Par Hanna Krabchi
Le vendredi 21 octobre dernier avait lieu le lancement officiel du mouvement social Québec contre les violences sexuelles (QCVS), au campus de l’UdeS à Longueuil. Ariane Litalien, Kimberley Marin et Mélanie Lemay — membres fondatrices de QCVS — ont appelé le gouvernement à l’action sous la forme de trois revendications : l’établissement d’une loi obligeant l’instauration de règles encadrant les plaintes d’agressions sexuelles dans les institutions postsecondaires, un financement approprié pour la lutte aux violences sexuelles et une formation sur les violences sexuelles pour tous les élus de l’Assemblée nationale.
J’ai discuté du mouvement avec Mélanie Lemay, qui est aussi vice-présidente au développement durable et aux affaires locales et communautaires de la FEUS.
Vos trois revendications présentées en conférence de presse découlent de quel constat? En particulier celle en lien avec la formation des élues et élus?
« Ça découle du fait que naturellement, on n’a pas atteint la parité à l’Assemblée nationale. On s’est dit qu’à défaut de l’avoir de manière ‘‘normale’’, ce serait quand même intéressant de reprendre des revendications de certains groupes, qui malheureusement sont morts à cause du fait que le secrétariat de la condition féminine a été coupé de moitié. Donc je suis allée dépoussiérer des idées que les PÉPINES — un organisme dont j’ai déjà été administratrice — avait déjà présenté. Je me suis dit que ça pourrait vraiment être une belle astuce pour finalement amener la réflexion à tous les élus, pour qu’ils ne puissent pas faire semblant par la suite qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent. »
Donc, le constat de base est qu’il y a un manque de connaissance sur ce qu’est la culture du viol au parlement, mais aussi dans la société en général?
« C’est ça! Aussi dans la prise de décisions concernant des enjeux qui touchent beaucoup de gens, mais qui malheureusement sont sous-représentés, voire invisibles en raison de la voix dominante. »
Vous avez commencé votre allocution en déclarant la « guerre à la culture du viol », pouvez-vous développer là-dessus?
« J’ai voulu me réapproprier et réinterpréter un terme qui est très mâle. Dans le sens où les hommes ont tendance à vouloir déclarer la guerre assez rapidement. Je me suis dit : pourquoi ne pas le tourner à notre avantage, nous les femmes, et le faire à notre façon à nous, soit de manière pacifique, concertée et réfléchie? C’est vraiment dans ce sens que je me suis dit que ce serait un bon statement pour dire : écoutez, là, on va arrêter de faire comme si ça n’existait pas, que ce n’était pas grave ou que c’était juste un problème entre femmes! »
QCVS est un mouvement social apolitique et à visée intersectionnelle; pouvez-vous nous dire en quoi ces deux points étaient importants pour vous?
« Pour nous, c’était super important que ce soit apolitique pour éviter que tout ce qu’on revendique devienne finalement un stérile combat en chambre. Le but est vraiment de rappeler que tout le monde est concerné par l’enjeu. Que tous les élus, qui sont censés représenter la population, se rappellent que la population vit avec cette dynamique-là tous les jours! De là l’importance de s’assurer que ce soit apolitique, parce qu’on ne voulait pas recréer une espèce de débat qui était noyauté par un parti plus qu’un autre, et que finalement ça devienne un débat partisan et non pas un débat social. […] Et pourquoi à visée intersectionnelle? Parce que je trouve que oui, c’est beau le féminisme, mais dans notre système d’oppression, ce n’est pas l’ensemble des enjeux qui sont mis de l’avant. Et, souvent, les personnes qui en ont le plus besoin, les personnes les moins privilégiées, leur voix est complètement ignorée. […] Donc c’est vraiment pour ça que je considérais important d’ajouter une analyse intersectionnelle. De par le fait que moi-même je suis racisée, mais que je me considère quand même comme une femme privilégiée malgré tout. Du fait que je suis éduquée, que j’ai un entourage autour de moi, que j’ai un statut de citoyenneté canadienne. […] Je considère que ma voix doit servir aussi à porter les choses dont moi-même je ne suis pas consciente. C’était important pour moi de faire cet espace-là. »
Vous avez invité la rectrice de l’Université de Sherbrooke à faire une allocution à la conférence de presse, pouvez-vous nous dire la raison?
« C’était en réponse directe au fait que le gouvernement ait mentionné que c’était la responsabilité des recteurs, c’était à eux de régler le problème. L’Université de Sherbrooke, c’est pas comme s’ils avaient été des hypocrites. Depuis le début ils sont avec nous. Ils ont été les premiers à dire qu’ils embarquaient dans notre initiative, qui découlait de l’événement « Souris si tu te touches ». Ils ont toujours été vraiment à notre disposition, dans le sens que dès qu’on avait une idée, on les appelait et tout de suite ils nous fournissaient les ressources et l’aide. J’ai trouvé que c’était insultant l’image que [les propos de monsieur Couillard] pouvaient donner des recteurs; comme quoi c’était tous des gens qui s’en fichent […] alors que ce n’est pas vrai! J’ai reçu énormément de soutien de la part de l’UdeS, probablement plus que de n’importe quelle autre université. Alors c’était quelque chose que je voulais nommer. Et qu’aussi, en même temps, on comprenne que les universités ne sont pas la cause du problème, elles en sont juste un symptôme. […] Je considère qu’à Sherbrooke on est vraiment proactif et c’est vraiment génial. »
Quelle est la suite pour le mouvement?
« C’est une surprise! »
Pour plus d’information, visitez la page Facebook de Québec contre les violences sexuelles et leur site internet.
Crédit photo © QCVS