Par Audrey Damier
Pour sa population, la ville de Sherbrooke rassemble un nombre surprenant de restaurants. Il n’est donc pas étonnant que Aaron, un jeune Français de 29 ans, accompagné de ses partenaires, John et Manu, ait décidé d’importer un concept purement français à Sherbrooke : le French Tacos. Ce terme peu connu au Québec est un véritable phénomène culinaire en France et est en train de détrôner le hamburger et même le sandwich grec. C’est LA nourriture dont les milléniaux raffolent. C’est pour cette raison que Le Collectif s’est entretenu avec un des gérants de la nouvelle enseigne Cantine 75, ouverte depuis janvier au 93 rue King Ouest.
Aaron, 29 ans, vit au Québec depuis un an et demi. Il est originaire du 19e arrondissement de Paris et travaille dans la restauration depuis l’âge de 15 ans. Son premier restaurant, il l’a ouvert à l’âge de 21 ans et Cantine 75 est son premier restaurant au Québec.
C: Pourquoi as-tu choisi de venir faire carrière au Canada?
A : En fait, en France, il y a une saturation dans la vente de French Tacos et particulièrement à Paris. Du coup, c’est un peu dur de se démarquer quand on est le énième restaurant à en vendre. Alors, on s’est dit : pourquoi ne pas vivre notre rêve américain, mais au Canada?
C : Et pourquoi dans la ville de Sherbrooke?
A : On a fait une étude de marché et on a constaté que Sherbrooke était la ville comptant le plus de restaurants par habitant. D’autant plus qu’on était sûr d’avoir le monopole du marché puisqu’on est les premiers à installer un concept de street food parisien dans la ville. À Cantine 75, on peut retrouver des sandwiches grecs, qui font typiquement partie de la bouffe parisienne, des cheeseburgers, mais aussi des French Tacos.
C : Qu’est-ce qu’un French Taco?
A : Un French Taco, c’est comme un taco mexicain, mais revisité à la française. Le concept a été inventé dans la ville de Lyon dans les années 90. C’est fait d’une tortilla dans lequel on ajoute des ingrédients comme de la viande, des frites, du fromage, mais surtout, ce qui rend le French Taco spécial, c’est la sauce fromagère. Puis, il y’a des tailles différentes et un nombre de combinaisons infini, puisqu’en fait, c’est le client qui choisit sa garniture. En bref, le French Tacos, c’est le Subway du taco.
C : Qu’a-t-elle de particulier, cette sauce fromagère?
A : La sauce fromagère est typiquement une sauce qu’on peut retrouver dans les Alpes. C’est un peu comme de la fondue. La sauce est faite à base de crème liquide, de gruyère et d’emmental. Ensuite, chaque restaurant a sa recette secrète donc je ne peux pas trop révéler la nôtre (rire). Je peux juste mentionner que c’est la même depuis 2011.
C : Est-ce que c’est difficile d’ouvrir un restaurant au Canada?
A : Non, au Canada les démarches sont très simples. En France, pour ouvrir un restaurant c’est beaucoup plus compliqué. On nous demande des milliers de papiers et une grosse somme d’argent. Ici, c’est différent. On nous demande seulement de respecter les lois. Le MAPAQ (Ministère de l’Agriculture, des pêcheries et de l’alimentation) nous forme sur l’hygiène et la gestion d’entreprise. En gros, la seule limite, c’est nous.
C : Combien de temps a-t-il fallu pour ouvrir le restaurant?
A : On est sur cette affaire depuis mai. On a commencé à créer notre entreprise sur Internet, puis on a négocié pour ensuite avoir le bail. C’est plus la décoration qui nous a pris du temps parce que le local était un vrai taudis. On a vraiment voulu recréer l’ambiance des bistrots parisiens.
C : Est-ce qu’il a été difficile de vous procurer certaines denrées?
A : L’élaboration de la recette a été difficile parce que les habitudes alimentaires des québécois ne sont pas les mêmes que celles des français. Du coup, là aussi on a fait une étude de marché qui nous a pris 4 mois pour savoir quoi mettre à l’intérieur des tacos, tout en respectant l’authenticité du French Tacos.
C : À quel genre de prix doivent s’attendre les clients?
A : Franchement, sachant que tout est fait maison, les prix sont très raisonnables. Ça ne va pas au-dessus de 15 dollars pour un menu complet.
C : Pourquoi avoir choisi le nom Cantine 75?
A : Nos restaurants à Paris s’appellent French Cantine parce que les parisiens aiment beaucoup les anglicismes. Au Québec, c’est différent parce qu’avec la loi 101 on ne peut pas trop se permettre des anglicismes. C’est pour ça qu’on a décidé de garder le mot cantine, mais d’ajouter 75 parce que ça fait référence à Paris.
C : Quels ont été les retours des Québécois ayant testé pour la première fois le French Tacos?
A : Au début ils ne comprenaient pas le concept des frites à l’intérieur (rires). Du coup. ils voulaient qu’on les retire parce qu’ils avaient peur que ce soit sec. Mais pour les convaincre, je leur ai expliqué que, grâce à la sauce fromagère, ce ne serait pas le cas. Et finalement, ils ont été ravis. D’ailleurs, j’ai un jeune client québécois qui m’a dit qu’il n’avait jamais mangé un truc aussi bon. Il a tellement kiffé (aimé) qu’il est revenu toute la semaine (rires).
C : Avez-vous prévu ouvrir d’autres restaurants?
A : Oui, mais on a vécu des mauvaises expériences en France parce qu’on a eu les yeux plus gros que le ventre. Alors, on ne veut pas reproduire nos erreurs de jeunesse, surtout en termes de gestion et d’administration. L’idéal, ce serait d’ouvrir un Cantine 75 à Montréal d’ici 2020 mais, pour l’instant, on préfère se concentrer sur celui de Sherbrooke. L’important, c’est que l’on sache gérer nos produits nous-mêmes avant de déléguer la tâche à des employées. On privilégie la qualité à l’argent.
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Crédit Photo @ Cantine 75