Cette édition, Qu’est-ce qu’on lit ce soir? a pris le chemin du Salon du livre. Nos journalistes vous recommandent cette semaine les œuvres littéraires qui ont marqué leur visite dans cet évènement sherbrookois de renom. Pas de panique, ce sont tous des livres que vous pouvez retrouver en librairie.
Granby au passé simple, Akim Gagnon
Par Nicolas Jacques
Je me promène, nez dans les airs, à la recherche de mon père et de mon frère. Je viens de rencontrer une vieille amie du secondaire et du cégep avec laquelle j’ai fait mes études en Arts et lettres et j’ai le sourire aux lèvres. Je réalise que ça fait longtemps que je n’ai pas pris le temps d’avoir une discussion sensée, avec quelqu’un qui importe à mes yeux, sans ressentir le devoir d’être alcoolisé dans un 5 à 8 ou dans un de ces nombreux bars non loin de l’université. À ma droite se déroule une conférence. Sur scène se dresse Patrick Nicol, mais aussi Akim Gagnon, dont le livre Le cigare au bord des lèvres m’avait fait rire à chaudes larmes l’été dernier. Il m’a fait verser quelques larmes aussi, mais ces dernières étaient un peu plus frisquettes, disons-le ainsi. Lorsque la conférence tire à sa fin, l’animateur annonce qu’une séance de dédicaces sera lancée au kiosque qui représente la maison d’édition La Mèche et ce, dans quelques instants. Je prends mon courage à deux mains et lance :
- « Désolé de vous interrompre M. Gagnon, mais à quelle heure débute-t-elle, cette fameuse séance? ».
- « Bin, ça peut être live, si tu veux! ».
- « Bon bin, je te prendrais ton deuxième livre, Granby au passé simple, pis une dédicace, si ça te dérange pas! »
À ta sensibilité, ton humilité et ton authenticité, autant en vrai que par écrit, je dis merci.
Si ta lecture m’a permis de normaliser des pans de mon vécu cet été, ta rencontre m’a donné le courage de leur tourner la page.
Yogi Stripper, Marie-Claude Renaud
Par Sarah Baril-Bergeron
Yoga, travail du sexe et drogues psychédéliques, voilà ce qu’annonce la 4e de couverture de Yogi Stripper, le roman autobiographique de Marie-Claude Renaud. Dans cette œuvre, l’auteure nous livre sans gêne son propre parcours de vie plutôt atypique. Qu’elle nous raconte ses bons coups ou ses mauvais, cela est toujours fait d’une manière extrêmement honnête. On se croirait tout juste en facetime avec elle. La narration est comique, et la narratrice, attachante. Elle ne s’embarrasse pas de grands mots et de métaphores filées pour rendre son récit. Malgré tout, dans la légèreté de la plume se retrouvent des thématiques lourdes de sens comme les troubles alimentaires, la santé sexuelle, l’avortement et les idées suicidaires. Elle aborde entre autres ses nombreux échecs amoureux, ses multiples voyages à l’autre bout du monde ainsi que la misogynie mal dissimulée de son père. La voix est engageante, le rythme est parfait, il est difficile de poser le roman. L’auteure se met à nue dans ce livre comme dans sa vie et cela culmine en une œuvre sans tabou, solidement ancrée dans le réel. Un bonbon de lecture.
Comédie sentimentale pornographique, Jimmy Beaulieu
Par Sarah Baril-Bergeron
Je dois avouer, je ne suis pas une grande adepte des bandes dessinées. Je suis plutôt néophyte dans le domaine. Mais quand mon amie m’a prêté Comédie sentimentale pornographique, de Jimmy Beaulieu, je n’ai pas su résister. Son style sketch à la main et ses couleurs froides m’ont tout de suite fait tomber sous le charme. Il s’agit d’une œuvre intermédiale présentant de nombreux personnages trentenaires se questionnant sur divers sujets. Ces derniers concernent entre autres la religion, la culture de consommation, l’amitié, l’amour. À l’aide de plusieurs mises en abyme et d’un fil narratif éclaté, l’auteur nous livre un récit sensible où la liberté sexuelle se voit détabouisée. Comédie sentimentale pornographique est évidemment une œuvre pour adultes, cependant il n’y a pas un seul moment où j’ai senti que les images étaient vulgaires ou déplacées. Au contraire, j’ai plutôt trouvé qu’elles servent le propos. Enfin, la narration le mentionne d’elle-même : « C’est pas que je revendique un art amoral ou irresponsable, mais j’ai pas l’impression de mettre en scène des idiotes, et j’ai jamais vu le sexe comme quelque chose de “réducteur”. J’ai pas l’impression de dire à qui que ce soit ce qu’il ou elle devrait être, faire ou penser. Moi, j’écris des lettres d’amour » (p. 257-258). Je peux maintenant dire que d’autres bandes dessinées iront sans aucun doute rejoindre ma pile à lire.
Le prince charmant est une ordure, Laurent Chabin
Par Alexia Gagnon-Tremblay
La fin de semaine dernière, j’ai décidé de me rendre au Salon du livre de l’Estrie avec ma famille. Je m’étais donné un seul défi : repartir avec une lecture qui me sortirait de ma zone de confort habituellement constituée de romances prévisibles (je l’admets) et de recueils féministes. Je voulais m’éloigner de tout ça. Après quelques minutes de flânage au Centre de foires de Sherbrooke, j’ai été interpelée par la couverture du roman Le prince charmant est une ordure. La quatrième de couverture annonçait un roman « noir, à l’image du monde faux, cynique et violent qu’il décrit ». Voilà! Rien à voir avec mes habitudes littéraires, rien à voir avec Nicholas Sparks. Je me suis donc procuré le livre en question. Mon premier constat en le lisant est que l’histoire ressemble énormément à celle de l’émission Fugueuse qui traitait des revers du proxénétisme et de la prostitution. Toutefois, l’auteur sort des terrains battus en positionnant deux personnes vivant en situation d’itinérance au rôle de narrateurs. Ces derniers abordent les raisons qui les ont menées où ils en sont par le biais d’analepses qui s’imbriquent au fur et à mesure que progresse le récit. Bien honnêtement, je ne suis pas certaine de retrouver autant que je l’aurais souhaité la noirceur annoncée qui avait attiré mon attention initialement. Toutefois, plus j’avance dans ma lecture et plus je note les attraits de cette dernière. Par exemple, le récit se lit très bien et ne déborde pas de détails qui alourdiraient inutilement l’œuvre. Bref, je recommande cette œuvre à quelqu’un qui se sentirait interpelé par les thèmes qui y sont abordés et qui se chercherait une lecture courte en cette mi-session pouvant être chargée.