Opinion/ C’est ben rare — en fait, ça n’arrive jamais — que je donne mon opinion sur la place publique. Je suis plus du genre à rouler des yeux en lisant les commentaires plus ou moins réfléchis des gens sous les articles de Radio-Canada, TVA ou même Le Devoir, à soupirer chaque fois que je vois un spotted complotiste défiler sur mon fil d’actualité Facebook et à supprimer de mes amis les personnes qui partagent des opinions trop farfelues à mon goût sur les réseaux sociaux. Parce que t’sais, j’essaie quand même de garder un semblant d’espoir en l’humanité. Mais là, je ressentais le besoin d’extérioriser la montagne russe d’émotions que je vis depuis quelques semaines, parce que quand c’est trop, c’est trop.
Par Mireille Vachon
Juste pour qu’on soit sur la même longueur d’onde, je me permets d’ouvrir une parenthèse pour présenter quelques exemples des commentaires « plus ou moins réfléchis » dont je parle.
« Ont va au moin avoir la paix pour 10 jours faut voir le positif 😆🤷♂️🤣 », écrit un internaute en réponse à un article qui annonce que le premier ministre François Legault se placera en isolement et subira le test de la COVID-19… Parle-moi de ça, un éternel optimiste de la sorte !
« C’est une mise en scène ! Ils nous prennent vraiment pour des valises », peut-on lire un peu plus bas, juste avant « Moi les vedettes contanimées [Notons ici l’usage du participe passé employé seul du verbe “contanimer”, rien de moins] au Covid ca sent la frime comme tout le reste. Tom Hanks était positif alors qu’il n’y avait que quelques cas dans le monde. Ca sent hollywood a plein nez », s’insurge un autre internaute, comme si les gouvernements du monde entier étaient en train de réaliser la prochaine comédie dramatique qui sera jouée en première du Festival de Cannes 2021…
Au moins, comme elle arrive à sentir « la frime » et « hollywood a plein nez », cette personne a clairement un odorat fonctionnel, et donc, pas de coronavirus.
On parle également de « distansociation sociale », de « merdias » et de « journaleux », tout comme on suggère que M. Legault « devrait plutôt se placer en détention ».
Bon, ça suffit le masochisme, fin de la parenthèse.
Évidemment, je ne considère pas que je suis parfaite dans l’application des mesures recommandées par la santé publique. Oui, je l’avoue, j’ai souvent vu quelques amies proches à moins de deux mètres de distance autour d’un bon souper et de quelques bières, même si on vient de foyers différents. Oui, je l’avoue, j’ai visité quelques fois ma famille qui n’habite même pas dans la même région que moi. Oui, je l’avoue, j’ai aussi vu ma grand-mère à l’occasion, même si elle est âgée de plus de 70 ans.
Mais non, je ne suis pas allée dans des partys de plus de dix personnes. Je n’ai pas été à des dates Tinder avec des inconnus chaque semaine. J’ai porté mon masque, lavé mes mains chaque fois que je revenais chez moi ou que j’entrais quelque part et essayé de limiter mon cercle d’amies à environ cinq personnes en lesquelles j’ai confiance, puisqu’elles respectent tout comme moi les règles du mieux possible.
La COVID-19, le SARS-CoV-2, le coronavirus, bref ce virus qui ressemble à la grippe, dont on ne sait pas grand-chose, et qui bouleverse le quotidien de littéralement tout le monde sur la planète depuis le début de l’année, avait toujours été un peu abstrait pour moi puisque je ne connaissais personne dans mon entourage à avoir contracté la COVID-19… jusqu’à ce que j’en connaisse une : l’amie d’une amie, avec qui j’avais été en contact quelques jours avant. Fuck.
C’est à ce moment que tu commences à te jouer en boucle tous les moments passés avec l’amie de l’amie infectée, alors que tu ne sais même pas encore si ton amie est positive. « Merde, j’ai picossé dans ses frites l’autre soir au restaurant. » « Oh non, j’pense qu’elle a postillonné en racontant son histoire la dernière fois que je l’ai vue. » « J’ai eu un petit mal de gorge la semaine passée, est-ce que c’était la COVID ? »
Des questions, c’est facile de s’en poser à l’infini. Je confirme que penser à ça pendant une nuit complète, c’est long longtemps, et ça donne le goût de se défouler en écrivant une chronique du genre (merci, insomnie).
Parce que même si je suis en pleine santé, que je n’ai pratiquement aucune chance de mourir de la COVID-19, c’est stressant quand même, ce p’tit virus-là. Oui, pour ma santé et celle de mes proches, mais aussi pour tout ce que ça engendre. Le confinement, manquer des cours, vouloir mourir à cause des symptômes full intenses (ou pas, ça dépend), le jugement des autres, la culpabilité ressentie si tu le donnes à quelqu’un… l’inconnu, tout simplement.
Je m’ennuie presque du temps où la chanson Il est où le bonheur de Christophe Maé jouait constamment sur toutes les stations de radio, parce qu’en ce moment, lorsqu’on regarde certaines personnes, on se demande plutôt Il est où le respect, il est où. Bien sûr, je ne veux pas généraliser : j’en ai vu des gens coopératifs et respectueux des consignes, qui prennent la pandémie au sérieux et qui font tout en leur pouvoir pour ne pas provoquer cette « deuxième vague », qui est d’ailleurs officiellement commencée depuis le lundi 21 septembre, selon le Dr Horracio Arruda (yeah!).
Mais j’ai aussi vu des personnes se foutre carrément des mesures sanitaires, et « vivre leur best life » comme si tout était normal. J’en ai même vu contracter le virus, et « vivre leur best life » PAREIL, en allant au cinéparc par exemple (ouioui, fait vécu). C’est sans parler de certains voisins qui se font des 5@tard tous les jeudis depuis le début de la session, et au bruit que ça fait, clairement, ils dépassent le nombre maximal de personnes autorisées dans un lieu intérieur.
Je n’ai pas la prétention de vouloir changer le monde avec ce texte, mais c’est dit, et ça m’a fait du bien. Le gouvernement ne nous demande pas la mer à boire : porte le masque, que tu sois d’accord ou pas. Lave tes mains. Reste chez toi si tu ne feels pas. Tiens-toi loin du monde autant que possible, lave ton bureau à l’Uni avant de t’installer pis assieds-toi pas dans les sièges « interdits », même si t’as une envie brûlante d’être à côté de ton ami.
Sur ce, ça va bien aller qui disent, mais pour ça, on a besoin des efforts de tout un chacun si on veut s’en sortir un jour, et si on veut terminer la session en présentiel, ou du moins, l’étirer le plus longtemps possible.