier ministre Keir Starmer, l’état d’alerte est toujours en vigueur. Ces manifestations représentent la pire vague de violence du pays depuis 2011. 

Ce sont des manifestations anti-immigration lancées par l’extrême droite le 29 juillet dernier qui ont rapidement dégénéré. Diverses attaques islamophobes ont eu lieu, notamment contre des mosquées et des hôtels connus pour accueillir des demandeurs d’asile. 

De fausses nouvelles concernant l’auteur du meurtre de trois fillettes, tuées lors d’une attaque au couteau à Southport, au nord-ouest de l’Angleterre, sont à l’origine de ces tensions. Huit autres enfants et deux adultes ont également été blessés lors de cette même attaque.  

Ce drame a donné lieu à de nombreuses rumeurs et à de la désinformation sur les réseaux sociaux à propos de la religion et de l’origine de l’agresseur présumé. Différentes publications ont étiqueté le suspect comme un « réfugié illégal musulman ». 

Plusieurs personnalités connues affiliées à l’extrême droite se sont jointes au mouvement de désinformation dont Andrew Tate et Elon Musk. Il n’en a pas fallu moins pour attiser la haine de certains groupes de droite radicale, bien que l’agresseur soit en fait né au Pays de Galles.  

Ce dernier, âgé de 17 ans, a d’ailleurs été arrêté par la police britannique et demeurera en détention jusqu’à ce qu’il soit jugé. 

Violences dans les rues 

Les émeutes ont officiellement débuté mardi soir, le lendemain de l’attaque. Les personnes manifestantes seraient, selon la police, des soutiens du mouvement d’extrême droite English Defence League (EDL). 

Les tensions ont continué de prendre de l’ampleur, en se propageant un peu partout à travers le pays. À Londres, des centaines de personnes, accompagnées de leurs drapeaux anglais, ont manifesté devant Downing Street, la résidence officielle du premier ministre. 

Des slogans tels que « trop, c’est trop » ou « arrêtez les bateaux », référence aux canots pneumatiques immigrants traversant la Manche, ont pu se faire entendre. Le nom du fondateur de l’EDL, Tommy Robinson, ainsi que celui du chef du parti anti-immigration Reform UK, Nigel Farage, ont aussi été mentionnés. 

Un manifestant questionné par l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé que l’agression de Southport était « la goutte qui a fait déborder le vase » et qu’ils en avaient assez. 

À Hartlepool, des personnes ont mis le feu à une voiture de police et ont jeté des projectiles sur les policiers, « dont plusieurs ont été légèrement blessés », rapporte la police.  

Du côté de Rotherham, plus de 700 personnes se sont rassemblées devant un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile. Des vitres de l’établissement ont été cassées et un feu déclenché. Douze policiers ont été blessés. 

Des rassemblements de ce type ont également eu lieu à Manchester, Tamworth et Aldershot. 

En tout, les émeutes auront fait cinq morts et des dizaines de blessés dans les forces de l’ordre. 

Justice britannique implacable  

Plus de 1000 personnes liées aux émeutes ont été arrêtées, a annoncé la police britannique, le 13 août dernier. 

« Les forces de police à travers le pays ont effectué plus de 1000 arrestations liées aux récents troubles violents », a indiqué sur X le Conseil national des chefs de police (NPCC). 

La justice britannique a déjà sévi à l’endroit de plusieurs émeutiers et incitateurs à la haine. En date du 13 août, 575 personnes étaient déjà inculpées. La justice britannique continue d’enchaîner les dossiers d’émeutier avec, pour plusieurs, des condamnations à la prison ferme. 

Un homme de 26 ans a, par ailleurs, été condamné à une peine de trois ans et deux mois de prison ferme pour avoir publié un appel à incendier des hôtels de demandeurs d’asile sur ses réseaux sociaux.  

Plusieurs mineurs font partie des suspects. Deux gamins de 12 ans ont plaidé coupables pour avoir participé aux violences durant des rassemblements anti-migrants et islamophobes. Une enfant de 13 ans aurait également été reconnue coupable pour avoir proféré des menaces de mort. 

Le premier ministre a félicité cette « réponse rapide du système judiciaire », qui a permis « en l’espace de quelques jours d’arrêter, d’accuser, de condamner et d’emprisonner des criminels ». 

« Que vous soyez directement impliqué [dans les violences] ou que vous ayez agi à distance, vous êtes coupable, et vous serez traduit en justice, si vous avez enfreint la loi », a-t-il ajouté. 

Retour au calme 

« Nous nous réjouissons de la désescalade qui a eu lieu cette fin de semaine », a indiqué une porte-parole du premier ministre Keir Starmer.  

Les derniers heurts se sont déroulés le 12 août en Angleterre, mais ont continué pendant quelques jours en Irlande du Nord. Pour les autorités, cette accalmie serait due à la rapide et ferme réponse judiciaire. 

La porte-parole a toutefois tenu à mentionner que le gouvernement restait « en état d’alerte ». 

Depuis, des contre-manifestations ont fait leur apparition dans les rues du Royaume-Uni pour dénoncer le caractère violent et raciste des émeutes. Des milliers de personnes ont participé aux contre-manifestations pacifiques en brandissant des pancartes avec des slogans tels que « Stop à l’extrême droite » ou encore « Réfugiés bienvenus ». 

Des tensions ont cependant éclaté sporadiquement, alors que la police a dû s’interposer entre des militants antiracistes et un groupe de personnes qui criaient « Arrêtez les bateaux ». 

Pour la coprésidente du Parti vert, Carla Denyer, ces violences doivent servir « de signal d’alarme pour tous les responsables politiques ». Des commentateurs et responsables politiques affirment que la montée du discours anti-immigration au sein de la classe politique aurait légitimité les actions des personnes manifestantes. 

Un sondage Savanta publié mercredi montre que 67 % des Britanniques s’inquiètent de la montée de l’extrême droite. Lors des dernières législatives, le parti anti-immigration Reform UK a engrangé plus de 14 % des voix, lui qui s’oppose fermement à l’annulation du traité qui prévoyait renvoyer les demandeurs d’asile rwandais dans leur pays d’origine. 

Même si les émeutes des dernières semaines semblent derrière le Royaume-Uni, plusieurs problèmes restent à régler. Le pays continue d’être divisé sur l’immigration et est frappé par d’importants problèmes de désinformation sur les réseaux sociaux et de pauvreté, qui frappent plus d’un Britannique sur cinq. 


Crédits: Flickr Alis dare Hickson

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