Par Emie Charpentier
Qui ne rêverait pas d’avoir des cours de dessin à l’université ? Eh bien, c’est maintenant possible grâce à deux enseignants de science qui ont eu l’idée d’encourager les étudiants à vulgariser davantage la recherche par la bande dessinée.
Il s’agit entre autres de Olivier Robin, professeur à la Faculté de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke et spécialisé en acoustique marine, contrôle du bruit et vibrations. Le second professeur qui a fait naitre ce projet est Benoit Leblanc, chargé de cours au département de biologie de l’Université. Il est également auteur et dessinateur du blogue Des gens en blouse blanche et de la série de bandes dessinées Le Bras d’Orion, qui comporte maintenant trois tomes.
Comment avoir mis sur pied un tel projet ?
Lancer un cours d’une telle ampleur n’est pas si facile que ça. Olivier Robin est le premier à avoir eu cette idée, puisqu’il aimait déjà la scénarisation. Les deux scientifiques se complétaient donc très bien avec leurs compétences. C’est grâce au Centre compétence en recherche plus (CR+), l’un des avantages distinctifs de l’UdeS, qu’ils ont pu proposer un plan de cours à la directrice et faire directement approuver le projet. Ce centre permet aux étudiants et étudiantes de la maitrise et du doctorat de suivre des cours spécifiques reliant des compétences transversales à développer avec leur formation.
À qui s’adresse ce cours ?
Le cours nommé EFD919, « communication scientifique par la bande dessinée » a donc affiché complet dès la première session à l’hiver 2020. Il est offert à toutes les facultés, puisque, contrairement à ce que certains peuvent penser, il y a de la recherche dans tous les secteurs d’activités, que ce soit du génie, des sciences de l’éducation ou encore de la musique. L’objectif de la formation est de maitriser la communication de ses résultats de recherches pour en faire la conception et la création d’une bande dessinée.
La force du cours est qu’il ne faut pas non plus posséder des compétences en dessin pour l’effectuer. La communauté étudiante va apprendre à concevoir une BD et aura accès à des ressources internet pour créer des personnages de façon virtuelle et les mettre en scène. Le cours n’est pas noté, puisque le but est seulement d’apprendre aux étudiants et étudiantes à développer leurs compétences.
Le lancement du recueil
Dès la première session, une quinzaine d’étudiants et étudiantes avaient eu la chance de présenter leur BD à l’évènement Art BD Sherbrooke ainsi que voir leurs œuvres exposées. Depuis, le lancement d’un ouvrage en version bilingue intitulé « Dessine ta science » a été publié en 2021. Il décrit les travaux de recherche des étudiants et étudiantes, oui oui ! Ceux qui ne pensaient même pas être capables d’écrire une ligne de leur bande dessinée ont finalement réussi à faire un livre.
Bien sûr, la sortie de l’ouvrage n’aurait pu être possible sans la contribution de quelques professionnels tels que François Vigneault, ou encore Delphine Ducasse, qui avait remporté le concours de vulgarisation scientifique de l’UdeS en 2020. Sans oublier la subvention du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada.
Pourquoi vulgariser ?
Selon les deux créateurs du cours, il est d’autant plus important de vulgariser depuis la pandémie. Cela permet à la population de comprendre des phénomènes scientifiques comme celui du virus de la COVID-19, ce qui est pertinent, et ce, pour tous les domaines. La force de la BD est la combinaison du texte et des images, les auteurs commencent par un texte vulgarisé et bâtissent par la suite le récit et les images.
L’histoire de la vulgarisation a une évolution bien spéciale. Contrairement à une certaine époque à laquelle les scientifiques racontaient davantage leurs découvertes de manière plus large, par exemple Isaac Newton qui, en même temps de révolutionner la physique, écrivait sur la religion. Tous étaient des polymathes, mais de nos jours, il faut se rappeler que les recherches dans les domaines sont de plus en plus précises, il est donc plus difficile de trouver le temps pour vulgariser.
Les bandes dessinées dans un contexte de vulgarisation sont présentes depuis un certain moment, notamment en histoire, et quand il s’agit de science, c’est le même principe : raconter des phénomènes accessibles à la majeure partie de la population, et par le fait même les tenir informés et éduqués. C’est également en 2015 que la première thèse de doctorat en bande dessinée a été publiée aux États-Unis. Au Québec, de plus en plus d’ouvrages de ce type font apparition, notamment Vous avez détruit la beauté du monde, une BD sortie en 2020 sur l’histoire du suicide et qui s’appuie sur plus de 20 000 dossiers de coroners.
Il est rappelé que le terme « bande dessinée » n’est pas destiné qu’à des enfants, bien qu’il soit encore en processus d’accessibilité sociale, il s’agit d’un moyen légitime de communication qui a un avenir très prometteur !
Crédit image @Michel Caron