Par Alix Ruhlmann
La décroissance est un concept sur lequel se sont penchés de nombreux auteurs, mais au sein duquel existent encore quelques divergences. Cette réalité ouvre la porte à de nombreuses critiques, en particulier de la part d’individus n’ayant pas fait une revue exhaustive de la question. Cependant, certains éléments clés font consensus et ne peuvent être galvaudés. Le présent texte vise donc à clarifier quelques-uns de ces points clés afin de prévenir des critiques infondées. Il ne prétend ni refléter l’entièreté des opinions des chercheurs ni couvrir l’entièreté de la réalité que couvre le terme.
Tout d’abord, la décroissance ne vise pas une décroissance du PIB. De fait, les objecteurs de croissance s’entendent pour dire que le PIB ne reflète que très mal le bien-être des sociétés et de leur environnement. Ils refusent donc d’accorder autant de place à cette statistique.
Ils préfèrent appeler à la réduction volontaire de la quantité de matériaux et d’énergie consommés par l’économie. Ils suggèrent également d’assortir ces réductions d’un renforcement des liens sociaux et de l’implication citoyenne. Il ne s’agit pas donc pas d’une réduction unilatérale du dynamisme social et de la qualité de vie. Il devient donc totalement absurde de parler d’équivalence entre récession (chute du PIB) et décroissance.
Dans le même ordre d’idée, la position de certains selon laquelle une transition décroissante n’amènerait que chaos, pauvreté et hausse des inégalités est une position inadéquate. En effet, la décroissance est une approche qui se veut inclusive et équitable. Une transition décroissante nécessite donc autant la réduction de la taille de l’économie que l’inclusion systématique des populations défavorisées. Ainsi, plutôt que de ne miser que sur des mesures palliatives comme le fait actuellement le système capitaliste (dont le fonctionnement repose d’ailleurs sur la hausse des inégalités), la décroissance inclut directement des mesures qui permettent de répondre aux besoins des populations malgré une réduction de la taille de l’économie. Par exemple, une économie décroissante donnerait davantage de place aux services sociaux et éducatifs que l’économie actuelle. De plus, elle découragerait des pratiques, comme le marketing agressif qui « crée » des besoins matériels, qui finissent par appauvrir certains individus.
De plus, une des raisons d’être de la décroissance étant le respect et la préservation de l’environnement, il serait absurde de mettre cet aspect de côté. De fait, la décroissance permet de s’assurer que l’économie respecte réellement les limites environnementales planétaires, et non uniquement dans une optique court-termiste. Il est en effet nécessaire de comprendre que les limites environnementales ne peuvent être mises dans le même sac que les limites budgétaires ou techniques : il s’agit de limites qui s’inscrivent dans une perspective à (très) long terme. Dans l’économie actuelle où le profit individuel instantané prime, il semble utopique d’espérer que le « marché » et les entreprises prennent en compte les limites environnementales de manière naturelle et autonome…
Au final, la décroissance, c’est simplement de choisir de manière collective, de protéger l’environnement et la société. Il ne s’agit pas de cesser d’interagir dans une perspective économique et de créer les conditions pour une crise économique ! Mais plutôt de repenser l’économie avec rigueur et créativité pour qu’elle contribue automatiquement au bien-être des gens et de l’environnement plutôt que de laisser les logiques financières et individualistes s’occuper de ce bien-être à leur manière.