Par Carolanne Boileau
Le 7 décembre dernier, la 15e Conférence des parties sur la biodiversité, plus communément appelée COP15, était officiellement lancée. Cette rencontre internationale organisée par les Nations Unies rassemble des gouvernements du monde entier.
Jusqu’au 19 décembre 2022, la COP15 s’invitait à Montréal, siège du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique. Les États ont profité de cette occasion pour définir de nouveaux objectifs et élaborer un plan d’action pour protéger la nature. Ce plan d’action sera mis en œuvre au cours de la prochaine décennie. Le but premier était surtout de mettre un terme à la perte de biodiversité, un enjeu extrêmement inquiétant pour les environnementalistes.
Le Collectif a eu la chance de recevoir en entrevue une étudiante et chercheuse présente sur place, Laura Fequino, du baccalauréat en études politiques appliquées à l’Université de Sherbrooke, pour discuter de son expérience en tant qu’observatrice.
Droits de la personne et biodiversité
Interrogée sur le fonctionnement de la COP15, Mme Fequino explique qu’il existe une multitude d’événements parallèles à ce que l’on présente dans les médias. Au-delà des grands discours des têtes dirigeantes et des négociations corsées, les conférences des Nations Unies sont également des tribunes pour les acteurs de la société civile, du milieu académique ou scientifique et du monde corporatif.
« Durant les discours et les négociations, il y a aussi des side events, des événements parallèles qui sont offerts par les États et les autres acteurs présents dans plusieurs salles du Palais des Congrès », dit-elle. La jeune femme s’est avouée surprise par son expérience. Celle qui croyait être marquée par les grandes envolées et les bras de fer s’est finalement avérée bien plus impressionnée par les conférences parallèles : « ce ne sont pas les grosses négociations ni les grands discours avec le logo de l’ONU derrière qui m’ont le plus marquée, ce sont vraiment les événements parallèles les plus marquants pour moi. »
Durant son séjour de deux semaines dans la grande métropole, la chercheuse a notamment pu assister à une conférence sur les droits de la personne. Cet événement s’est révélé être un coup de cœur pour la future politologue. Il est possible de s’interroger sur la pertinence d’aborder les droits de la personne dans une conférence où le sujet principal est la biodiversité, mais Mme Fequino explique que la biodiversité est un concept qui touche tous les êtres vivants, ce qui en fait un enjeu très vaste.
« En ce moment, les États négocient des cibles environnementales. Par exemple, l’objectif 30/30 qui prévoit de protéger 30 % du territoire mondial d’ici 2030 est certainement la cible dont on entend le plus parler », mentionne-t-elle. Elle ajoute toutefois que les populations locales de certains États sont plus inquiètes par rapport à cette cible puisque la réalisation de celle-ci pourrait avoir des répercussions importantes sur le terrain qui les abrite.
C’est le cas notamment de certains habitants du Myanmar, du Costa Rica ou de la Tanzanie, pour qui un tel objectif veut parfois dire se faire chasser de leurs territoires, et ce, sans toujours employer des moyens pacifiques. Ces témoignages mettent donc en lumière des réalités ignobles. Dans la quête de réalisation d’objectifs tels que la cible 30×30, plusieurs personnes sont tuées ou chassées de leur domicile. C’est pour cette raison que certains groupes qui sont confrontés à ce type de réalité dans leur pays organisent des événements pour rappeler que les cibles environnementales sont importantes, mais que celles-ci doivent être atteintes en respectant les droits de la personne.
Des États proactifs et des absents
Les gouvernements qui se sont rassemblés lors de la COP15 étaient présents pour discuter d’une problématique commune : le déclin de la biodiversité. Cependant, les réalités des différents acteurs viennent parfois compliquer les discussions. Ce qui a été le plus frappant aux yeux de Laura Fequino est certainement le clivage entre les pays du nord et du sud.
« Le clivage nord-sud est énormément présent dans les négociations. Lorsqu’on dit que les pays avec des réalités similaires votent en bloc, eh bien, c’est plutôt vrai. Le nerf de la guerre en ce moment c’est l’argent. Du côté des pays du nord, on possède des ressources financières et technologiques pour contrer le problème, mais les pays du sud n’ont pas la même réalité. C’est comme si les pays du sud faisaient front commun — relativement homogène, quoi que pas complètement — contre les pays du nord, ils veulent protéger la biodiversité, mais n’ont pas de ressources », explique la jeune chercheuse. Selon elle, la dynamique est intense à l’intérieur des salles de négociations.
En abordant l’enjeu financier, Mme Fequino en a profité pour partager un constat important : les États-Unis sont plutôt absents. Cette attitude inhabituelle — puisque nous connaissons les États-Unis comme acteur dominant sur la scène internationale — s’explique par le fait qu’ils n’ont pas ratifié la convention sur la biodiversité. La puissance économique mondiale est donc présente à titre d’observatrice, ce qui lui permet de s’exprimer, mais pas de voter. Pour l’étudiante, c’est un « drôle de paradoxe, car on parle de financement sans arrêt, mais les États-Unis ne sont pas tout à fait là ».
Sur une note plus positive, Mme Fequino affirme qu’elle a tout de même été agréablement surprise par le travail de plusieurs États, comme le Québec et le Mexique. « Le Mexique se démarque beaucoup. Ils sont toujours très concrets dans leurs discours et sont bien préparés », contrairement à certains pays qui s’éternisent dans de longues envolées sans trop de contenu. Bien qu’elle n’ait pas pu voir tous les pays négocier — ils sont tout de même 196 — elle a été impressionnée par l’une des déléguées du Mexique. « C’est une femme incroyable, c’est vraiment rare que des négociateurs viennent aux événements parallèles et elle a pris le temps de le faire », conclut-elle.
Crédit image @Laura Fequino