Par Rayane Baitiche Parent
Dans le cadre des Journées des sciences humaines (JSH), une conférence sur l’avènement de l’intelligence artificielle a été organisée par la Faculté des lettres et sciences humaines à l’Université de Sherbrooke. La discussion du 21 mars dernier reposait sur la détermination de l’impact de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation.
Définir l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle (IA) se définit par la capacité à simuler une intelligence à partir d’une machine. Le professeur du Département d’informatique, Froduald Kabanza, explique que l’intelligence artificielle est déjà présente dans nos vies soit par le pilotage automatique des véhicules de transport, la reconnaissance des tumeurs par des ordinateurs ou encore par l’assistant personnel des téléphones intelligents, comme l’application informatique Siri. L’IA s’établit à partir d’algorithmes dits intelligents vu leur capacité d’apprentissage autonome. Cette dernière technologie innovante permet de minimiser l’erreur et d’améliorer l’expérience des utilisateurs et utilisatrices. Contrairement aux algorithmes traditionnels de base ou de données qui requièrent une codification par un programmeur humain, l’algorithme de l’IA se base ainsi sur des modèles de calculs inspirés du réseau de neurones du cerveau humain. L’usage de l’intelligence artificielle garantit à l’utilisateur l’optimisation automatique de ses savoirs communément appelée « l’apprentissage profond ».
L’intelligence artificielle au cœur de l’éducation
Sawsen Lakhal, professeure titulaire du Département d’informatique, affirme qu’il est possible d’automatiser certaines activités dans le milieu de l’éducation, notamment les corrections d’évaluations. L’intelligence artificielle permet également de personnaliser les apprentissages selon les besoins et les compétences des personnes. Par exemple, la technologie intelligente peut proposer des exercices adaptés à leur niveau d’apprentissage. De plus, dans le domaine universitaire des sciences de la santé, les étudiants et les étudiantes peuvent simuler un contexte dans lequel ils doivent interagir avec des patients dans une situation complexe et concrète aux allures réelles. Malgré les bienfaits de l’immersion sur l’apprentissage et la pratique de la communauté universitaire, la technologie de l’IA demeure dispendieuse et reste inaccessible pour l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.
Optimiser l’apprentissage grâce à l’IA
Marc Couture, conseiller pédagogique en intégration des technologies de l’information et de la communication, déclare que cette nouvelle technologie est un modèle de réussite pour la communauté étudiante. Il s’agit d’un outil qui assiste le professeur sans le remplacer et lui permet d’identifier dans les classes les individus en situation d’échec. L’intelligence artificielle peut en effet « donner des indicateurs à l’enseignant sur des faiblesses que l’étudiant pourrait avoir », édicte Froduald Kabanza. De plus, Jean-Herman Guay, professeur titulaire de l’École de politique appliquée, ajoute que l’intelligence artificielle peut libérer le professeur des tâches répétitives, chose qui lui permet d’approfondir et de personnaliser les méthodes d’enseignement.
La limitation sociale de l’intelligence artificielle
François Claveau, professeur adjoint du Département de philosophie et d’éthique appliquée, énonce que l’interaction d’individus sur place favorise la discussion ainsi que le développement de la pensée critique. Selon lui, les domaines où la présence de l’humain est plus importante s’adaptent moins bien à l’intelligence artificielle. Jean-Herman Guay est du même avis puisque l’intelligence artificielle s’intègre difficilement aux sphères où l’interaction humaine est omniprésente, comme en psychologie et en travail social. Il ajoute que les rencontres virtuelles ne sont pas aussi riches qu’avec un contact humain.
L’humain d’abord, la technologie ensuite
Sawsen Lakhal s’est penché sur les enjeux de persévérance avec des cours en ligne en enseignement supérieur. Les rapports humains contribuent fortement à l’épanouissement des étudiants et des étudiantes. La présence sociale et l’interaction entre les individus les amènent à persévérer, chose qui se perd avec les ordinateurs. Elle mentionne, aussi, que l’intelligence artificielle peut scanner des textes et donner une rétroaction, mais ce processus reste actuellement très limité.
Progresser pour innover
Froduald Kabanza atteste que l’intelligence artificielle n’est pas encore assez développée pour posséder le caractère empathique propre à l’humain. Par ailleurs, dans le domaine de la robotique, les progrès jusqu’à présent observés sont freinés à cause des défis algorithmiques et matériels. Il rappelle que nous sommes « très loin d’une intelligence artificielle telle qu’on l’entend dans les films » et qu’à l’heure actuelle, les algorithmes ne sont pas aptes à résoudre tous les problèmes.
Vers un processus d’intégration de l’IA en musique
Annick Lessard, la vice-doyenne à l’enseignement et au développement de la Faculté des lettres et sciences humaines, exprime son interrogation sur l’avènement de l’intelligence artificielle dans le domaine de la musique. Elle, qui par ailleurs est flutiste, relate que les artistes se demandent comment intégrer ces nouvelles technologies dans leur champ disciplinaire qui est traditionnellement transmis de professeur et professeure à élève. La communauté étudiante en musique dispose de cours où le personnel enseignant offre une rétroaction immédiate, notamment sur les corrections à apporter dans l’interprétation des pièces musicales. Elle explique que « ce savoir se transmet humainement et c’est quelque chose qui est très difficile à faire en vidéo ».
Inquiétudes relatives à la montée de l’IA
François Claveau affirme que « le véritable danger se situe au niveau organisationnel ». Il souligne que le domaine des sciences humaines exige une interaction plus forte entre le personnel enseignant et la communauté étudiante afin de veiller à son plein épanouissement. La perte de la diversité des points de vue est envisageable si toutes les disciplines sont forcées d’intégrer l’intelligence artificielle.
Jean-Herman Guay ajoute qu’il se pourrait qu’il y ait des écarts entre les disciplines. Il se questionne à savoir si l’université et la formation actuelle sont bien placées pour utiliser l’intelligence artificielle avec humanité, respect et éthique.