Avortement : l’état des choses aux États-Unis et au Canada 

Par Thomas Le Breton-Paquin et Rose-Marie Guay 

Le droit à l’avortement fait encore réagir aux États-Unis alors que 14 États l’interdisent toujours sur leurs territoires.  

Chez nos voisins du sud, le droit à l’avortement est, au niveau politique, un sujet majeur, dont les évolutions se glissent dans l’actualité québécoise et canadienne, suscitant de l’inquiétude chez de nombreuses personnes.  

L’arrêt Roe c. Wade, décision de la Cour suprême des États-Unis datant de 1973 et garantissant le droit à l’avortement sur l’ensemble du territoire américain, a été invalidé par cette même Cour en 2022, faisant reculer l’état des choses de près de 50 ans. Ce renversement a pour effet de donner pleine liberté à chacun des États américains pour légiférer en la matière. 

Plusieurs États n’ont pas tardé à prendre des mesures pour permettre, encadrer ou interdire l’avortement sur leur territoire. Certains s’étaient même dotés de « lois-gâchettes », prévoyant l’interdiction quasi-immédiate de l’avortement en cas d’invalidation de l’arrêt Roe c. Wade. D’autres États ont, à l’inverse, adopté des lois afin de garantir le droit à l’avortement, se voulant de véritables sanctuaires de l’avortement. 

Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 14 États qui ont interdit l’avortement sur leur territoire, dont 9 qui ne prévoient aucune exception en cas de viol ou d’inceste. Les victimes, n’ayant aucun recours dans leur État, se voient obligées de mener leur grossesse à terme, ou de se déplacer dans un État où l’avortement est légal, ce qui, parfois, représente plusieurs centaines de kilomètres de déplacement.  

Et au Canada? 

Au Canada, le droit à l’avortement est protégé de façon jurisprudentielle, c’est-à-dire que ce sont les tribunaux qui l’ont établi. Il s’agit d’abord de l’affaire Morgentaler de 1988, où la Cour suprême a invalidé l’article 251 du Code criminel, qui avait pour effet de criminaliser l’avortement. Ensuite, l’arrêt Daigle c. Tremblay établit que le fœtus n’est pas un humain en droit et que pour le devenir, donc pour pouvoir jouir des droits d’une personne, il doit naître vivant et viable. Une femme ne peut donc être poursuivie pour avoir mis fin à sa grossesse, par exemple. 

Cependant, l’avortement n’est pas spécifiquement encadré par une loi au Canada, ce qui est plutôt exceptionnel. En 1990, une tentative a été faite par le gouvernement Mulroney de resserrer sérieusement l’accès à l’avortement au pays en le criminalisant de nouveau, mais le Sénat a rejeté le projet de loi, à 43 voix contre 43 voix. Le Canada a donc passé très près d’avoir un accès à l’avortement beaucoup plus réduit que celui que l’on connaît aujourd’hui. 

Mais il demeure que l’avortement est protégé et que pour que les choses changent, il faudrait que la Cour suprême fasse volte-face sur ses décisions précédentes. Celle-ci ayant décidé que le droit à l’avortement est protégé par la Charte, il serait aussi théoriquement possible qu’un gouvernement, fédéral ou provincial, adopte une loi interdisant l’avortement en ayant recours à l’article 1 de la Charte, qui comporte une clause permettant de déroger à celle-ci selon certaines conditions. Cependant, les chances que l’un de ces deux scénarios se concrétise étant minces, il est possible d’affirmer que le droit à l’avortement est bien protégé au Canada. 


Source: Encyclopédie Canadienne

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