Aider les personnes étudiantes… sans donner un chèque 

Par Victor Dionne 

Depuis début décembre, le gouvernement du Québec a commencé à distribuer des chèques à 6,5 millions de contribuables afin de lutter contre l’inflation. Les personnes qui ont un revenu net annuel de 50000 $ ou moins recevront un montant de 600 $, tandis que celles gagnant entre 50000 $ et 100000 $ vont obtenir un montant minimal de 400 $. «La mesure est simple, efficace et permettra aux Québécois de faire face à la hausse du coût de la vie, notamment», a affirmé le ministre des Finances, Eric Girard. Puisque la majorité des membres de la communauté étudiante travaillent à temps partiel dans des emplois dits «étudiants», ils et elles devraient obtenir ce «cadeau» prochainement.  

Évidemment, un chèque de 600 $, ça fait plaisir à tout le monde. Cependant, d’après les trois partis d’opposition, le gouvernement a complètement « raté sa cible ». Les députés péquistes des Îles-de-la-Madeleine et de Matane-Matapédia, Joël Arseneau et Pascal Bérubé, ont même déclaré en point de presse qu’il s’agissait d’un « gaspillage de fonds publics » et d’une « opération électorale ».  

La communauté étudiante est l’une des plus touchées par la précarité financière. Bien qu’un chèque permette ponctuellement un léger répit au portefeuille, d’autres moyens pourraient être plus efficaces pour réduire la pression du coût de la vie sur les personnes étudiantes à long terme. En voici quelques-uns. 

L’aide financière aux études 

En novembre, lorsqu’il a dévoilé son Énoncé économique de l’automne de 2022, le gouvernement fédéral a pris la décision de supprimer définitivement les intérêts sur les prêts étudiants. Il s’agit d’une forme de renouvellement de la mesure offerte aux personnes étudiantes durant la pandémie, qui prenait fin le 31 mars 2023. D’après Ottawa, l’individu emprunteur pourrait économiser en moyenne 410 $ par année avec cette mesure.  

Toutefois, les étudiantes québécoises et les étudiants québécois ne sont pas touchés par cette nouvelle réglementation. Le gouvernement provincial administre lui-même son régime d’aide financière aux études. La compétence de l’éducation relève de Québec. Ainsi, il pourrait s’aligner avec le fédéral et offrir à sa population étudiante un allégement économique semblable.  

L’annulation des intérêts sur les dettes étudiantes coûterait 2,7 milliards de dollars approximativement sur cinq ans au fédéral, pour ensuite revenir à 556,3 millions de dollars annuellement. Bien entendu, la facture serait moins élevée à Québec. D’autant plus que le gouvernement Trudeau propose de verser une compensation financière si la Belle province décide d’y aller dans le même sens. La communauté étudiante québécoise en aurait déjà moins sur les épaules.  

Le loyer 

La crise du logement et les hausses de loyer abusives n’épargnent certainement pas les personnes étudiantes. Menant un mode de vie plus propice à l’instabilité, elles sont aux premières loges de ces problèmes. À plus forte raison, la situation à Sherbrooke n’est guère mieux qu’ailleurs. Selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le taux d’inoccupation dans la plus grande ville de l’Estrie est tombé à 0,9 % en 2021. De plus, l’enquête PHARE 2021 réalisée par l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) révélait une augmentation du loyer personnel moyen d’une personne étudiante de 17,2 % entre 2017 et 2021 dans la province. À Sherbrooke, ce pourcentage s’élève à 19,9 %.  

Le 2 décembre, Québec solidaire (QS) proposait au gouvernement Legault de plafonner les hausses de loyers. « Il faut plafonner les hausses des loyers. Le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard s’apprête à le faire, et l’Ontario l’a déjà fait, on peut le faire ici au Québec. Ça peut se faire facilement en rendant l’indice de fixation des loyers, qui est calculé chaque année par le TAL (tribunal administratif du logement) », soulignait le responsable de QS en matière de Logement, Andrés Fontecilla, en point de presse. Cette mesure permettrait d’encadrer la flambée des prix des loyers et arrêterait les spéculateurs.  

Si Québec décrétait une réglementation de ce type, les personnes étudiantes seraient moins étouffées par le coût de leur loyer. Le PHARE 2021 rappelle que 48 % des locataires qui sont aux études à Sherbrooke octroient plus de 30 % de leur revenu annuel au paiement de leur loyer, les plaçant directement en situation de précarité financière.  

Le salaire minimum 

« Honnêtement, il est difficile d’arriver avec 18 $ l’heure », lançait le premier ministre François Legault à l’Assemblée nationale, plus tôt en décembre. Même s’il reconnaît qu’il peut être difficile d’arriver même avec un salaire au-dessus du salaire minimum, il ne compte pas augmenter ce dernier.  

En mai 2022, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) établissait que pour « vivre dignement et hors pauvreté » à Sherbrooke, il fallait gagner 26 000 $ par année. Avec un salaire minimum à 14,25 $ l’heure, et lorsque l’on travaille à temps partiel, il est impossible d’atteindre ce montant. Radio-Canada rapportait que l’institut considère que le salaire minimum devrait au moins être à 18 $ l’heure. Un grand nombre de personnes étudiantes travaillent dans un emploi où la rémunération est moindre.  

Alors, encore une fois, pourquoi ne pas les aider à passer à travers la hausse du coût de la vie ? Un chèque de 600 $, c’est bien, mais au bout de quelques épiceries, il va disparaître. Éliminer les intérêts sur les prêts étudiants, s’assurer d’éviter des hausses excessives de loyers et permettre aux personnes étudiantes d’obtenir un salaire décent… Ces mesures, elles ne disparaîtraient pas. 


Crédit image @Toa Heftiba

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