The Zone of interest ou la banalité du mal 

Par Gabrielle Lareau  

OPINION/À l’affiche à La Maison du cinéma se trouve le dernier film de Jonathan Glazer The Zone of interest. De retour après 10 ans d’absence, le réalisateur anglais nous revient avec une proposition qui enchante la critique, mais divise le grand public.  

The Zone of interest peint un tableau en apparence ordinaire et presque idyllique de la vie quotidienne d’une famille. Le mari part vaquer à ses occupations professionnelles, pendant que la femme prend soin des enfants, ces derniers grandissant et jouant dans le vaste jardin de leur demeure. Ce portrait n’aurait pas grand intérêt s’il n’y avait pas un détail : leur petit coin de paradis est situé juste à côté du camp de concentration d’Auschwitz, dans lequel le père travaille en tant que directeur du site.  

La représentation de la Shoah  

Adapté du roman de Martin Amis, le film perturbe l’auditoire, et avec raison. De la musique à la mise en scène, en passant par le travail sonore, chaque élément est pensé pour créer une expérience, certes déroutante, mais ô combien fascinante à découvrir.  

Si de nombreux grands films ont abordé la question de l’holocauste et des camps de concentration, aucun ne l’avait fait de cette manière auparavant. Vous ne serez jamais confrontés à une seule image des horreurs d’Auschwitz ; vous percevrez cette dure réalité uniquement à travers le son des cheminées de crémations qui grondent, des cris de prisonniers et des échos de coups de fusil, tandis que nos protagonistes vivent paisiblement leur quotidien. La question de la représentation de la Shoah au cinéma n’est pas nouvelle. Jusqu’où peut-on aller dans la présentation de ces atrocités sans sombrer dans le sensationnalisme? Pourtant il faut en parler, il faut montrer : il s’agit là d’un devoir de mémoire. Avec ce film, Glazer parvient à trouver un équilibre inédit qui plonge le spectateur au cœur même des camps de manière saisissante. 

S’ouvrir au déroutant 

C’est un film déroutant, certes, et je crois qu’une bonne partie du grand public ne sera pas réceptif à son visionnement. On peut en effet lui reprocher une certaine répétitivité et un manque d’enjeu dramatique qui peut facilement ennuyer. Mais je suis également convaincu que c’est un film exceptionnel, méritant qu’on s’y attarde et qu’on prenne le temps de saisir son message. Et puis, ce film vaut le détour rien que pour ses 10 dernières minutes. J’ai encore en mémoire le hoquet de surprise collectif partagé par la salle lors de ma séance. C’était inattendu, et pourtant incroyablement évident et pertinent avec ce que l’histoire cherche à raconter. Un grand moment de cinéma dont je me souviendrais longtemps.  

The Zone of interest a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes en 2023 et est actuellement sélectionné aux oscars dans cinq catégories, dont celle du meilleur film. Le film est toujours à l’affiche à La Maison du cinéma, c’est le moment ou jamais de visionner ce qui deviendra, j’en suis certaine, un classique du cinéma dans quelques années. 

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