Par Morgane O’Gallagher
Véronique Grenier, auteure, blogueuse et conférencière et Koriass, rappeur québécois, ont uni leur voix pour transmettre un message quant au consentement, au féminisme et à la culture du viol. À des définitions, des statistiques et des récits s’ajoutaient des façons pour décontaminer la société du climat actuel qui banalise les crimes sexuels.
Comme l’expliquait Koriass, le terme culture du viol ne sous-entend pas que notre culture encourage le viol. Ce qu’on dénonce, c’est la normalisation, la banalisation des crimes sexuels. On pointe du doigt les victimes qui ont le courage de dénoncer leur agresseur. On décourage les victimes qui souhaitent dénoncer leur agression. On ne condamne que très rarement les agresseurs. Les victimes vivent dans le silence et se sentent responsables puisque c’est ce que la société reflète.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce climat : la banalisation de la sexualité, l’objectification du corps, mais aussi l’idée qu’on a de la masculinité. Koriass expliquait que dans notre culture, on apprend aux garçons à dominer, à être forts, qu’être sensible, c’est pour les filles. L’hypersexualisation et l’objectification dans les médias démontrent également aux garçons que la sexualité n’est pas sensible, elle doit être grossière, brutale. Notre vocabulaire et la façon dont on aborde la sexualité le démontre également. On parle de « défoncer », de « chienne », de « kills », de « chasse », etc. Bref, l’idée selon laquelle les garçons sont forts et ne pleurent pas est transposée dans la sexualité.
De l’autre côté, on apprend aux filles à surveiller leurs verres, à ne pas marcher seule la nuit, à ne pas s’habiller pour provoquer les hommes, etc. On entretient chez les femmes l’idée qu’elles sont responsables de « ne pas être violées ». Autrement dit, on soutient l’idée que si une femme se fait violer, c’est parce qu’elle n’a pas été prudente. La normalisation du viol est devenue à un point tel que la seule solution qu’on envisage est l’évitement. On sait que les violeurs existent, mais on donne la responsabilité aux femmes de les éviter.
Le consentement est également un facteur qui contribue à maintenir le phénomène. On définit le consentement comme le fait de donner son accord libre et éclairé. D’abord, il importe de spécifier que dès qu’il y a un rapport de pouvoir, de la peur, des menaces implicites ou explicites, du chantage ou que la personne est intoxiquée – il ne peut y avoir consentement. Ce n’est pas parce qu’une personne manifeste de l’intérêt pour un partenaire qu’elle souhaite s’engager dans toute forme d’activité sexuelle. Ce n’est pas parce qu’on s’engage dans une activité qu’on souhaitera nécessairement la conclure. Une personne peut retirer son consentement à tout moment de la relation, si l’activité ne correspond plus à ses attentes. Qu’en est-il du consentement lorsque la victime et l’agresseur sont en couple? Est-ce que deux partenaires se donnent systématiquement leur consentement pour toutes les relations sexuelles à venir?
Bref, il importe de collectivement prendre conscience qu’on tolère et banalise les crimes sexuels. En fermant les yeux sur ce problème, on contribue à maintenir le silence autour du viol. C’est une question difficile et délicate, mais elle mérite d’être exposée dans les médias. Il est difficile de constater que nous jouons un rôle dans cette culture, qu’à un moment nous avons probablement déjà pensé qu’une victime « l’avait cherché ». Il existe cependant plusieurs solutions pour déconstruire la culture du viol. La première est de briser le silence; communiquer ou retirer son consentement de façon claire. La deuxième est de s’opposer aux commentaires ou blagues qui maintiennent l’idée selon laquelle le viol est inévitable, la femme ne peut que se protéger et l’homme est la victime des pulsions causées par la femme. Finalement, futurs parents ou intervenants, n’hésitez pas à aborder le sujet avec les enfants et les adolescents. Dans le contexte culturel actuel, l’éducation sexuelle mérite d’être revisitée afin d’insérer les notions de consentement, de respect de soi et d’écoute mutuelle.
Crédit photo © College Ahuntsic