Par Dorian Paterne Mouketou
Le 8 juin 2018 dernier, Me François Coriveau tenait une conférence au Carrefour de l’information sur la vulnérabilité accrue de la communauté étudiante internationale sous permis d’études. Invité par le Regroupement des étudiants à la maitrise et au doctorat de l’Université de Sherbrooke (REMDUS), l’avocat des associations étudiantes venait faire état de la situation. Le Collectif a interrogé William Leclerc-Bellavance, président du REMDUS, sur les réalités de ces étudiantes et étudiants étrangers.
Les causes de la vulnérabilité
Le flou juridique du statut d’un étudiant international peut être facteur de vulnérabilité. Toutefois, il y a bien plus important. « La principale cause [de la vulnérabilité] est l’investissement que fait l’étudiant dans son projet d’études », lance d’emblée Me François Coriveau. « L’investissement, c’est l’apport que fait l’étudiant dans son projet, que ce soit en temps ou en argent. » Il faut tenir compte des coûts de déplacement, notamment en ce qui a trait au transport en région ou aux coûts de délocalisation qui impliquent des coûts de logement.
Les frais de scolarité figurent parmi les obstacles rencontrés par les étudiants internationaux. En effet, au 1er cycle, un trimestre d’études à temps complet de 15 crédits coûte entre 8 580 $ et 9 538 $. Les frais de scolarité diffèrent selon le secteur d’études. Dans les secteurs de la médecine, des arts, des sciences pures et appliquées, les frais peuvent s’élever à 9 538 $. Dans tous les autres secteurs, les frais peuvent s’élever à 8 580 $.
Pour les étudiants qui ont une famille, les monoparentaux ou ceux qui font un retour aux études, il est plus difficile d’assumer les frais de soutenance de la famille. Il y a donc « le risque que le projet d’études n’aboutisse pas. » Me Corriveau note également cette vulnérabilité dans les modalités d’exclusion pour les étudiants internationaux. « Il y a une part d’arbitraire dans l’évaluation des étudiants », ajoute-t-il.
Un sondage révélateur
Le REMDUS a réalisé dernièrement une consultation auprès de ses membres, à laquelle plus de 800 de ceux-ci ont répondu. Les étudiants internationaux représentaient environ 20 % des membres à répondre à cette étude. « En général, ce qui nous a quand même surpris, parce qu’on s’attendait à autre chose, c’est qu’il n’y a pas de différence significative pour la plupart des enjeux », note William Leclerc-Bellavance. « Qu’on parle de problématique de logement, de harcèlement sexuel ou psychologique, de problème d’encadrement, de longueur des études… Il n’y a pas de différence significative entre les étudiants internationaux et les étudiants québécois. »
William précise que la moitié des étudiants internationaux de l’Université de Sherbrooke viennent de la France et de la Belgique. « Eux autres n’ont pas les mêmes frais de scolarité, ils ont [quelquefois] une culture un peu plus proche de la culture québécoise. » Il n’y a pas de grands changements si l’on retire du lot ces deux groupes pour la plupart des enjeux. Toutefois, on note une différence significative entre les étudiants nationaux et les autres étudiants internationaux non français et non belges en ce qui concerne l’enjeu du harcèlement psychologique. En effet, 14,5 % des étudiants internationaux disent avoir vécu du harcèlement psychologique versus 8,2 % des étudiants québécois. « Ce qui a été surprenant, pour ce qui est du problème d’encadrement, c’est l’inverse. Ce sont les étudiants québécois qui ont significativement plus de problèmes que les étudiants internationaux. »
Le REMDUS n’a pas de réponse précise pour répondre à cette différence. Toutefois, William précise que les étudiants internationaux bénéficient, du fait même de leur statut en arrivant, des séances d’encadrement d’accueil. Ils se sentent plus soutenus par leur direction de recherche. « C’est une bonne mesure qui a été faite pour les étudiants internationaux, mais qui pourrait aussi être fait pour l’ensemble de la population », ajoute-t-il.
Quand crainte se conjugue avec études
William stipule que « même si les règles sont généralement les mêmes pour tout le monde, il y a une crainte supplémentaire à avoir par les étudiants internationaux dû à tout qui est aspect financier et à tous les sacrifices qu’ils ont à faire pour compléter leur diplôme. » Les étudiants étrangers ne peuvent pas risquer de se mettre dans une situation qui pourrait compromettre leur diplomation. « Même si tu es victime d’une injustice, tu as peur de la dénoncer, parce que tu ne sais pas c’est quoi les répercussions que ça peut avoir sur toi. Et même si les politiques sont de ton côté et qu’on a des ressources pour aider, il y a toujours cette crainte-là », dit-il.
Il y a donc plusieurs personnes qui choisissent de se taire plutôt que de faire valoir leurs droits. « Ce qu’on voit, c’est qu’une fois que leur diplôme est acquis, les personnes reviennent nous voir… comme ça, ils ont moins peur des répercussions », nous raconte William. Les étudiants internationaux veulent dénoncer pour que les mêmes situations n’arrivent pas aux autres. Même si le REMDUS ne dispose pas de données chiffrées sur la proportion des plaintes des étudiants internationaux versus les nationaux, William soutient que depuis qu’il est au regroupement étudiant, on peut estimer que les étrangers ont beaucoup plus de plaintes.
Votre association étudiante est là pour vous
Le cadre juridique des étudiants internationaux, par les règlements des études de l’Université de Sherbrooke, est clair selon William Leclerc-Bellavance. Le REMDUS soutient tout de même les étudiants nationaux et internationaux par quatre niveaux d’aide. Le premier est d’informer ses membres sur leurs droits étudiants. Le deuxième est un service de conseils mis en place pour l’ensemble de la communauté étudiante de deuxième et troisième cycle. Le troisième niveau est l’accompagnement, en cas de litige entre étudiants et directeurs de recherche. Enfin, le dernier niveau d’aide est la représentation, lorsque le REMDUS doit intervenir dans un conflit et parler au nom de l’étudiant concerné.
Aussi, le REMDUS offre un soutien à ses membres même une fois qu’ils ont obtenu leur diplôme.