Par Alexandre Leclerc
Renée Zellweger a été passablement discrète ces dernières années. Si l’on exclut Bridget Jones’s Baby (le troisième opus inévitable du personnage éponyme), il faut remonter jusqu’à la fin des années 2000 pour observer son dernier rôle d’envergure. Avec Judy, Zellweger fait son retour en interprétant la chanteuse et actrice Judy Garland. Et quel retour elle fait! Alors qu’on la croyait disparue, voilà qu’elle pourrait bien se mériter un second oscar en carrière.
Une histoire trop familière
C’est sous la direction de Rupert Goold (True Story) que l’on retrace la dernière année dans la vie de Judy Garland, starlette hollywoodienne bien connue pour son rôle de Dorothy dans The Wizard of Oz. Aux prises avec plusieurs problèmes financiers, familiaux et alcooliques, Garland se fait proposer une série de concerts à Londres. Cette proposition règlerait assurément ses problèmes financiers, ce qui lui permettrait probablement de se rapprocher de ses enfants, qui vivent pour l’instant avec leur père. Son amour de ses enfants l’emporte et elle s’embarque pour cette tournée fatidique.
Déjà-vu, me direz-vous? Tout à fait. Si on ne peut pas réécrire la vie d’un personnage historique, on peut se questionner sur les raisons qui ont poussé le studio à produire un énième biopic avec une prémisse similaire (mentionnons Film Stars Don’t Die in Liverpool sorti l’an dernier sur la vie de Gloria Grahame). La réponse réside probablement dans les retours en arrière (eh oui!) d’une jeune Garland sur les plateaux de Love Finds Andy Hardy et du Wizard of Oz, distribués par MGM et son cofondateur, Louis B. Mayer. Réputé pour développer des enfants acteurs, sa réputation prend un nouveau sens à la lumière de la récente affaire Weinstein qui a secoué Hollywood ces dernières années. Le film montre habilement, peut-être trop subtilement, comment Mayer contrôlait tous les aspects de la vie de Garland, en lui promettant la gloire et la célébrité (Garland écrivit dans son autobiographie que Mayer avait abusé d’elle). Judy montre quelques scènes chargées d’une ambiance étrange entre les deux personnages, mais laisse planer un doute sur ces accusations. On comprend tout de même que la genèse de la déchéance de Garland provient de cet abus de pouvoir, qui se perpétuera pendant neuf films.
Ce sont cependant les seuls retours en arrière du film, qui se concentre surtout sur les concerts londoniens de 1968 (un an avant la mort prématurée de Garland). On suit les hauts et les bas de la chanteuse, dont les scènes s’avèrent tristement trop familières. C’est en effet l’exemple typique de la star hollywoodienne qui connait le succès, mais qui finit consumée par les abus (de pouvoir, de drogue et d’alcool). Si au niveau du film on peut trouver cela redondant, force est d’admettre que l’industrie du cinéma est depuis longtemps gangrénée, et on ne peut pas reprocher à quiconque de montrer l’envers de la médaille de la célébrité. Espérons que ce film et plusieurs autres seront vus dans quelques années comme ayant contribué à faire changer les choses (mais avouons qu’après quatre moutures différentes de A Star Is Born, on peut se permettre d’en douter).
Zellweger incarne parfaitement Judy Garland
Le film existe et fonctionne uniquement en raison de l’incroyable performance de Renée Zellweger. Elle transmet avec brio toute la détresse et la fatigue de Garland, tout en ayant les traits caractéristiques d’une diva. Ses expressions faciales sont parfaites, au point où on a parfois peine à reconnaître Zellweger. Ayant déjà prouvé ses talents musicaux dans Chicago (qui lui avait valu une nomination aux Oscars), sa performance dans Judy montre toute l’étendue de son talent. Ses reprises des chansons de Garland sont parfaites, mais tristement trop sobres. On aurait aimé plus d’éclat dans les numéros musicaux, bien que ç’aurait été à l’encontre du personnage et du contexte. On ne peut pas trop en vouloir au réalisateur, mais cela rend les numéros musicaux un peu ternes. On note également quelques problèmes de montage sonore, nous rappelant par moment qu’on assiste à un lip-synch plutôt qu’à une véritable performance.
La distribution secondaire est très accessoire dans Judy. Si l’on retrouve quelques acteurs connus comme Rufus Sewell (The Illusionist, The Marvelous Mrs. Maisel) et Michael Gambon (le second interprète d’Albus Dumbledore), force est d’admettre que l’accent est surtout mis sur Zellweger. Notons toutefois la performance de la jeune Garland, interprétée par l’inconnue Darci Shaw, dont la ressemblance d’avec son personnage est frappante.
Un film efficace, mais qui nous laisse indifférent
Malgré tout le brio de Zellweger, elle ne peut pas tout faire seule. Plutôt que de retracer la carrière de Garland en entier, on a préféré mettre l’accent sur la genèse de ses problèmes, et sur les derniers mois de sa vie. Le pari est à demi tenu, puisqu’on regrette l’absence d’évolution du personnage. On passe aussi en vitesse sur plusieurs autres moments marquants de sa vie, notamment ses tentatives de suicide en 1947 et 1950 (brièvement évoquées), son passage dans un sanatorium ou encore sa relation tumultueuse avec sa première fille, Liza Minnelli. Il nous semble que plusieurs de ces éléments auraient gagné à être plus présents.
Au final, on ressort un peu indifférent du visionnement de Judy. Constamment dramatique, le film manque un peu trop d’originalité pour marquer les esprits. Les retours en arrière sont bien exécutés et rendent le tout un peu plus dynamique, mais même la scène finale (que vous pourriez deviner sans même voir le film) manque de mordant, et est trop risible, ce qui contraste avec le reste du récit. Les vrais fans de Judy Garland y trouveront probablement leur compte, tout comme ceux et celles qui raffolent des performances « oscarisables ». Pour les autres, (re)visionnez A Star Is Born ou autre film du genre.
Crédit Photo @ Judy, le film