Par Lé Bonneau
À St Mary’s, une petite municipalité de Terre-Neuve-et-Labrador, ça pue. Ça pue, parce qu’il y a 20 ans, le propriétaire d’une usine de sauce poisson a abandonné son usine et la centaine de barils de sauce qu’elle contenait. Depuis, les 1,2 million de litres de sauce pourrissent, fermentent et empestent. Cette histoire révèle des enjeux environnementaux et d’autonomie municipale.
Une communauté et un écosystème à risque
La communauté de St Mary’s respire les effluves de la sauce poisson depuis des années. L’odeur est telle que plusieurs s’inquiètent pour leur santé et disent que la puanteur les fait parfois vomir. Une citoyenne fait même porter des masques N95 à ses petits-enfants lorsqu’ils et elles sont à l’extérieur afin de les protéger des risques, selon un reportage de CBC en 2019.
Après une analyse de la sauce produite en 2016, Environnement Canada a confirmé la « létalité aiguë » de la sauce. Des poissons ont été placés dans la sauce afin d’évaluer sa toxicité. La mort de ces poissons en 15 minutes a confirmé son aspect létal. Le rapport a seulement été diffusé à la suite d’une demande d’accès à l’information de Radio-Canada. Cette demande était restée sans réponse durant quatre ans. Personne au village n’avait été mis au courant, pas même le maire.
La sauce présente non seulement des désagréments et des dangers pour la population, mais elle menace gravement la mer et l’écosystème de la région. L’usine en décrépitude étant à quelques mètres seulement de la mer, le risque de contamination est grand.
Radio-Canada rapporte que le maire de St Mary’s a longtemps demandé les ressources nécessaires pour faire décontaminer le site. Le 20 janvier 2023, une rencontre du conseil municipal à ce sujet, couverte par CBC News, rassemblait 20 % de la population. Pour un village de cette taille, cela démontre la gravité de la situation. Ce n’est que récemment que le premier ministre de Terre-Neuve a commencé à s’intéresser au problème. Le ministère de l’Environnement et des changements climatiques a confirmé au journal Le Collectif que leurs spécialistes sont en contact avec la municipalité afin d’évaluer les avenues possibles.
Qu’est-ce que ça veut dire, au Québec ?
Tout cela est inquiétant pour toutes les personnes préoccupées par l’environnement. Elle montre que les municipalités jouent un rôle de première ligne dans la protection de l’environnement. Une question se pose. Est-ce que les municipalités ont les ressources nécessaires pour préserver l’environnement et lutter aux changements climatiques ?
Le problème se pose moins au Québec où des initiatives sont prises afin que les ressources des municipalités s’arriment à leurs besoins environnementaux. Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a récemment souligné l’important rôle des villes dans ce secteur et le caractère limité de leurs ressources. Il l’a déclaré dans le cadre d’une consultation particulière sur la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028 du Québec. Cette consultation tenue du 31 janvier au 7 février 2023 abordait notamment la nécessité des appuis financiers du provincial aux villes lorsqu’il est question de protection des espaces naturels.
L’application de ces recommandations pourrait être décisive. Une municipalité du Québec pourrait se retrouver avec sa propre usine de sauce poisson abandonnée — ou tout autre enjeu environnemental d’importance.
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