Lun. Mar 25th, 2024

Par Gabriel Martin 

Au début des années 1960, Monique Béchard a donné des cours à l’Université de Sherbrooke à la demande de son fondateur, Maurice O’Bready. Elle était ainsi la première professeure de l’histoire de notre établissement. Le Collectif reproduit ici un texte publié dans Le Devoir par Gabriel Martin, étudiant à l’Université, pour rendre hommage à cette Estrienne d’adoption. 

Le 24 juillet dernier, une grande Québécoise est décédée à l’approche de son centenaire. Femme brillante, aux yeux et à l’esprit rieurs, Monique Béchard était la première Canadienne française de toute l’histoire à obtenir un doctorat en psychologie. 

Un parcours inspirant 

À l’aube des années 1950, elle prenait la plume pour défendre publiquement la vocation intellectuelle des femmes, alors déniée par la mentalité ambiante au Québec. Soutenue en secret par quelques membres du clergé, la jeune citoyenne s’était frottée à l’acrimonie de figures influentes. Elle avait notamment essuyé les rebuffades de l’abbé Albert Tessier, le grand chantre des « Écoles du bonheur », ces établissements où l’on apprenait aux femmes à devenir « reines du foyer », c’est-à-dire épouses, mères et ménagères non salariées. 

Bravant les courants adverses, Monique Béchard a ouvert la voie à toute une génération de femmes, à la fois par son exemple personnel et par ses écrits. Ne se voyant ni comme une guerrière ni comme une pourfendeuse, cette intellectuelle voulait instiller, selon ses propres confidences, un peu de rationalité et de réalisme au sein de débats qu’elle trouvait déraisonnés et délétères. Sans rejeter en bloc le mariage, la maternité ou la domesticité, elle croyait que les femmes pouvaient aussi s’épanouir dans d’autres sphères d’activités, nommément au sein du milieu universitaire. 

Être «femme» 

Contrairement à ce qu’on a pu dire, insistait-elle à préciser, elle ne s’opposait pas tant aux penseurs chrétiens, dont elle partageait les affinités spirituelles, mais elle estimait cependant qu’ils mettaient trop l’accent sur certaines vocations prétendument naturelles de « la femme » au mépris des préférences personnelles de chacune. La psychologue avait bien compris, des décennies avant que l’idée ne devienne commune, qu’il n’existe pas une féminité immuable et unique, mais bien une diversité de manières légitimes d’être femmes. 

Sans l’ombre d’un doute, Monique Béchard a contribué à modifier le discours collectif sur les rôles sociaux des femmes. Son legs culturel ne saurait être occulté des mémoires sans porter préjudice à l’équité historique. 

Du reste, il s’agissait d’une femme éminemment sympathique qui mérite aussi d’être retenue à ce titre, la grandeur d’une personne se mesurant aussi bien par son attitude dans la banalité du quotidien que par l’empreinte qu’elle a laissée sur sa société. 


Crédit image @A babord

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