Ven. Mar 29th, 2024

Par Marie-Clarisse Berger 

Il y a quelques jours, la Cour supérieure du Québec a déposé le jugement historique, Luamba c. Procureur général du Québec, qui renverse un précédent jurisprudentiel discriminatoire.  

Luamba prétend être victime de profilage racial lors d’interpellations policières. Celui-ci veut faire déclarer invalide constitutionnellement et inopérante la règle de Common Law  qui permet aux corps policiers d’intercepter un véhicule routier, sans motif réel, lorsque cette interception ne fait pas partie d’un programme structuré.  

Il avance que la règle de droit contrevient aujourd’hui aux garanties juridiques inscrites aux articles 7 et 9 et au paragraphe 15 (1) de laChartecanadienne des droits et libertés et que la règle de droit n’est pas justifiable au sens de l’article 1 de la Charte canadienne

Le concept de détention arbitraire selon Hufsky 

En effet, depuis le jugement R c. Hufsky rendu en 1988, les corps policiers ont le droit d’effectuer des détentions arbitraires dans le cadre de contrôles routiers. Deux ans plus tard, le jugement Ladouceur tranchait que les interpellations arbitraires, lors d’interceptions de véhicules faites au hasard, constituaient des détentions arbitraires qui se justifiaient en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne. C’est donc en 1990 que la Cour suprême confirmait que les corps policiers n’avaient pas besoin de motifs pour intercepter un individu. 

Le profilage racial existe-t-il au Québec? 

Dans le présent cas, Luamba avance que la règle de Common Law établie dans Ladouceur et les dispositions législatives qui en découlent mènent à une interpellation des hommes noirs. À ce sujet, notons que le rapport Armony-Hassaoui-Mulroney médiatisé dans La Presse en automne 2019 conclut que les personnes noires ont de 4 à 5 fois plus de chances de se faire interpeller par la police que leurs contreparties blanches. Pour les femmes autochtones, le ratio s’élève à 11 fois plus que leurs homologues caucasiennes. La demande de Luamba, interpellé une dizaine de fois sans recevoir de constat d’infraction entre mars 2019 et novembre 2020, fait écho à ce problème latent. 

La Cour supérieure a finalement tranché en faveur du demandeur et a stipulé que la règle de droit autorisant les « interceptions routières sans motif réel », au sens du présent jugement, viole les droits garantis par les articles 7 et 9 et le paragraphe 15 (1) de la Charte canadienne sans pouvoir être justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique. De ce fait, elle est invalide. 

En conclusion, la Cour admet que le profilage racial existe bel et bien et fait une sorte d’appel à l’action. C’est un pas énorme pour les communautés racisées, car il est très rare que la magistrature, ou même les enquêtes indépendantes, comme celle portant sur le cas de Mamadi III Fara Camara, reconnaissent le profilage racial qui sévit à l’égard des personnes noires. Il est vrai que la preuve de profilage est très difficile à établir et la Cour rappelle que ce jugement ne va pas effacer automatiquement le problème.  

Tout de même, il faut admettre que la plume du juge Yergeau jette les bases sur une conduite claire que les corps policiers devront observer à l’avenir. 


Crédit image @Sûreté du Québec

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