Par Alexandre Leclerc
Le Collectif a la chance de pouvoir couvrir le festival de film de Sundance, l’un des plus gros festivals de cinéma indépendant au monde. Chaque année, c’est plus d’une centaine de films qui y font leur première, souvent plusieurs mois avant leur sortie en salle. Fondé en 1978, il a su au fil des années faire connaître plusieurs films aujourd’hui considérés comme des classiques, comme Whiplash, Little Miss Sunshine et Reservoir Dogs. Cette année encore, la programmation comporte plusieurs longs métrages. Le festival est tenu du 23 janvier au 2 février et nous vous présentons brièvement quelques-uns des films qui méritent votre attention.
Minari (Lee Isaac Chung)
Le nouveau film du studio A24 (Moonlight, Lady Bird, Room) est assurément devenu le favori du public depuis le début du festival. Une jeune famille sud-coréenne quitte la Californie pour s’établir sur une ferme de l’Arkansas au début des années 1980 et tente d’accéder au fameux rêve américain. La force de Minari est d’allier à perfection la comédie et le drame, avec des performances exceptionnelles de Steven Yeun (The Walking Dead, Burning), Yuh Jung Youn et surtout du jeune Alan S. Kim, qui en est à un premier rôle en carrière. Son ambiance fait beaucoup penser à Shoplifters, palme d’or à Cannes en 2018. Le réalisateur fait un excellent travail de filmer sobrement les déboires de la famille, mais surtout la relation touchante entre le plus jeune des enfants et sa grand-mère. Le dernier acte est tout simplement poignant. On a droit cette année encore à du cinéma asiatique de très grande qualité, et on ne peut que se réjouir de ce phénomène. Pour l’instant, le film n’a pas de date de sortie officielle, mais il se retrouvera assurément sur nos écrans au cours de l’année.
Never Rarely Sometimes Always (Eliza Hittman)
La réalisatrice revient en force à Sundance cette année après avoir remporté le prix de la meilleure réalisation en 2017 pour Beach Rats. Avec son nouveau long métrage, elle plonge au cœur d’un sujet très dur, spécialement aux États-Unis : l’avortement, mais surtout la bureaucratie qui l’entoure. On suit Autumn (Sidney Flanigan), enceinte à 17 ans, et sa cousine Skylar (Talia Ryder), d’une petite ville de Pennsylvanie. Ensemble, elles quittent pour New York, puisque c’est l’un des seuls états américains qui permettent l’avortement d’une mineure sans le consentement des parents. Le film dépeint de brillante façon les difficiles démarches de cette procédure, avec en trame de fond ce que signifie être une jeune femme dans l’Amérique d’aujourd’hui. Dans ce film, les silences sont plus criants que n’importe quel dialogue. La scène qui donne au film son titre est également l’un des plus durs moments du cinéma des dernières années. Le Québécois Théodore Pellerin, qui avait déjà collaboré avec Hittman, offre aussi une très bonne performance. Sa carrière semble prendre peu à peu son envol, après avoir joué dans Chien de garde, Boy, et Erased. Le film a tout récemment été sélectionné à la prestigieuse Berlinale, et il doit prendre l’affiche au début du mois de mars.
Dick Johnson is Dead (Kirsten Johnson)
La documentariste connue pour l’excellent Cameraperson revient en force cette année avec un projet très personnel. Son père, Richard Johnson, psychiatre réputé de Seattle, est atteint de la maladie d’Alzheimer. Elle tente ainsi d’immortaliser, de la façon la plus originale qui soit, son père. Elle le « tue » en effet à plusieurs reprises en créant de fausses situations qui pourraient mettre fin à sa vie. C’est un documentaire très touchant sur la vie, la mort, la famille et le deuil. Ce sujet n’est pas pour tous, mais Johnson fait un excellent travail de dédramatisation de la mort, tout en essayant de rendre moins tabou ce sujet. Dick Johnson est un être humain incroyable, et un sujet de prédilection pour ce type de documentaire. Aucune date de sortie n’est prévue pour l’instant, mais le film sera distribué par Netflix.
Palm Springs (Max Barbakow)
Alors qu’il peut sembler étrange qu’une comédie mettant en vedette Andy Samberg puisse être du calibre de Sundance, cette comédie rafraichissante est plus originale qu’il n’y parait. Reprenant (encore une fois) le concept de Groundhog Day, on suit Nyles (Samberg) alors qu’il revit la même journée encore et encore, jusqu’au jour où Sarah (Cristin Milioti) est elle aussi touchée par ce continuum temporel. Les deux tentent de tirer profit de leur situation qui semble inévitable. Le film aurait aisément pu tomber dans le spectre des comédies classiques, mais il se veut également une belle réflexion sur le sens de la vie, tout en sachant offrir un humour de qualité et (étonnamment) à plusieurs surprises. J.K. Simmons offre aussi une très bonne performance, bien que son rôle soit plus effacé. Le film a été acheté au cours du festival par Netflix, vous pourrez donc le voir sur vos écrans d’ici peu.
Plusieurs autres excellents films
Il est difficile de jeter sur papier tous les bons films présentés à Sundance cette année. Au moment d’écrire ces lignes, le festival n’est toujours pas terminé, alors d’autres films pourraient s’avérer être d’excellents projets. Nous vous proposerons ainsi en terminant quelques autres films à surveiller au cours de la prochaine année. Charm City Kings (Angel Manuel Soto, produit par Will Smith et Barry Jenkins) nous plonge au cœur de Baltimore et de ses courses de motos. On y voit plusieurs parallèles intéressants avec la série à succès The Wire. Boys State (Amanda McBaine & Jesse Moss) retrace la fameuse simulation électorale des États-Unis. On y suit plusieurs jeunes alors qu’ils tentent d’être élus au poste fictif de gouverneur du pays, dans un documentaire qui en dit long sur la division politique qui y règne en ce moment même. Dinner in America (Adam Rehmeier) suit la relation d’un punk et d’une jeune femme dans leurs aventures révolutionnaires à travers le midwest américain.
Si vous souhaitez une couverture plus complète du festival et des films qui y sont présentés, nous vous invitons à écouter Ciné-histoire sur les ondes de CFAK 88,3 FM le mardi 11 février à 11 h 30.
Nous tenons à remercier le soutien financier de Projet Milieu, ainsi que CFAK et Le Collectif, qui rendent cette couverture possible.
Crédit Photo @ Sundance Institute