Ven. Mar 29th, 2024

Par Daphné Auger 

CRITIQUE/Alors que certaines personnes ne jurent que par cette pratique, d’autres la considèrent comme une légende. Le «scissoring», est-ce que ça existe vraiment? 

Telle est la prémisse de la nouvelle pièce documentaire de la compagnie de création Pleurer Dans’ Douche, « Ciseaux ». L’objectif ? Se réapproprier les clichés lesbophobes afin de renverser les dynamiques de pouvoir, le tout sur fond d’histoire montréalaise queer.  

La pièce s’ouvre donc sur le duo fondateur de Pleurer Dans’ Douche, Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau, chacune vêtue d’un « onepiece » noir à paillettes, ciseaux géants à la main. Perchées sur des escaliers, elles ont présenté, dans une alternance percutante, leurs intentions pour la pièce, claquant leurs ciseaux entre chaque phrase. Le tableau se termine dans un entrelacement des accessoires, se réappropriant le cliché du « scissoring ».  

S’enchainent de nombreux tableaux éclatés : lecture de poèmes, mises en scène de bars ou de descentes policières, témoignages de moments intimes entre femmes, extraits audios de femmes lesbiennes connues. 

En première partie, on aborde davantage l’histoire des lesbiennes de Montréal, de Jeanine Maes, internée dans un hôpital psychiatrique à la suite d’une entrevue avec Bernard Derome à la télévision nationale, aux nombreux lieux de rencontres qui ont existé à Montréal pour rassembler la communauté lesbienne. 

Plus loin, un éloge au baiser lesbien, où des extraits vidéos de films et de téléséries jouent en boucle, alors que les deux comédiennes s’avancent en avant-scène pour s’embrasser devant la foule. Puis vient un poème-témoignage sur les premières amours entre deux femmes, sur la beauté et la complicité de l’intimité lesbienne. 

L’enchainement effréné des tableaux laisse peu de temps pour absorber l’information et vivre les émotions multiples que soulèvent les comédiennes. Il n’y a que peu d’espace pour se déposer et assimiler. L’ajout des paroles des textes récités à l’écran, ou encore la création d’un recueil qui accompagne la pièce aurait procuré à l’audience un sentiment de plénitude et d’achèvement. Dans son format actuel, bien que brillante, la pièce est si chargée qu’elle en est difficile à saisir dans son entièreté. 

La seconde moitié de la pièce est davantage axée sur des pistes de réflexion, notamment sur l’éducation comme moteur de changement, comme la clé d’une plus large acceptation. On se permet d’imaginer des lieux de rencontre adaptés à toutes, de cafés à bars, dédiés aux lesbiennes ! On sent que l’espoir vient adoucir les effets des difficiles épreuves évoquées en premier lieu. 

Comme fil conducteur de la pièce, toutes sortes de clichés sur la communauté lesbienne sont abordés et mis en scène, les embrassant pour se les réapproprier : la tarte aux poils, la brouteuse de gazon, la femme manuelle se promenant avec une perceuse, l’amour des plats de moules, le port de mousqueton à la ceinture, et les cheveux courts comme indicateur de « gayness », le tout dans un ton humoristique qui balance les côtés plus sombres. 

En bref, un incontournable pour toute personne s’intéressant de près ou de loin à la communauté lesbienne. En espérant une tournée québécoise dans les prochains mois ! 


Crédit image @Espace libre

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